Pour plusieurs considérations, les observateurs estiment que la dernière rencontre inter-arabe qui s'est tenue à Sfax à Tunis, a été l'occasion de proposer, en tirant les leçons des expériences passées, des éclairages sur une série d'interrogations insistantes face à la conjoncture actuelle et à la relative opacité des évolutions à venir. Comment les économistes calculent-ils le coût du «non-Maghreb» ? Cette notion est-elle pertinente ? La notion de coût du «non-Maghreb» souvent utilisée dans les médias et par certains économistes est controversée. Comment arrive-t-on à ce chiffre de 2% de PIB par an perdu pour cause de non-Maghreb ? Pour répondre à cette cascade d'interrogations, nous avons profité de l'opportunité de la participation de la faculté polydisciplinaire d'El Jadida à cette rencontre, pour recueillir les éléments de réponse auprès du professeur, enseignant et chercheur, M. Faouzi Boussedra. L'Opinion : La thèse de dépasser la situation du non Maghreb est-elle défendable ? Pr Faouzi Boussedra : Oui, elle est Faouzi Boussedra défendable. D'abord par l'insignifiance des échanges entre les pays du Maghreb (2% seulement), sans oublier que le taux de croissance des PIB autour de 3% sont insuffisants pour résorber le chômage qui se situe entre 8% (Maroc) et plus de 20% pour les trois pays de l'Afrique du nord à l'exception de l'Algérie. L'Opinion : Le Maghreb est la seule région au monde sans construction régionale. Pr Faouzi Boussedra : C'est une raison de plus. Tous les pays qui se sont regroupés dans des zones économiques ont des similitudes, mais malgré la concurrence, on peut dégager des complémentarités. La coopération peut concerner les domaines bancaire, financier, productif avec la mise en commun de centres de recherches et l'échange d'expériences pour la relance de l'intégration économique maghrébine et la création d'une monnaie commune, quelque soit son appellation. L'Opinion : Comment se présente l'espace économique maghrébin ? Pr Faouzi Boussedra : Les économies maghrébines sont en effet extraverties et leurs marchés intérieurs étroits. Les pays qui se sont développés ont bénéficié d'un vaste marché ou en synergie avec les pays voisins. Les Etats-Unis sont le parfait exemple de la possibilité pour une micro entreprise de devenir une multinationale. Cependant, le mauvais exemple est celui de l'Algérie qui a construit des villages industriels avec un marché interne de 16 Millions d'Habitants dans les années 1970. L'Opinion : Et la coopération maghrébine ? Pr Faouzi Boussedra : Vous savez, les pays de l'Est européen ont mis 20 ans à accomplir leur transition, les pays du Maghreb doivent coopérer pour parachever leur diversification et pour «l'après-pétrole et l'après phosphate». Les remous qui traversent les marchés financiers en 2010 et en 2011 liés aux graves difficultés budgétaires et économiques des PIGS (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne) sont révélateurs de quelques choix non-judicieux de l'UE. L'Algérie a misé sur l'industrie lourde juste après l'indépendance en sacrifiant l'agriculture, le tourisme et l'artisanat à l'inverse de la Tunisie et du Maroc. Le complexe d'El Hadjar-Annaba fut configuré pour un espace plus vaste que le marché algérien. D'autres sociétés utilisent 30 à 50% de leurs capacités. Leurs débouchées auraient pu être tout le marché maghrébin avec une amélioration de la qualité et de l'efficacité du management. L'Opinion : Et la place des échanges dans tout cela M. Boussedra ? Pr Faouzi Boussedra : Les exportations marocaines de produits chimiques vers l'Algérie n'ont représenté que 0,8% des ventes globales du Maroc et 2,7% des importations globales de l'Algérie de ces produits. Le Maghreb deviendrait le premier producteur d'engrais du monde grâce aux phosphates marocains et tunisiens et les ressources énergétiques algériennes et libyennes à un prix très compétitif. L'étude réalisée par la Convention économique pour l'Afrique estime la perte d'échange à 350 millions de dollars par an alors que d'autres estimations vont jusqu'à 800 millions de dollars par an hors carburant. On estime les capitaux et l'épargne maghrébine placés ailleurs à 150 milliards de dollars. Les fuites de capitaux sont estimées à 8 milliards de dollars par an. 50% de ces fuites proviennent de l'Algérie, 30% du Maroc et 20% de la Tunisie. Qui dit moins d'opportunités de croissance dit aussi plus de pauvreté et moins de qualité des services publics offerts... L'Opinion : Quelles conséquences ? Pr Faouzi Boussedra : D'abord, force est de souligner que la fermeture des frontières algéro-marocaines a favorisé le commerce informel, le trafic de drogue et enrichis des mafias des deux côtés des frontières. Ceux qui profitent de ces activités illicites ont tout intérêt à ce que ce statu quo dure le plus longtemps possible. Une communauté économique maghrébine ferait gagner à ses cinq membres une valeur ajoutée annuelle d'environ 10 milliards de dollars, soit l'équivalent de 5% de leurs produits intérieurs bruts cumulés. des complémentarités et de rechercher des économies d'échelle afin de réduire les dépendances vis-à-vis des économies dominantes. Les crises financières et économiques à répétition ces dernières années, doit inciter les dirigeants maghrébins à repenser leurs relations de voisinage dans le sens d'une plus grande solidarité. Avec la mise en route de l'UME est envisageable avec une amélioration généralisée et progressive des échanges intermaghrébins. La Banque Méditerranéenne d'Investissement et de Commerce Extérieur (BMICE) sera de créer une économie maghrébine intégrée en finançant des projets industriels et agricoles conjoints. Dotée d'un capital s'élevant à 500 millions d'USD. L'Opinion : Évolution des économies et perspectives de croissance. Quel est le model selon vous ? Pr Faouzi Boussedra : Grâce à la mise en symbiose des phosphates maghrébins et les hydrocarbures algériens et libyens, des avancées sont possibles immédiatement dans les domaines bancaire, industriel, portuaire, etc. Pour le model on parle actuellement, pour les PVD, de modèle économique chinois, turque, indien, brésilien...et aussi le modèle marocain qui réalise de grands projets avec des moyens limités. Par ailleurs, la Lybie souhaite appliquer le modèle économique Turque, l'Algérie applique un modèle pas claire, l'Union économique maghrébine peut faire germer un modèle que doivent suivre les pays de l'UMA. En conclusion, dans les pays développés, l'économique prime et influence le politique et l'oriente même, sauf dans le Maghreb. Malgré le désengagement de l'Etat, le politique s'impose encore, Mais les intérêts finiront par avoir gain de cause dans les pays du Maghreb.