L'Iran a installé des centaines de nouvelles centrifugeuses d'enrichissement de l'uranium dans un bunker souterrain, ont indiqué jeudi denier des sources diplomatiques, ce qui pourrait marquer une intensification du programme nucléaire de Téhéran, soupçonné par l'Occident de viser l'obtention de l'arme atomique. Si le développement de la base souterraine iranienne de Fordow est confirmé par un rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) attendu la semaine prochaine, il sera probablement perçu comme un refus cinglant de l'Iran de freiner son enrichissement d'uranium, conformément aux exigences internationales. «Ce que nous savons fondamentalement, c'est qu'ils continuent à installer» des machines, a déclaré l'un des diplomates, sous le sceau de l'anonymat, ajoutant que les centrifugeuses ne fonctionnaient pas encore. Téhéran a toujours nié les accusations occidentales selon lesquelles il chercherait à se doter de l'arme nucléaire, arguant que son programme était purement civil. Sa réticence à accepter toute concession a conduit les Etats-Unis et l'Union européenne à renforcer récemment leurs sanctions, tandis que des rumeurs persistantes prêtent à Israël l'intention de bombarder les installations nucléaires iraniennes avant novembre. Est-ce un programme militaire? Le seul fait d'enrichir de l'uranium ne constitue pas une violation du Traité de non-prolifération (TNP, ratifié par Téhéran en 1970). Mais dans le cas de l'Iran, plusieurs indices ont été jugés inquiétants : le secret autour de la construction des sites de Natanz et d'Arak, des importations de matériaux sensibles non déclarées, le programme balistique et la découverte, surtout, en 2003, à Natanz, par les inspecteurs de l'AIEA, d'un document pakistanais expliquant comment former des hémisphères d'uranium, technique qui ne sert que si l'on veut fabriquer une bombe... A cela s'ajoute une remarque de bon sens: l'Iran ne dispose d'aucune centrale susceptible d'utiliser l'uranium enrichi produit à Natanz. Les Iraniens ne possèdent en effet qu'une centrale nucléaire civile, à Buchehr, construite par les Russes. Elle ne peut être alimentée, au terme d'un accord signé en 2005, qu'avec du combustible russe. Pour autant, l'uranium produit à Natanz n'est que faiblement enrichi. Cela fait de l'Iran un «pays du seuil», mais non encore une puissance nucléaire. Et du programme iranien «un programme d'apparence civile, avec vraisemblablement une option militaire qui n'a pas encore été levée». Empruntée à Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga, auteurs d'un récent rapport d'information destinée à la commission de la défense du Sénat, cette définition est sans doute la plus juste. 4 Faut-il avoir peur d'un Iran atomique? Les stratagèmes mis en oeuvre par Téhéran, souvent pris en flagrant délit d'importations clandestines de technologie et de mensonge quant à la nature ou à l'ampleur de son programme, suscitent une inquiétude légitime. Inquiétude alimentée par les imprécations du président Mahmoud Ahmadinejad. Reste que les dirigeants iraniens, plus rationnels qu'on ne le pense en Occident, ne sauraient mésestimer le caractère suicidaire qu'aurait une attaque nucléaire sur Israël ou sur toute autre cible, pour peu qu'ils en maîtrisent le déclenchement. En revanche, ils pourraient miser sur l'accession de l'Iran au sein du club de l'atome pour modifier, à son profit, la donne géopolitique moyen-orientale. En cela, la République islamique s'inscrit dans une obsession historique, née au temps de Cyrus le grand (vie s. avant J.-C.) et patente, au xxe siècle, sous la dynastie Pahlavi: l'obtention d'un statut de puissance régionale respectée. Sans doute la pérennité d'un régime contesté passe-t-elle, aux yeux des mollahs, par cette forme de dissuasion. Reste que l'émergence d'un Iran nucléaire ouvrirait la boîte de Pandore de la prolifération. Comment convaincre des pays vulnérables et sunnites, tels que l'Arabie saoudite ou l'Egypte, de renoncer face à une telle menace à la course à l'arsenal atomique?