Si la notion de sacralité ne figure plus dans l'actuel texte constitutionnel marocain pour qualifier la personne du roi, c'est en partie parce que les différentes interprétations, parfois fallacieuses, qui ont pu lui être données, pouvaient conduire à créer l'amalgame entre la fonction temporelle du roi, comme souverain de la nation marocaine, titulaire d'un certain nombre de prérogatives politiques que lui attribue expressément la Constitution, notamment d'arbitrage, et sa fonction d'« Amir al Mouminine », résolument tournée vers l'administration de l'aspect spirituel de la vie publique. En effet, la confusion pouvait être de mise d'autant plus qu'un seul et même article du texte constitutionnel de 1996 renfermait en son sein l'ensemble des attributions du roi. La nouvelle Constitution promulguée le 29 juillet 2011, abandonne non seulement la notion de sacralité, qui s'est révélée être « anachronique », mais a également consacré deux articles distincts aux deux fonctions, temporelle et spirituelle, de l'institution royale. Plus particulièrement, le concept d'inviolabilité, introduit dans la présente Charte fondamentale, concernant le monarque, désigne le fait que sa personne soit revêtue du « (...) privilège à caractère perpétuel et absolu, selon lequel il n'est pas possible de porter atteinte à sa personne ». L'inviolabilité du roi peut, selon la doctrine française pré-révolutionnaire, être divisée en deux notions distinctes : l'inviolabilité constitutionnelle et l'inviolabilité personnelle. Dans le cas du Maroc, l'inviolabilité constitutionnelle, se traduit par l'irresponsabilité du souverain, qu'elle soit politique ou juridique, du fait du transfert d'un certain nombre de prérogatives vers les membres du gouvernement, et de la mise en place d'un contreseing ministériel. Rappelons que le contreseing est une formule juridique faisant en sorte que les actes du monarque ne soient reconnus valides que lorsqu'ils comportent la signature des responsables. Il s'agit en l'occurrence du chef du gouvernement, qui, de ce fait assume toute la responsabilité de l'acte qui a été pris. Quant à l'inviolabilité personnelle, dans le cas précis du Maroc, elle n'a d'autre but que d'assurer la constance et l'hérédité de la dynastie, en protégeant le détenteur de la fonction royale. Elle est donc un instrument de la continuité de l'Etat et des pouvoirs publics. D'un point de vue comparatif, il est pertinent de faire le rapprochement avec un certain nombre de monarchies parlementaires européennes, où les notions d'inviolabilité des monarques, d'irresponsabilité, voire même de sacralité sont, de manière décomplexée, arborées par les textes constitutionnels. Ainsi, la Constitution de la Norvège dispose en son article 5 que « La personne du Roi est sacrée ; il ne peut être ni blâmé ni accusé. La responsabilité incombe à son Conseil » ; l'article 56 du texte constitutionnel espagnol prévoit que « La personne du Roi d'Espagne est inviolable et irresponsable » ; alors que l'article 88 de la Loi fondamentale belge affirme que « La personne du Roi est inviolable ; ses ministres sont responsables ». Au Danemark enfin, l'article 13 de la Constitution dispose que « Le Roi est irresponsable ; sa personne est inviolable et sacrée ». De telles dispositions sont in fine intrinsèquement liées à la forme monarchique du pouvoir, et ne sont que l'expression constitutionnelle d'institutions à très fort ancrage historique. ÙCréé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) » (décembre 2009), « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies » (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, « La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires ». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume.