plus d'une année et demie de sa nomination, le chef de l'exécutif affiche un bilan plutôt négatif sur tous les plans. L'éclatement de sa majorité avec le retrait du Parti de l'Istiqlal, en est la conséquence la plus visible. En fait le chef de gouvernement accuse au moins trois échecs cuisants : Echec politique d'abord. M. Benkirane a été incapable de faire les gestes appropriés, de trouver le ton pour la mobilisation autour d'un projet gouvernemental clair et cohérent et surtout de manifester le talent nécessaire, pour un chef de l'exécutif, afin de rassembler au-delà du courant qu'il représente. Le chef de gouvernement est sans cesse paru hésitant, inapte à tenir un cap explicite susceptible de fédérer les synergies autour de projets clairement définis après concertation, négociation et validation de la part de toutes les composantes de sa majorité dans une approche participative garante de l'implication de toute la majorité et surtout de chances de réussite. Bref, le secrétaire général du PJD donne l'impression d'être dépourvu des qualités de leadership requises pour la mise en œuvre et la concrétisation du programme gouvernemental. Il s'est montré trop clivant, trop partisan, incapable de dépasser sa situation de chef de parti pour endosser l'habit, la hauteur de vue et la pensée stratégique du chef de gouvernement. Echec économique et social ensuite, d'autant plus ressenti par les citoyennes et citoyens marocains à l'approche du mois sacré de Ramadan. L'état économique du pays est le reflet d'une situation politique préoccupante. La vision n'est pas claire pour les opérateurs économiques. L'esprit partisan et la volonté de clivage s'opèrent aussi dans le champ économique. La tentative, vouée à l'échec, de marginaliser la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc) et d'implanter une entité partisane, proche du PJD, relève du même esprit de vouloir s'accaparer toutes les décisions, de gérer les affaires du pays à travers le prisme du parti, alors que la bonne séance impose d'écouter les autres et surtout de respecter et de tolérer les différences. Ces comportements, ces tergiversations témoignent de l'absence totale de programme économique et de savoir-faire gestionnaire. Ils ont montré que le chef de gouvernement et son parti ont du mal à opérer sur eux-mêmes, sur leurs pratiques, la transformation nécessaire pour passer d'un parti d'opposition à un parti de gouvernement. Les forces obscures et les djinns de Benkirane sont à chercher dans cette posture. Une schizophrénie manifeste entre des réflexes d'un parti d'opposition, qui se trouve aux commandes, sans préparation et sans culture de compromis pour assurer la cohésion d'une équipe gouvernementale. Un chef de parti conservateur avec un mode de gestion qui cultive le culte du chef passé chef de gouvernement qui demande un management participatif. La remise en cause de certaines certitudes, l'ouverture vers d'autres modes de prise de décision sont apparemment difficiles pour le chef de gouvernement qui se trouve de facto en porte à faux par rapport à l'évolution des mentalités dans un Maroc ouvert, tolérant, n'acceptant aucune forme de paternalisme et encore moins de relents de «totalitarisme» d'esprit. On ne peut plus essayer de capitaliser sur les malheurs d'une frange de la population quand on est aux commandes. On doit réagir, créer, faire preuve d'imagination pour aplanir les difficultés, tracer une voie et donner de l'espoir. M. Benkirane a montré ses limites, voire son incapacité à répondre aux aspirations de nos concitoyens. La preuve, il s'est lui-même créé des pseudo-ennemis (Djinns, forces obscures) pour justifier son échec. Résultat, au lieu de se remettre en question, de réorienter son action, Benkirane s'est crispé davantage, et, face à l'opposition de son action au sein même de son gouvernement, il a eu le plus mauvais des réflexes: se reposer sur les éléments les plus «radicaux» de sa mouvance pour faire taire toute critique. Les déclarations au quotidien de l'aile dite «radicale» de son parti remplace les projets de développement et la bonne gouvernance. Bref, pour la première fois au Maroc, les déclarations font office de gouvernance. Là où on s'attendait à des propositions de l'exécutif, on nous sert des déclarations. Cette pratique malencontreuse, non seulement, n'apporte aucune solution aux problèmes posés, mais en plus elle exacerbe le climat de tension entre les composantes de la société et donne l'impression que le chef de l'exécutif navigue à vue, manquant d'ambition et de vision. Idéalement, toutes les composantes de l'actuelle majorité devraient dialoguer sur la base de la déclaration gouvernementale, qui reflète, en grande partie, les propositions des programmes électoraux des partis de la majorité afin de réajuster, de réorienter l'action gouvernementale pour faire face aux défis de notre pays. Mais la crispation du chef de gouvernement et sa dépendance partisane nous laissent dubitatifs. Est-il capable de changer de posture et prendre de la hauteur afin de considérer l'intérêt général du pays ? La question reste posée car c'est plus un problème de culture et de mode de management qu'un problème purement politique.