Le 29 juin 1879, en pleine crise nationaliste, arrivait au pouvoir le Khedioui (Khédive) Tawfik que l'on disait favorable au Saiyid et en partie gagné à ses idées. Mais, cédant peut-être à des pressions anglaises, il faisait expulser d'Egypte le trop gênant réformateur, accusé «d'être le chef d'une association secrète de jeunes étourdies dont le but était de mettre la corruption dans la religion de l'Etat» (voir-Manar, II, 245 ; VIII, 404 – Tawfiq Al-Outad Al Imam, I, 93 et 76). Le retour d'Al-Afghani dans l'Inde (1879-1883). Al-Afghani se rendit de nouveau dans l'Inde, s'installa à Haïdarâbâd. C'est durant ce séjour qu'il composa en persan, - la langue qu'il connaissait le mieux – sa réfutation des matérialistes, qui n'était point comme le titre pourrait le faire penser, un traité de théologie dogmatique, mais un violent pamphlet politique avant tout dirigé contre Saiyid Ahmad qui venait de fonder, en 1875, le collège anglo-musulman d'Aligarth et commençait à prendre, dans le modernisme musulman, une place de premier plan. Al Afghani reprochait à Saiyid Ahmad et à son école d'avoir ébranlé la confiance des Musulmans dans leur destin, en leur enseignant que la culture des sciences et des arts comptaient plus, dans l'essor d'une civilisation, que l'attachement aux valeurs religieuses et d'avoir ouvert ainsi la voie à l'athéisme. Il lui faisait aussi le grief impardonnable d'avoir accepté l'aide des Anglais pour la fondation de son université «un piège pour la chasse aux fils des croyants». Ces matérialistes, concluait le pamphlet, en arrivaient ainsi à constituer une véritable armée au service de la politique britannique dont le but final était d'affaiblir l'Islam et les Musulmans. (Voir A. M. Goichon, Réfutation des matérialistes, Paris 1942). Jamal Addine Al-Afghani était à Calcuta quand éclatait en Egypte la révolte de «Ourabi-Bacha que la rigueur de la réaction anglaise réduisit aux dimensions d'un prononciamento malheureux, mais qui déjà donnaît à l'Egypte l'essentiel de ce qui fut, jusqu'à nos jours, le fond de son idéal d'émancipation nationale. Sans doute s'agissait-il, sur le plan des revendications militaires, de faire cesser le favoritisme dont bénéficiaient, dans l'armée, au détriment des Egyptiens de souche, Turcs et Circassiens au service de la dynastie. Mais ce que le parti national voulait, c'était, dans l'immédiat, une véritable constitution, et, dans l'avenir, la possibilité, pour l'Egypte, de conduire elle-même ses destinées. Le mouvement avait gagné des partisans dans tous les milieux. Mohammad Sâmi Al Baroudi qui, à côté de Ourabi Bacha, en fut un des principaux animateurs, devait être aussi un des rénovateurs de la poésie arabe contemporaine, qu'il voulait remettre à l'Ecole des grandes traditions d'époque abbasside. (Voir – Sur Sâmi Barûdi (m. 1322/1924). cf. H. Perès, EI, I 1101-1102). La crise nationale aboutit cependant à un rapide échec. Le Khédive (Al Khadiwi) et ses collaborateurs pouvaient difficilement accepter un mouvement logiquement appelé à se tourner un jour contre la dynastie, qu'ils composèrent et manœuvrèrent. Les nationalistes manquaient de cadres et d'organisation. La masse paysanne ne suivait pas. L'agitation aboutissait à des incidents qui alarmaient l'opinion internationale et la «Porte». Le plus grave eut lieu, le 11 juin 1882, à Alexandrie où des bagarres éclatèrent entre les Egyptiens et les Grecs. Un mois plus tard, la flotte anglaise bombardait les forts d'Alexandrie et, le 13 septembre 1882, les forces nationalistes étaient battues à Tel-Kabir (voir – Sur la révolte de Urabi Pacha, cf. C.H. Becker, EI, I, 422-423). (A suivre)