Les obsèques du grand maâlam Abderrahmane Kirouche, qui s'est éteint dimanche dans une clinique casablancaise, ont eu lieu lundi après la prière d'Ad Dohr au cimetière Ach Chouhada de Casablanca. Des centaines de personnes, dont plusieurs de ses compagnons de route et membres des autres groupes de musique des années 70 du siècle dernier qui avaient envoûté grâce à leurs paroles engagées et leurs rythmes puissants des générations de Marocains et Maghrébins, ont accompagné le défunt, qui a lutté contre la maladie cinq années, dans sa dernière demeure. Chanteur, parolier et musicien en parfaite communion avec son hajhouj, le défunt a marqué de son empreinte indélébile Nass Al Ghiwane, qu'il avait rejoint en 1974 en provenance de Jil Jilala pour remplacer Moulay Abdelaziz Tahiri, se remémore Mohamed Bakhti, de la troupe Lemchahab. «Paco», surnom que lui avait donné Jimmy Hendrix parce qu'il n'arrivait pas à prononcer correctement son prénom, avait réussi à incorporer la touche gnaouie au style de ce groupe du quartier Hay Mohammedi. Le maâlam Abderrahmane est une pièce maitresse de l'identité et de l'histoire de Nass Ghiwane et son décès est une perte monumentale pour la scène artistique nationale dans son ensemble, a souligné Omar Sayed, l'inamovible de la troupe. Il avait apporté ce plus, cette touche gnaouie qu'il a cumulée au fil des expériences de longues années durant en donnant à chacune de ses contributions et dans chaque partition une partie de lui-même pour révolutionner la musique des groupes de l'époque, faisant vibrer jusqu'à nos jours tous les âges. Pour Abdelmajid Mochfik, de la troupe Siham, le défunt avait enrichi le répertoire des groupes, contribué à introduire de nouveaux instruments et a largement participé à entrer dans la légende Nass Ghiwane. Paco était non seulement un artiste doué, un précurseur mais une figure emblématique du groupe mythique Nass Ghiwan, un musicien hors pair qui a marqué de sa trace la chanson marocaine. «C'est un être cher, un ami de tous les artistes qui nous quitte», a soutenu Ahmed Roudani de la troupe Tagadda. Né à Essaouira en 1948, Paco grandit dans un milieu gnaoui. Il est initié par de grands maalems et devient lui-même maâlem en 1964. C'est au début des années 1970 que le public marocain découvre Paco, à l'époque où il rejoint les groupes Jil Jilala puis Nass El Ghiwane, dont il enrichit la musique en y introduisant avec brio le rythme gnaoui. Le défunt a consacré sa vie entière à la musique, en laissant une trace indélébile dans le répertoire du patrimoine musical populaire marocain. Pour ses fans, Paco restera un symbole éclatant du phénomène ghiwani, dont il a marqué le parcours créatif de son sceau, à travers un riche répertoire de chansons avec les tubes éternels «Ghir Khodouni», «Mahmouma», «Nerjak Ana» ou l'anthologique «Sinia».