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Enquête: Le rôle des compétences dans le phénomène migratoire au Maroc La France, l'Espagne et l'Italie restent les destinations préférées des migrants potentiels
Le phénomène migratoire est très répandu au Maroc. Telle est la principale conclusion de l'étude « Migration et compétences » menée auprès de quelque 4000 personnes par l'agence européenne ETF (European Training Foundation) en partenariat avec l'AMERM (Association Marocaine d'Etudes et de Recherches sur la Migration) et les autorités marocaines. Le nombre de marocains ayant migré à l'étranger est estimé à plus de 3 millions et 42% des personnes ayant répondu à l'enquête ont l'intention d'émigrer. Majoritairement, le migrant marocain est toujours un homme : 48% des hommes et 35% des femmes de l'enquête ont l'intention d'émigrer. L'intention d'émigrer est aussi répandue dans le milieu rural que dans le milieu urbain, sauf à Casablanca et Rabat où l'on a moins souvent l'intention de migrer. Quant à la répartition géographique des départs du Maroc, la région d'Agadir arrive en tête avec 52% des personnes ayant l'intention d'émigrer, suivie de la région de Marrakech (49%). Ces deux régions, ayant une vocation touristique, permettent également un contact permanent avec les étrangers, ce qui peut constituer un facteur de facilitation de l'acte d'émigrer qui ne concerne pas que les nécessiteux. Au contraire, le développement porté par l'activité administrative à Rabat et par l'activité économique à Tanger et Casablanca a permis de limiter la propension à migrer de ces régions. Comme destination probable des migrants potentiels, le continent européen arrive en tête (plus de 70%). Ceci conforte une tradition vieille de plus de cinq décennies et qui s'explique par des raisons économiques, historiques, géographiques et culturelles. Quel que soit le niveau d'études des répondants et leur statut professionnel, la France, l'Espagne et l'Italie restent les destinations préférées des migrants potentiels. En effet, 32% des migrants de retour ont résidé en France, 21% en Espagne, 15% en Italie et 5% aux Pays Bas. Proportionnellement, la France, les Etats-Unis et le Canada ont été la destination préférée parmi les migrants de retour enquêtés avec un niveau d'éducation supérieur. Les migrants potentiels envisagent majoritairement des périodes de migration courtes mais chez les migrants de retour on constate que les séjours de longue durée sont relativement importants, 53% des migrants de retour ayant séjourné plus de sept ans dans les pays d'accueil. En ce qui concerne la propension réelle à émigrer - les capacités de pouvoir réellement émigrer - et non pas la simple intention déclarée d'émigrer, 33% des personnes enquêtées démontrent un faible potentiel de migration et 9% dispose d'un fort potentiel de migration. La population à faible potentiel migratoire pèse donc plus du triple de la population à fort potentiel migratoire. Cette catégorie nourrit, certes, un désir d'émigrer mais ne semble pas au moment de l'enquête avoir la capacité réelle de le faire. La propension à migrer accroit avec le niveau d'éducation. Les personnes avec un niveau d'éducation plus élevé ont un meilleur accès à différents éléments (information, documents de voyage, ressources financières, etc.) qui facilitent la réalisation du projet migratoire d'où leur plus grande propension à émigrer. Cela confirme la tendance à l'augmentation des concentrations des personnes qualifiées dans la communauté émigrée par rapport à la population totale vivant à l'intérieur du Maroc. Autre conclusion de l'enquête : 58% des migrants de retour interrogés ont un niveau d'étude faible (contre 83% dans la population marocaine), 23% ont atteint un niveau d'étude moyen (contre 10%) et 19% sont titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur (contre 7%). Par ailleurs, la migration ne concerne pas seulement les catégories sociales pauvres ou les sans-emplois. En effet, paradoxalement, la propension à migrer accroît avec les bonnes conditions sociales et les conditions économiques n'influencent pas non plus la propension à migrer d'une manière significative. La migration ne semble pas l'apanage des pauvres, mais un phénomène sociétal au Maroc. Les résultats de l'enquête font ressortir aussi que la grande majorité des personnes qui ont l'intention d'émigrer estiment que le fait de partir vivre à l'étranger pourrait améliorer leur situation économique et leurs compétences et pourra aider à trouver de meilleures opportunités d'emploi après un éventuel retour au Maroc Quant à l'acquisition des compétences à l'étranger, seuls 31% des migrants de retour ont bénéficié d'une formation /étude. Les migrants de retour ayant un niveau supérieur d'éducation sont quatre fois plus à avoir bénéficié d'une formation ou des études que les migrants de retour avec un faible niveau d'éducation. Les migrants de retour ont, certes, un niveau d'éducation plus élevé que la population marocaine au Maroc, mais l'enquête démontre que les niveaux d'éducation des migrants de retour ont très peu évolué durant la migration ce qui conforte la donnée selon laquelle les migrants ont des niveaux d'éducation plus élevés que la population marocaine au Maroc avant de partir du Maroc. En conclusion, selon l'enquête, les migrants marocains sont souvent confrontés à un déclassement professionnel dans le pays d'accueil, ce qui aboutit à une perte d'investissement dans l'éducation pour le Maroc et le migrant lui-même. A. CHANNAJE