Après deux attaques en moins d'une semaine contre des organisations internationales en Afghanistan, dont la Croix-Rouge présente dans ce pays depuis 26 ans, les travailleurs expatriés doivent se résoudre au fait que personne n'est à l'abri à l'approche du retrait occidental. Les attaques de kamikazes et hommes armés contre les bureaux du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de l'Organisation internationale pour les Migrations (OIM) pourraient marquer une nouvelle phase dans ce conflit entamé il y a 12 ans. L'OIM s'est déclarée «perplexe» sur les raisons de la prise d'assaut vendredi dernier à Kaboul de son complexe, où sept personnes (les quatre assaillants, un policier et deux civils) ont été tués. Quant au CICR, une des organisations étrangères les plus respectées dans le pays en raison de sa réputation de neutralité, il ne parvenait pas non plus à s'expliquer l'attaque de ce mercredi contre son bureau de Jalalabad (est) qui a tué un garde afghan. A la suite de cet assaut, il a annoncé la fermeture de ce bureau et suspendu les déplacements de ses employés en Afghanistan, après avoir d'abord publié un message ambigu évoquant la suspension de toutes ses activités dans le pays. «Nous sommes en train de rétablir des contacts avec le gouvernement comme avec les groupes armés (y compris rebelles, ndlr) pour savoir ce qui s'est passé et pourquoi», a précisé le chef du CICR pour l'Asie du Sud, Jacques De Maio, dans un communiqué annonçant le gel des déplacements du CICR. «C'est un avertissement pour toutes les organisations internationales», a estimé Najib Tajali, directeur adjoint de l'Agence de coordination pour les secours afghans (Acbar), qui représente nombre d'ONG travaillant dans le pays. Les talibans ont revendiqué l'attaque contre l'OIM en affirmant que leur cible abritait des étrangers, notamment des services secrets américains. Mais personne n'a revendiqué celle contre le CICR. Dans les deux cas, le but des assaillants semblait de tuer des étrangers. Mais seule une Italienne, employée de l'OIM, a été sérieusement blessée. Lors de cette attaque, dix ressortissants étrangers terrifiés s'étaient barricadés pendant deux heures dans une chambre forte avant d'être secourus par les forces afghanes. «L'attaque contre le CICR est particulièrement troublante», relève de son côté Kate Clark, analyste basée en Afghanistan. «Ce n'est pas une organisation humanitaire comme les autres. D'un point de vue afghan, ils ont tout traversé, même la guerre civile à Kaboul (1992-1996) qui avait fait fuir la plupart des organisations», dit-elle. L'an dernier, les talibans avaient même loué le travail du CICR, qui s'occupe notamment de rendre les corps à chacun des belligérants, d'identifier les détenus et d'offrir des soins médicaux. «Si cette organisation peut être aussi une cible, alors qui ne l'est pas ?», s'inquiète Mme Clark. Un employé helvético-salvadorien du CICR avait été tué par balles en mars 2003 dans le sud du pays après que son véhicule eut été arrêté par des talibans. Mais jamais encore les bureaux du CICR n'avaient été directement visés dans le pays. Ces attaques contre les organisations internationales ne sont pas nouvelles, mais interviennent alors que l'Otan qui soutient le gouvernement de Kaboul face aux talibans prévoit de retirer la majorité de ses troupes à la fin 2014. Et des enlèvements d'étrangers dans la capitale Kaboul -- deux Français, finalement libérés -- ont eu lieu en fin d'année dernière alors qu'ils avaient cessé ces dernières années, confirmant que les groupes armés locaux hésitent de moins en moins à s'attaquer aux Occidentaux. Cette montée de l'insécurité risque selon les Occidentaux d'entraver encore plus le développement de ce pays pauvre, déjà largement handicapé par le conflit. «Nous avons besoin de plus de temps pour dire si les dernières attaques vont changer la donne», relève un cadre de Pilgrims, une société de sécurité qui évalue le niveau de risques pour les ONG, tout en soulignant que «toutes les organisations internationales sont confrontées à des dangers» dans le pays. Pour le porte-parole des services secrets afghans, Shafiqullah Tahiri, «les rebelles n'ont pas de cible claire, leur but est de semer la terreur, voilà tout».