Les 192 pays réunis au Qatar pour prolonger le protocole de Kyoto ont accouché samedi d'un texte décevant. Le Canada, le Japon et la Russie ont en effet décidé de se retirer du processus qui est pour le moment le seul accord contraignant en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il était entendu que la conférence sur le climat qui s'est achevée samedi à Doha avait de faibles ambitions. Le résultat est en deçà des prévisions. Les 192 négociateurs ont tout juste réussi à s'entendre sur une deuxième période d'engagement pour le protocole de Kyoto. Encore a-t-il fallu que le vice-premier ministre qatarien Abdallah al-Attiya, qui présidait les débats, passe en force contre la Russie. La portée de ce Kyoto 2, prévu jusqu'en 2020, est relativement faible. Le Canada, le Japon et la Russie ont en effet décidé de se retirer du processus qui est pour le moment le seul accord contraignant en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, très largement responsables du changement climatique. L'Europe, l'Australie et une dizaine d'autres pays qui ont renouvelé leur engagement ne représentent que 15 % de ces émissions au niveau mondial. Les États-Unis, plus gros émetteur des pays industrialisés, n'ont jamais adhéré à Kyoto. Les décisions prises samedi reportent à 2013 la question de l'augmentation de l'aide financière aux pays en développement pour leur permettre de lutter contre le réchauffement. Lors de la conférence de Copenhague en 2009, les pays industrialisés s'étaient engagés à créer un fonds alimenté à hauteur de 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 et avaient promis une aide intermédiaire de 30 milliards pour la période 2010-2012. Si ce dernier engagement a globalement été respecté, rien n'est décidé pour la suite, au grand désespoir de nombreux États, à commencer par les îles. «Ce processus ne produit que des mots, pas d'action», a regretté le ministre des Affaires étrangères de Nauru, Kieren Keke, au nom de l'Alliance des petits États insulaires (Aosis). 50 gigatonnes par an «Cette conférence a entériné l'inaction face au changement climatique. Les ministres n'ont aucune excuse», résument les représentants du Réseau action climat. «Pour tous les pays qui doivent faire face avec la nouvelle réalité du changement climatique - ce qui inclut les États-Unis - cette conférence n'a pas rempli son contrat», renchérit Alden Meyer, le représentant de l'ONG américaine Union Concern of Scientists. Les émissions sont d'environ 50 gigatonnes (milliards de tonnes) par an alors qu'il faudrait se trouver aux alentours de 44 gigatonnes en 2020 selon le dernier rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement. On n'en prend pas le chemin. «Il y a actuellement le projet de construire 1200 centrales à charbon dans le monde et les subventions accordées à l'industrie pétrolière étaient en 2011 six fois plus importantes que celles accordées aux énergies renouvelables», rappelle le think-tank américain World Ressources Institute. Après l'accord visant à prolonger le protocole de Kyoto à partir du 1er janvier 2013 décidé à Doha, la prochaine grande date concernant le réchauffement climatique est désormais la conférence de 2015 qui suscite de nombreux espoirs. En attendant, bien des questions restent en suspens. En voici un résumé. . Tour d'horizon des principales interrogations après cette 18e conférence des Nations unies sur le climat. Qui s'est vraiment engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre? Principale décision de cette conférence : l'accord pour un acte II du protocole de Kyoto effectif à partir du 1er janvier 2013. Celui-ci prévoit une réduction des gaz à effet de serre (GES) dans les Etats signataires, soit quelques pays industrialisés – l'Union européenne et une dizaine d'autre, dont l'Australie, qui ne représentent que 15% des GES émis. "Le résultat n'est clairement pas à la hauteur de l'urgence", a commenté, déçue, la ministre française Delphine Batho. De vifs désaccords partageaient les participants. C'était notamment le cas de la Russie qui a dénoncé un passage en force de cet accord par le pays d'accueil de la conférence, le Qatar. Les divergences portaient notamment sur "l'air chaud", le surplus de quotas d'émissions de GES hérités du premier protocole de Kyoto, soit 13 milliards de tonnes équivalent CO2. Le texte présenté par le Qatar n'annule pas cet "air chaud", détenu principalement par la Russie, l'Ukraine et la Pologne, mais l'Australie, l'UE, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège et la Suisse se sont publiquement engagés en séance plénière à ne pas en acheter pour respecter leurs engagements au sein de Kyoto II. Que se passera-t-il en 2015? Un accord plus ambitieux sur le réchauffement climatique est désormais attendu pour 2015. “Beaucoup plus doit être fait“ a ainsi jugé Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'Onu, selon des propos rapportés par son porte-parole. Il a également souhaité un “ accord complet et contraignant à l'horizon 2015“. La conférence sur le climat prévue dans deux ans pourrait avoir lieu à Paris. Les températures risquent-elles d'augmenter plus que prévu? Avant même la conférence pour discuter du changement climatique, La Banque Mondiale d'une part et le Programme des Nations Unies pour l'environnement et l'association européenne de l'environnement d'autre part ont fait état de prévisions inquiétantes. Pour la première, par exemple, la hausse des températures atteindrait non pas les 2 degrés celsius attendus mais plutôt 4 degrés au cours du siècle. "Les températures qui se profilent sont bien au-delà de ce que l'Homo sapiens a connu", a rappelé, lors de la conférence de Doha, l'économiste britannique Nicholas Stern, auteur d'un rapport sur le coût économique du réchauffement climatique. Un nouveau rapport du Giec, le groupe d'experts sur le climat, doit être publié d'ici 2015. Comment concilier développement et lutte contre le réchauffement climatique? La question de la place des pays en voie de développement dans le combat contre la hausse des températures existe depuis longtemps et n'a toujours pas été résolue. A Doha, elle s'est cristallisée sur la manière dont sera versée la somme de 100 milliards de dollars (77 milliards d'euros) d'aide promise aux pays du sud pour les aider eux aussi à lutter contre le réchauffement climatique. Que faire après 2020? Enfin ce qu'il convient de faire après 2020 n'a pas été déterminé. Cela devrait être précisé dans l'accord de 2015. Prochain rendez-vous à Varsovie (Pologne) en 2013.