Hamadi Jebali va se succéder à lui-même? A L'issue des consultations du mercredi entre la présidence et Ennahda, aucun candidat au poste de Premier ministre n'a émergé, et au lendemain de la démission de Hamadi Jebali, la Tunisie reste plongée dans sa pire crise depuis la révolution de 2011. Au lendemain de la démission du Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, le président d'Ennahda, principale formation islamiste et première force parlementaire, s'est prononcé mercredi pour la formation d'un nouveau gouvernement de coalition, qui selon lui, pourrait voir le jour cette semaine. «Nous avons besoin d'un gouvernement de coalition avec plusieurs partis politiques et des techniciens», a déclaré Rached Ghannouchi à l'issue d'un entretien avec le président Moncef Marzouki, qui avait demandé à le consulter pour tenter de trouver une solution à cette crise politique sans précédent depuis la «révolution de jasmin» il y a deux ans. «Il faut conclure un accord aussi vite que possible. Je m'attends à ce qu'un nouveau gouvernement soit annoncé cette semaine», a-t-il ajouté. Hamadi Jebali a renoncé à ses fonctions faute d'avoir pu former un gouvernement d'experts apolitiques chargé de préparer de nouvelles élections. Il en avait avancé l'idée après l'assassinat, le 6 févier, de Chokri Belaïd, opposant de gauche dont la mort a exacerbé les tensions entre islamistes et laïques. Le chef du gouvernement, secrétaire général d'Ennahda, a toutefois proposé l'idée sans consulter sa propre formation, qui l'a finalement rejetée. «La crise s'aggrave», titre mercredi le journal en ligne Assarih. Le désir d'Ennahda de conserver ses postes ministériels et l'échec du projet d'Hamadi Jebali ont ramené la Tunisie «à la case départ», ajoute-t-il. Le chef du gouvernement avait pris ses fonctions il y a quinze mois, après la victoire électorale de son mouvement qui a conclu un accord de partage du pouvoir avec des partis laïques. Ces derniers étaient favorables à la formation d'un gouvernement apolitique, mais Ennahda craignait de perdre sa position dominante. Rached Ghannouchi a souhaité qu'Hamadi Jebali soit chargé de la formation d'un nouveau gouvernement de coalition. L'intéressé a toutefois dit mardi qu'il n'accepterait pas de rester à son poste en l'absence d'assurances sur la tenue de nouvelles élections et l'entrée en vigueur d'une nouvelle Constitution. «Jebali va probablement refuser, malgré le souhait d'Ennahda, de diriger un nouveau gouvernement. Si Ennahda ne s'ouvre pas davantage, elle sera très isolée», résume le politologue Youssef Ouslati. Rached Ghannouchi juge essentiel de poursuivre la coopération avec les mouvements laïques et assure que son parti est prêt à des compromis sur les «grands ministères» que sont les Affaires étrangères, la Justice et l'Intérieur. Selon un membre d'Ennahda ayant requis l'anonymat, le gouverneur de la Banque centrale et le ministre de la Défense conserveront leur poste quelle que soit la formule retenue. Avant de recevoir Rached Ghannouchi mercredi, le président Marzouki, dont le Congrès pour la République (CPR, gauche laïque), a quitté le gouvernement le 10 février, a consulté les représentants de l'opposition et une délégation d'Ennahda. Maya Jribi, secrétaire général du Parti républicain, première des formations laïques, a promis par la suite de résister aux pressions en faveur de la formation d'une nouvelle coalition emmenée par le mouvement islamiste. Le chef de l'Etat a par ailleurs invité le Massar à s'associer à la coalition gouvernementale, mais le parti laïque a lui aussi des exigences. «Nous voulons que le ministère de l'Intérieur soit indépendant», a déclaré Samir Bettaïb au nom de la formation. Pour le politologue Salem Labyed, la Tunisie, berceau du printemps arabe, est à nouveau à la croisée des chemins. Si Hamadi Jebali reprend la tête du gouvernement, dit-il, un nouveau consensus pourrait émerger. «Mais si Ennahda désigne un de ses faucons, il y aura un conflit avec les partis laïques. A ce moment-là, le climat pourrait devenir très tendu et déborder dans la rue», dit-il. La crise qui a éclaté après l'assassinat de Chokri Belaïd a pesé lourdement sur les négociations en cours avec le Fonds monétaire international sur l'octroi d'un prêt de 1,78 milliard de dollars (1,3 milliard d'euros). «Une fois qu'un nouveau gouvernement sera nommé, nous lui demanderons ses intentions, son mandat. Une fois que la situation politique sera clarifiée, nous évaluerons comment aider au mieux la Tunisie», a dit à Reuters une porte-parole du FMI interrogée par courrier électronique.