La 66ème édition du festival de Cannes revet un caractère particulier pour nous Maghrébins. Elle a consacré le cinéaste d'origine tunisienne Abdellatif Kechiche en remettant la palme d'or à son film «La vie d'Adèle». C'est la consécration d'un long parcours entamé par Abdel Kechiche (53 ans) il y a des décennies déjà, d'abord en tant qu'acteur dirigé par Abdelkrim Bahloul, Nouri Bouzid, Rida Behi, André Téchiné et bien d'autres avant de réaliser ses propres films à partir de 2000 avec «C'est la faute à Voltaire». Il a réalisé également «L'esquive», «La graine et le mulet» et surtout « La Vénus noire» qui est certes une grande oeuvre, inspirée d'une histoire vraie, remarquée à La Mostra mais ignorée à Cannes. On aurait aimé que Kechiche soit déjà consacré pour cette oeuvre historique et ambitieuse, bien narrée, interprétée, musiquée et décorée à merveille. Un film à grand succès public et critique qui ne laisse indifférent personne compte tenu de sa dimension humaine de grande ampleur. Dommage que les récompenses soient si mal orientées! Il faut attendre de voir «La vie d'Adèle» pour mieux le juger. On sait déjà qu'il traite d'un sujet imposé par la force de l'actualité qu'est l'homosexualité, un sujet débattu à grande échelle en France qui n'a pas manqué de diviser le peuple. Le gouvernement socialiste en a fait son cheval de bataille en ramenant ce qui relevait du comportement personnel et intime à la place publique sans se soucier trop de l'impact familial et social. En traitant un sujet de la sorte, qui est loin de faire l'unanimité, Kechiche fait-il preuve d'un opportunisme dont il a lui-même ignoré la portée? Le jury a-t-il adhéré au débat général en y apportant sa symbolique contribution? Le doute est semé par le contexte qui sévit dans le pays qui acceuille le festival. C'est l'avenir qui va nous éclairer sur les vraies motivations du palmarès. Pour le moment, le résultat est là. Nous Maghrébins, on se souviendra longtemps de cette récompense qui vient consacrer les efforts louables d'un cinéaste talentueux et courageux qui ne recule nullement devant les tabous de quelque nature qu'ils soient. Cette palme vient s'ajouter à celle obtenue par le cinéaste algérien Mohamed Lakhdar Hamina en 1975 pour sa fresque «Chronique des années de braise», qui est certes une grande oeuvre et pour laquelle la comédienne marocaine Leila Shenna, interprétant le role principal, allait être consacrée meilleure actrice par le festival. En meme temps, on comprend la gêne chez les responsables marocains présents à cette 66ème édition, déployant des moyens fastidieux pour entretenir un stand couteux, inutile et sans impact.