Kyung-Wha Kang, Haut-commissaire adjointe aux droits de l'Homme, a souligné jeudi à Rabat l'importance de tracer une ligne de démarcation entre le principe de la liberté d'expression et les discours incitant à la haine nationale, raciale ou religieuse. Lors d'une allocution d'ouverture des travaux de l'atelier final d'experts sur l'interdiction de l'incitation à la haine raciale, nationale et religieuse, Mme. Kang a fait état de l'inquiétude des experts quant aux effets néfastes d'une exploitation du principe de liberté d'expression et du développement des moyens technologiques aux fins d'incitation à la haine, ainsi qu'à la mauvaise application des législations et lois en vigueur dans ce sens. L'interdiction de l'incitation à la haine ne peut se fonder sur un vide juridique, a affirmé Mme. Kang, mettant en exergue la nécessité d'appliquer les lois selon des critères reconnus des droits humains. Elle a insisté, en outre, sur l'importance de faire le distinguo entre les différentes formes d'expression et de préciser celles véhiculant des discours incitant à la haine, d'assurer l'indépendance de la justice et de ne pas concéder à la foule en colère la décision de sanctionner les incitateurs à la haine. Tout en notant le rôle crucial que joue le comité des droits de l'Homme en matière d'élaboration des dispositions législatives interdisant l'incitation à la haine et luttant contre des tensions sociales, Mme. Kang a appelé parallèlement à faire montre de plus de discernement et de tolérance, tant au niveau individuel qu' intersocial, et à défendre les valeurs et choix des autres nonobstant tout désaccord. Les libertés d'expression et de conscience, a-t-elle ajouté, sont intimement liées, la liberté d'expression garantissant une interprétation religieuse saine et non déviée, indiquant que toutes les religions ont fait l'objet de dérision et que cet état de fait ne doit pas justifier le recours à la violence. Pour sa part, M. Mahjoub El Haiba, délégué interministériel aux droits de l'Homme, a fait savoir que la constitution marocaine a prévu des garanties importantes en matière de protection et de promotion des droits de l'Homme, comme en témoigne son préambule et son titre II, qui constituent une véritable charte des droits et des libertés fondamentales, de l'échange interculturel, de dialogue entre les civilisations et combattant toute discrimination à l'encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l'origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit. Il a indiqué que le Maroc, étant "en phase de consolidation des acquis en matière de démocratie et de respect des droits de l'Homme", suivra avec grand intérêt les actes de cet atelier final d'experts et prendra en considération ses recommandations afin de les adopter dans le processus de réformes relatives à la mise en Âœuvre des dispositions de la nouvelle constitution en lien avec les droits de l'Homme. Il a noté que le choix du Maroc pour la tenue de cet atelier final sous le thème "l'interdiction de l'incitation à la haine raciale, nationale et religieuse" n'est pas fortuit, le Maroc étant "un creuset de cultures diverses, où la tolérance et le respect entre les communautés spirituelles et culturelles y cohabitent, fondant une identité ouverte et multiple qui le caractérise à travers l'histoire". Etant conscient de la portée universelle des droits de l'Homme, le Maroc s'engage à développer la coopération continue avec le système des Nations Unies des droits de l'Homme et à s'ouvrir sur le dialogue sérieux et l'interactivité constructive avec l'ensemble de ses mécanismes, a affirmé M. El Haiba. Adama Dieng, conseiller spécial du secrétaire général sur la prévention du génocide, a souligné, pour sa part, l'importance de mettre en place une approche multidimensionnelle permettant de lutter contre les causes profondes de la haine, sur la base de la tolérance, de l'encouragement du dialogue et de la compréhension entre les différents groupes, de la consolidation des capacités des institutions nationales et des outils médiatiques afin de créer une atmosphère en mesure de renforcer les droits de l'Homme et de transcender l'incitation à la haine. Tout en rappelant l'unanimité des experts ayant pris part aux précédents ateliers autour de la nécessité de fixer un seuil élevé afin de garantir une exécution efficace des mécanismes proposées et définir le concept de discours incitant à la haine, M. Dieng a souligné que des instruments de contrôle et de distinction de ce type de discours sont en cours de réalisation, admettant par la même occasion la difficulté de vérifier la circulation des informations en raison du développement des technologies de l'information et de communication. Les participants à cet atelier, qui s'étalera sur deux jours, mettront l'accent sur les résultats et conclusions des quatre ateliers organisés l'année dernière dans différents pays, avec un intérêt particulièrement porté sur les pratiques législatives et judiciaires, ainsi que sur les politiques et institutions à même d'interdire et d'empêcher efficacement la haine nationale, raciale ou religieuse, constituant une incitation à la discrimination, à l'hostilité et à la violence.