La mort a encore frappé. Cette fois-ci, il s'agit d'un critique de cinéma parti rejoindre ses confrères défunts Noureddine Kachti et Mohamed Soukri, en la personne de Mohamed Dahane, décédé à Tanger le mardi 19 février 2013 des suites d'une crise cardiaque à l'âge de 62 ans. Il y a une semaine, on avait rendu un hommage mérité, sur ces mêmes colonnes, à Abderrazak Ghazi Fakhr (et non pas Azeddine comme il a été écrit), passé pour être un véritable militant du cinéma, connu et reconnu des générations 70 et 80. Mohamed Dahane a côtoyé tout ce petit monde du cinéma en tant que critique «assermenté» dont les cinéphiles savourent le discours depuis des décennies déjà. Ce natif du nord, né à El Hoceima mais qui a fait ses études secondaires à Meknès jusqu'au baccalauréat, puis des études supérieures à la Faculté des lettres de Rabat, avait rejoint les ciné-clubs dès sa prime jeunesse dans la capitale ismaïlienne. C'est là qu'il a aiguisé ses armes en tant que critique avant de rejoindre le ciné-club de Rabat au début des années 70. Personnellement, c'est au ciné-club, auquel j'ai adhéré en octobre 1969, où j'ai connu Mohamed Dahane devenu très vite membre du bureau puis membre de l'équipe de l'animation qui comprenait entre autres Ghazali, Bekkali, Khadija et Aissaoui. On doit reconnaître que Mohamed Dahane, malgré le dénigrement qu'il a subi de la part de quelques âmes faibles, fut un critique distingué. Il a été présent aux grands rendez-vous de la cinéphilie et de la critique qu'a connus le Maroc depuis les années 70, lors des rencontres organisées par la Fédération Nationale des Ciné-Clubs ou les festivals du cinéma. Il fut le premier critique de cinéma sollicité membre du jury du deuxième Festival National du Film en 1984 et c'est en tant que président du jury du Festival du Cinéma Africain de Khouribga qu'il a siégé en 2012. En l'espace de trois décennies, Dahane est devenu l'incontournable critique dont on reconnaît la compétence mieux que quiconque dans ce domaine. Doté d'une très large culture cinématographique, qu'il a forgée tout seul en côtoyant les œuvres et leurs auteurs, il a fini par avoir une notoriété peu commune. Mohamed Dahane a profité pleinement de son passage par le ciné-club de Rabat. Aussi, les séminaires organisés par la Fédération lui ont été très bénéfiques. C'est ce qui explique son discours centré sur un genre de cinéma et d'une certaine époque qui constituent d'ailleurs l'âge d'or pour le cinéma mondial et marocain en particulier. Sur le cinéma en général, Dahane a beaucoup écrit et sa thèse sur le cinéma national a été reproduite par la célèbre revue dirigée par Guy Hunebelle: «CinémAction», dans le fameux numéro consacré au «Cinémas du Maghreb». On va retrouver cette même thèse presque dans «L'encyclopédie du Maroc» à laquelle Dahane a efficacement contribué. Plutard, il va élargir son champ d'action en animant une émission radiophonique sur le cinéma diffusée sur les ondes de la RTM. A partir de là, il fait son chemin vers le petit écran puisqu'on va retrouver animateur de l'émission «Le grand écran» qui dura plusieurs années. La co-animatrice n'était autre que Nassima El Horr tout au début de sa carrière. Bien qu'articulée essentiellement sur les films en sortie commerciale, généralement de modeste qualité, Dahane défendait avec son énergie habituelle cette émission sponsorisée par les distributeurs. Cela n'empêche qu'elle meublait si bien les programmes de la TVM et constituait une rare lueur émanant de cette lucarne en ces terribles années de plomb. Parallèlement, il s'érigeait en militant du cinéma en intégrant le septième art à la faculté où il enseignait en tant que professeur universitaire. C'est à lui qu'on doit la rencontre «Cinéma et société» avec tout l'impact qu'on connaît et sur laquelle Mohamed Dahane, fidèle à ses habitudes, vétéran de la critique de cinéma au Maroc, a beaucoup écrit.