Le calme régnait dimanche au Caire après de nouveaux heurts nocturnes, signe d'une tension persistante en Egypte où le fossé se creuse entre le pouvoir et l'opposition sur une sortie de crise. La circulation était fluide autour du palais présidentiel d'Héliopolis où des centaines de manifestants ont été dispersés dans la nuit à coup de gaz lacrymogène par les forces de sécurité, lorsque des protestataires ont tenté de forcer l'une des entrées du bâtiment, selon des témoins. La Garde républicaine, déployée à l'intérieur du palais, s'est abstenue de «répondre aux provocations de certains manifestants», a déclaré son commandant, le général Mohamed Ahmed Zaki, alors que les scènes de violences de vendredi ont accentué les divisions au sein de la classe politique. Dans la journée, un responsable hospitalier a annoncé le décès d'un manifestant blessé vendredi près du palais présidentiel, portant le bilan de ces affrontements à deux morts. Le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), le bras politique des Frères musulmans dont est issu le président Mohamed Morsi, a tiré à boulets rouges dimanche contre la principale coalition de l'opposition, le Front du salut national (FSN), accusée de «sabotage». «Colère populaire contre la violence et contre le Front du sabotage», écrit en Une le quotidien Al-Hourriya Wal Adala, organe du PLJ, qui rend la coalition de l'opposition responsable des affrontements entre policiers et manifestants du palais présidentiel ayant fait vendredi un tué et des dizaines de blessés. «En étant témoin de la violence et des milices armées du FSN, le peuple connaît désormais l'agresseur, celui qui cherche à accéder à la présidence par la force après son échec aux urnes», écrit un commentateur dans le journal. «Pas en conflit avec la présidence» L'engagement pris jeudi par toutes les factions politiques --sous l'égide d'Al-Azhar, la prestigieuse institution de l'islam sunnite-- de prévenir la violence et de favoriser le dialogue pour une sortie de la crise a mal tourné. Dans un communiqué samedi, le FSN a exclu de «discuter de la question du dialogue (...) avant que l'effusion de sang ne cesse, que les responsables (de cette effusion) rendent des comptes et que ses revendications soient satisfaites». Le FSN dénonce depuis des mois une mainmise de l'islamiste Mohamed Morsi, premier président et civil d'Egypte élu en juin 2012, et des Frères musulmans sur le pouvoir. Il prône une sortie de crise passant par la formation d'un «gouvernement de salut national» et une révision de la Constitution adoptée en décembre. Dimanche, la Haute cour constitutionnelle a de nouveau reporté, au 3 mars, sa décision sur la légalité de la commission constituante. Le FSN a affirmé dans son communiqué de samedi «se ranger totalement au côté des appels du peuple égyptien et de ses forces vives à une chute du régime de la tyrannie et (à la fin de) l'hégémonie des Frères musulmans». Mais Amr Moussa, l'un des dirigeants du FSN, a tenu à nuancer la teneur de ce passage du communiqué: «Nous ne sommes pas en conflit avec la présidence», a-t-il assuré sur une radio locale. Le FSN a également réclamé une enquête «indépendante pour les crimes» perpétrés par les forces de l'ordre «afin de poursuivre en justice tous ceux qui en sont responsables, à commencer par le président de la République et son ministre de l'Intérieur» Mohamed Ibrahim. Une soixantaine de personnes ont en effet péri depuis le début de la nouvelle vague de violences en Egypte le 24 janvier, à la veille du 2e anniversaire de la révolte qui a renversé le président Hosni Moubarak.