L'opposition égyptienne organisait hier mardi de nouvelles manifestations contre le projet de Constitution, dans l'espoir de relancer la mobilisation avant la seconde phase, samedi, d'un référendum sur ce texte qui apparaît en voie d'être adopté mais qui divise profondément le pays. Une escalade qui coïncide avec l'aggravation de la crise entre la magistrature et le pouvoir. Le Front du salut national (FSN), qui réunit les principaux mouvements de l'opposition de gauche et libérale, appelle à manifester dans l'après-midi au Caire sur la place Tahrir et devant le palais présidentiel, à Héliopolis, en banlieue, «pour défendre les libertés, empêcher la fraude et rejeter le projet de Constitution». La première partie du vote, qui a concerné la moitié environ des 51 millions d'électeurs inscrits, a donné près de 57% de «oui» au projet soutenu par M. Morsi et les Frères musulmans dont il est issu, selon des résultats officieux. Le seconde partie doit avoir lieu samedi pour 17 gouvernorats. Les résultats officiels des deux tours seront publiés qu'à l'issue de cette deuxième phase. Les chiffres officieux laissent présager que le texte sera adopté, malgré son rejet farouche par une opposition qui lui reproche de favoriser une islamisation accrue du pays et d'offrir peu de garanties pour les libertés. L'opposition et des ONG accusent également le vote d'être entaché de nombreuses irrégularités au profit du «oui». Avec une courte avance du «oui», ce référendum est à ce stade loin de constituer le plébiscite envers le président Morsi espéré par le camp islamiste. Le camp présidentiel fait valoir que ce projet de Constitution doit enfin apporter une stabilité institutionnelle à l'Egypte, et clore la transition mouvementée qui a suivi la chute du régime de Hosni Moubarak début 2011. Le boycott des magistrats se poursuit en s'aggrandissant Ces rassemblements se double d'une aggravation de la crise entre les magistrats et le pouvoir du président islamiste Mohamed Morsi: un nouveau groupe de juges a annoncé qu'il se joignait au boycott de la supervision du scrutin, et le procureur général a démissionné peu après sa nomination par le chef de l'Etat. Le boycott de la supervision du référendum par les magistrats s'est par ailleurs étendu, sans toutefois que son impact sur l'organisation du vote soit encore clair. Le Club des juges du Conseil d'Etat s'est en effet joint lundi aux nombreux magistrats qui refusent déjà de participer à la surveillance des urnes pour dénoncer une ingérence du pouvoir exécutif dans les affaires de la justice. La présence de juges est obligatoire dans les bureaux de vote. Les tensions entre le pouvoir et la justice se sont aussi traduites par l'annonce lundi soir de la démission du nouveau procureur général Talaat Ibrahim Abdallah, dont la nomination il y a moins d'un mois par le président Morsi était très contestée. «C'est une nouvelle crise pour M. Morsi, qui démontre que ses décisions ne sont pas acceptées par des secteurs importants dans l'appareil de l'Etat, et que leur maladresse porte atteinte à l'image du président dans l'opinion», estime Moustafa Kamel el-Sayyed, professeur de sciences politiques à l'université du Caire. M. Abdallah remplaçait le procureur Adbel Méguid Mahmoud, accusé par le pouvoir de complaisance envers des personnalités de l'ancien régime. Son éviction sur ordre de M. Morsi avait été dénoncée par de nombreux magistrats comme une atteinte à l'indépendance de la justice. Des centaines de membres du Parquet général avaient organisé un sit-in lundi devant le bureau du procureur Abdallah pour exiger son départ.