Al Mahdîya. C'est cependant dans la violence que l'Islam, au Soudan, chercha d'abord sa voie. Après sa victoire sur les Wahhabites, Mohammad Ali, reprenant les traditions des Mamlouks (Al Mamalik), avait travaillé à constituer un empire, non en Asie Mineure, mais ainsi en Afrique. Son fils Ismaël trouvait la mort dans une expédition au Soudan, en 1822, l'année même où Al Khartoum était fondée. La grande crise 1840-1841, qui avait fait perdre au Khédive (Al Khadioui) ses conquêtes en Asie Mineure, lui laissait, avec l'Egypte, le Soudan, à titre héréditaire, sans le libérer pour autant de la tutelle ottomane. Le Khédive ‘Abbas (1848-1854) n'entreprit aucune expédition au Soudan. Mohammad Saïd (1854-1863) se rendit en visite à Khartoum en 1857 et, pour la première fois, essaya de lutter contre la traite (Voir Sabry, L'Empire égyptien, 435 et suiv. – sa notice sur Nûbâr Pacha, in EI, III, 1013). Le Khédive Ismaël (1863-1892) revint à une politique plus active, engageant la lutte contre la traite et s'efforçant d'étendre la domination égyptienne tant au Soudan que sur la côte de la Mer Rouge. Plusieurs de ses collaborateurs furent des étrangers. Samel Baker, envoyé en mission, avec pleins pouvoirs, de 1869 à 1873, avait pour tâche d'annexer et d'organiser la région du Haut-Nil. Gordon Pacha, nommé gouverneur du Soudan en 1874, fit, pour le compte du Khédive, la conquête du Dâr Fûr, (Dar four) du Bahr Al Ghazal. Au Dâr Fûr, où il s'était heurté à une vive résistance conduite par une petite dynastie locale, Gordon nomma, comme gouverneurs un Egyptien d'abord, Hassan Pacha, puis des Européens, un Italien, Messa-Daglia, ensuite un Autrichien, Slatin. Contre cet impérialisme égyptien se dressa, au Soudan, non pas un mouvement national, mais un mouvement religieux, celui de Mahdi Mohammad Ibn Abdellah. (Voir Dietrich, EI.III.726-727 (sur Mohammad Ahmad) et III, 1080, sur (Othmân Digna). Bernard M. Allen, Gordon and the Sudan. Londres, 1931 – Jacques Delebecque, Gordon et le drame de Khartoum, Paris, 1955 – A.B. Théobald, the Mahdiya, Londres, 1951). Le Mahdi Mohammad Ahmad Ibn Abdellah : Né en 1843, dans l'île de Daran, au Dongoda, fils d'un batelier, était un homme d'une bien humble condition. Il s'était affilié, en 1861, à une confrérie locale fort mal connue, qui semble s'être apparentée aux Shâdiliya et aux Qâdiriya et dont le supérieur à Khartoum était alors le Cheikh Mohammad Al-Sharif. Rompant avec ce dernier et luttant d'influence aussi avec une confrérie soudanaise, qui restera toujours sa rivale, celle des Mirghânîya, Mohammed Ibn ‘Abd Allah se retira dans l'île d'Abâ, sur le Nil-Blanc; il entreprit alors une active propagande, se présentant comme le Mahdi appelé à libérer le pays des Egyptiens et de leurs auxiliaires étrangers. Le gouverneur du Soudan voulut le faire arrêter, mais, en août 1881, le Mahdi et ses partisans massacraient les deux compagnies égyptiennes envoyées contre eux. Ainsi prenait naissance une insurrection qui allait durer près d'une vingtaine d'années, et avoir, sur les destinées tant du Soudan que de l'Egypte, des incidences considérables. Le Mahdi, en 1882, était déjà pratiquement maître du Soudan ; le Kordofan était en grande partie occupé et les relations coupées avec le Dâr-Fûr et le Bahr Al Ghazal. Le port de Sawâkim, sur la Mer Rouge, se trouvait menacé. Le 5 novembre 1883, les troupes de Hicks Pacha, qui venait d'être chargé des affaires du Soudan, furent anéanties à Chekan, dans le Kordofan. Cette victoire permit au Mahdi, en achevant la conquête du Kordofan, de s'emparer aussi de Dar-Fûr et du Bahr Al Ghazal. Une seconde expédition anglo-égyptienne, avec Sir Valentine Baker, était battue le 4 février 1884 ; elle avait sans doute réussi à empêcher les mahdistes de s'emparer de Sawâkim, mais son échec rendait impossible l'acheminement de renforts à Khartoum par le Mer Rouge.Gordon Pacha, d'autre part, était envoyé au Soudan. Refusant toute forme de compromis, le Mahdi reprenait l'offensive et, en mars 1884, marchait sur Khartoum. Le 26 janvier 1885, la ville était prise et saccagée ; Gordon Pacha était tué. Le Mahdi mourrait lui-même peu de temps après et était enterré à Omdurman (Om-Dormane), sa nouvelle capitale. ( A suivre)