Manifestations de soutien à Morsi. Manifestations contre le projet de Constitution maintenu par le président malgré la déchirure qu'il a provoqué au sein de la société égyptienne. La journée d'hier mardi s'annonçait sous une très haute tension. Et déjà dans la nuit du lundi à mardi, neuf personnes ont été blessées par des assaillants qui ont ouvert le feu sur des manifestants campant place Tahrir dans le centre du Caire. Et pour la première fois, des véhicules de police ont fait leur apparition autour de la place. La journée de mardi s'annonçait agitée au Caire. A quatre jours du référendum constitutionnel, les deux camps appellent à descendre dans la rue. Sans assurance que cela fasse évoluer les choses. Défenseurs et adversaires du projet de nouvelle Constitution défendu par Mohamed Morsi ont prévu de manifester dans le centre de la capitale, ranimant la crainte d'affrontements meurtriers semblables à ceux de la semaine passée en Égypte. Les islamistes, qui dominent l'assemblée constituante chargée de la rédaction de la Loi fondamentale, ont appelé leurs partisans à se mobiliser «par millions» pour exprimer leur soutien au président. Ils estiment être en mesure de remporter la consultation populaire qui doit avoir lieu samedi. La gauche, les libéraux et d'autres groupes de l'opposition ont également prévu des marches dans l'après-midi en direction du palais présidentiel dans le quartier d'Héliopolis, pour dénoncer la procédure référendaire organisée, selon eux, à la hâte. Ils craignent que le texte de la Constitution rédigé par les islamistes n'enferme le pays dans un corset religieux. Violents affrontements place Tahrir Neuf personnes ont été blessées, dans la nuit de lundi à mardi, par des assaillants qui ont ouvert le feu sur des manifestants campant place Tahrir dans le centre du Caire, rapportent des témoins. Des véhicules de police encerclent la place depuis le début des mouvements de protestation lancés le 23 novembre contre un décret du président Mohamed Morsi élargissant ses pouvoirs. Les assaillants ont lancé des cocktails Molotov qui ont provoqué le début d'un petit incendie, ont ajouté des témoins. Les manifestants, réveillés par le bruit, ont alors répliqué en scandant des slogans hostiles à Mohamed Morsi et ont chanté «le peuple veut la chute du régime». La Garde républicaine a dû intervenir pour assurer la sécurité du palais présidentiel assiégé par les opposants au chef de l'État, accusé de se comporter de manière autocratique après avoir élargi ses prérogatives par simple décret le 22 novembre. Les tergiversations de l'opposition Pour Hamdeen Sabahy, l'un des membres influents du Front de salut national (FSN, coalition de l'opposition), Morsi tente de diviser les Égyptiens et de bloquer la possibilité d'un consensus. «La voie désormais empruntée par Morsi ne permet pas la possibilité d'un consensus national», a-t-il estimé. Si la nouvelle Constitution est adoptée, Sabahy juge que la division politique du pays ne va faire que s'amplifier. Pour l'opposition et le FSN, qui compte dans ses rangs l'ancien prix Nobel de la paix, Mohamed El Baradei, et l'ancien secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, le projet de Loi fondamentale ne reflète pas la diversité des 83 millions d'habitants du pays. Les débats, sur le contenu des articles, ont largement cédé la place à la contestation bruyante de la rue, entretenant l'incertitude dans une Égypte mal armée pour faire face à une crise économique se profilant à l'horizon. Lamia Kamel, une porte-parole d'Amr Moussa, a précisé que l'opposition continue de réfléchir à la stratégie à adopter : le boycott du référendum ou une mobilisation en faveur du «non». «Aucune des deux solutions n'est la bonne car nous ne voulons vraiment pas ce référendum», a-t-elle expliqué. Rédigé par une large majorité d'islamistes, le texte du projet de la Constitution est en effet largement rejeté par les opposants de la place Tahrir. «Comment voulez-vous qu'on accepte ce texte ?», confie un anti-Morsi joint au Caire depuis Paris. «Nous ne pouvons pas laisser faire une Constitution qui prévoit l'âge légal du travail à 9 ans et l'âge légal du mariage pour les jeunes filles à 12 ans !» s'indigne ce manifestant d'une quarantaine d'années. Au regard des Frères musulmans, l'attitude de l'opposition importe peu, tant qu'elle respecte la paix dans le pays. «Ils ont le droit de boycotter, de participer ou de dire non. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent. La seule chose importante est que cela reste dans un contexte pacifique afin de préserver la sûreté et la sécurité du pays», a commenté le porte parole de la confrérie. Et de l'avis de la plupart des analystes et des anti-Morsi, l'issue du référendum est pliée. «Il est très probable que le résultat du scrutin soit déjà fixé», estime un autre manifestant anti-Morsi joint au Caire, évoquant des fraudes. «De toutes façons les élections vont être supervisées en majorité par des imams islamistes», dénonce le jeune homme d'un peu moins de trente ans. Mais, même d'un point de vue uniquement politique, si certains soulignent que l'électorat des Frères musulmans s'est beaucoup effrité et leur autorité beaucoup érodée, cette baisse de popularité ne devrait pas suffire pour peser sur le référendum. Les Frères ont en effet eu le temps et les moyens de mettre en place un réel travail de terrain depuis des semaines pour convaincre les électeurs, ce que l'opposition n'a pas eu les moyens de faire. Craignant de nouveaux épisodes de violences, le président égyptien Mohamed Morsi a, par décret, chargé l'armée d'assurer la sécurité jusqu'aux résultats du référendum constitutionnel de samedi. L'armée retrouve aussi le pouvoir d'arrêter des civils, un droit très décrié pendant la période où les militaires ont dirigé le pays, de la chute de Hosni Moubarak en février 2011 à l'élection de M. Morsi en juin 2012.