Après le maigre résultat de Doha, les grandes négociations onusiennes sur le climat sont tournées vers le rendez-vous de 2015, qui a promis le plus ambitieux des accords pour faire dévier le monde de son inquiétante trajectoire vers un réchauffement de 3°C à 5°C. Mais la grande difficulté à accoucher samedi du très modeste accord de Doha, adopté grâce à un passage en force de la présidence qatarie, montre que les négociations à venir s'annoncent des plus difficiles. «Les températures qui se profilent sont bien au-delà de ce que l'Homo sapiens a connu», a rappelé l'économiste britannique Nicholas Stern, auteur d'un rapport de référence sur le coût financier du réchauffement, après l'accord de Doha. «Il est crucial que tous les pays, développés et en développement, concentrent désormais tous les efforts pour parvenir à un accord international fort et efficace» en 2015, a-t-il poursuivi, critiquant «l'inadéquation entre l'urgence de la situation et l'ambition affichée à Doha». L'unique acquis de l'accord de Doha est le lancement, à partir du 1er janvier 2013, de l'acte II du protocole de Kyoto, seul outil légalement contraignant à engager les pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). La portée de cette seconde période, qui s'achèvera fin 2020, sera néanmoins extrêmement limitée car elle ne concerne plus que l'Union européenne et une dizaine de pays dont l'Australie, soit 15% des émissions de GES globales. Pour le reste, Doha n'a pas permis de trouver d'autres moyens de réduire les GES d'ici 2020 ou encore de rassurer les pays du Sud sur le versement de l'aide promise pour faire face au changement climatique, soit 100 milliards par an d'ici 2020. «Le résultat n'est clairement pas à la hauteur de l'urgence», a déclaré la ministre française de l'Environnement, Delphine Batho, au terme de la conférence, reconnaissant que les négociations sur le climat, lancées en 1995 et impliquant plus de 190 pays, «sont difficiles parce qu'elles concentrent tous les enjeux de la mondialisation». «Trop de puissances n'ont pas la volonté de remettre en cause le modèle de développement qui conduit la planète à sa perte. Il faut préparer 2015», la conférence qui se tiendra sauf surprise à Paris, «sur de nouvelles bases», a-t-elle estimé. La communauté internationale s'est engagée à conclure en 2015 un accord engageant cette fois tous les pays, dont la Chine et les Etats-Unis, les deux plus grands pollueurs, à réduire leurs émissions de GES. L'accord doit entrer en vigueur en 2020. «Ca va être un travail difficile, qui va nécessiter beaucoup de compromis», a prédit Alden Meyer, de l'ONG Union of concerned scientists. Et les questions à résoudre donnent le vertige: les pays émergents accepteront-ils le même niveau de contrainte que les pays du Nord? L'Inde acceptera-t-elle d'être traitée comme la Chine? Quelle dimension légale pour le traité? Qu'est-ce qu'un accord «équitable»? Quels seront les engagements des Etats-Unis qui viennent de faire le choix du gaz de schiste? «On ne peut pas être dans le +brainstorming+ pendant encore trois ans!», a prévenu l'ambassadeur climat pour la France, Serge Lepeltier. «Il ne faut surtout pas qu'on se retrouve dans la situation de Copenhague», ajoute-t-il, la grande conférence de 2009 qui s'était soldée par un quasi-échec. Pour Alden Meyer, «il ne faut pas que les chefs d'Etat viennent sauver les meubles à la dernière minute. Ils doivent s'engager en amont». Cette idée a d'ailleurs été lancée par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. D'ici 2015, le groupe d'experts de l'ONU sur le climat (Giec) aura rendu un nouveau rapport sur l'état des lieux du réchauffement. Une étape «fondamentale» pour réveiller la communauté internationale, estime M. Lepeltier.