Les pays arabes ont proclamé leur droit d'armer l'opposition contre le régime de Bachar al-Assad après lui avoir octroyé le siège de la Syrie à la Ligue arabe, lors d'un sommet d'un jour mardi au Qatar. Le chef démissionnaire de l'opposition, Ahmad Moaz Al-Khatib et le «Premier ministre» intérimaire Ghassan Hitto ont pris place sous les applaudissements aux côtés des chefs d'Etat arabes à l'ouverture du sommet dans la salle où le drapeau de la révolution syrienne a remplacé celui de la République syrienne. M. Khatib a défendu devant les dirigeants arabes l'autonomie de l'opposition face aux ingérences extérieures et demandé l'extension du bouclier anti-missiles de l'OTAN en Turquie au nord syrien, ce que Washington a refusé. Dans leur résolution finale, les pays arabes ont souligné qu'un règlement politique en Syrie, dévastée par deux ans de guerre, constituait «une priorité». Mais ils ont ajouté que «chaque Etat membre a le droit d'apporter tous les moyens d'autodéfense y compris militaire pour soutenir la résistance du peuple syrien». Le patron de la Ligue arabe Nabil Al-Arabi a expliqué lors d'une conférence de presse qu'il s'agissait «d'établir un équilibre sur le terrain» entre l'opposition et le régime, dans le but de parvenir à une «solution politique». «Il faut créer un équilibre dans toute négociation politique», a renchéri le Premier ministre du Qatar, Hamad Ben Jassem Al-Thani. Seuls Bagdad et Alger ont exprimé leurs réserves et le Liban s'est distancié du texte, alors que les violences ne connaissent aucun répit sur les nombreux fronts en Syrie faisant comme tous les jours des dizaines de morts, selon une ONG syrienne. Les Arabes ont octroyé à la Coalition nationale de l'opposition le siège de la Syrie «à la Ligue arabe et dans ses organisations et conseils spécialisés jusqu'à l'organisation d'élections et la formation d'un gouvernement» dans ce pays. Dans son discours devant le sommet, M. Khatib s'est livré à un plaidoyer passionné en faveur du peuple syrien «massacré depuis deux ans sous les yeux du monde entier». Selon lui, il revient au «seul peuple syrien de choisir celui qui le dirigera, et la manière dont il sera gouverné. Le peuple refuse tout mandat». Pour la presse officielle à Damas, l'octroi du siège de la Syrie, vacant depuis novembre 2011, à l'opposition est «un vol commis par l'émirat du Qatar (...) et par d'autres régimes arabes traîtres». C'est le Qatar, principal bailleur de fonds de l'opposition, qui a fait pression pour l'octroyer à l'opposition. Ce pays est déjà accusé par le régime syrien d'armer la rébellion. Le site internet de la Ligue arabe a été piraté par des partisans du régime syrien. Pas d'extension du bouclier anti-missiles M. Khatib a aussi réclamé que l'opposition obtienne «le siège de la Syrie à l'ONU et dans les organisations internationales» et demandé «le gel des fonds que le régime a pillé à notre peuple», estimés par l'opposition à quelque 2 milliards de dollars. Il a en outre dit avoir demandé au secrétaire d'Etat John Kerry «l'extension vers le nord syrien du bouclier anti-missiles Patriot» déployé en Turquie voisine. Mais la Maison Blanche a indiqué que l'Otan ne fournirait pas de Patriot pour protéger les bastions rebelles en Syrie. Dimanche, M. Khatib a annoncé sa démission surprise, en disant vouloir protester contre l'inaction de la communauté internationale et en accusant des pays soutenant l'opposition «de tenter de contrôler la révolte». Mais il annoncé ensuite sa participation au sommet. Selon un opposant, Khaled Al-Saleh, sa démission «n'a pas été acceptée» et «la plupart des membres de la Coalition souhaitent» qu'il reste, alors que l'opposition peine à unir ses rangs. Outre le conflit syrien qui a fait plus de 70.000 morts et un million de réfugiés, le sommet a adopté une proposition du Qatar portant sur la création d'un fonds d'un milliard de dollars pour Jérusalem dont le quart serait à la charge du riche Etat gazier. Il a aussi adopté la proposition du Qatar de tenir au Caire un mini-sommet arabe pour sceller la réconciliation interpalestinienne entre le Fatah et le Hamas. Un Suédois pour enquêter sur les armes chimiques Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a nommé mardi un scientifique suédois, Ake Sellström, à la tête d'une commission d'enquête sur le recours éventuel aux armes chimiques dans le conflit en Syrie. «C'est un scientifique accompli avec une formation solide en matière de désarmement et de sécurité internationale», a déclaré le porte-parole de l'Onu, Martin Nesirky. On ignore toujours cependant la composition de son équipe. La Russie a demandé lundi à ce que des experts russes et chinois participent à l'enquête mais l'ambassadeur russe aux Nations unies, Vitali Tchourkine, a déclaré que son pays ne serait «très probablement pas» représenté au sein de cette commission. Ake Sellström a fait partie de l'équipe onusienne qui a enquêté sur et démantelé dans les années 1990 le programme d'armes chimiques et bactériologiques de l'Irak. Il était retourné en Irak en 2002 avec une commission d'enquête des Nations unies, qui n'a trouvé aucun élément concluant à l'appui des accusations de George Bush sur l'existence d'armes de destruction massive en Irak, argument avancé par le président américain pour justifier une intervention militaire l'année suivante. Le gouvernement du président Bachar al Assad et l'opposition s'accusent mutuellement d'avoir utilisé des armes chimiques lors d'un récent bombardement à Alep, qui a fait 26 morts. Ban Ki-moon a prévenu que l'enquête de l'Onu porterait uniquement sur cet incident et non pas sur d'autres cas présumés évoqués par les rebelles syriens et relayés par la France et la Grande-Bretagne. Il s'agira d'une enquête technique, et non pénale, pour déterminer si des armes chimiques ont été utilisées et non pas qui les a éventuellement tirées, a souligné le porte-parole de l'Onu.