Le journal français «Le Monde» a fini par s' excuser samedi auprès de ses lecteurs et de ses confrères pour «la confusion entre rédaction et publicité» après le tollé général provoqué par la publication d'un supplément de propagande à la gloire du pouvoir en place à Alger et payé aux frais du contribuable algérien. Ce supplément de 16 pages a été inséré dans l'édition du 4 juillet de ce quotidien, à la veille de la date anniversaire des 50 ans d'indépendance de l'Algérie, pour illustrer «l'Algérie en marche» avec au menu, une interview à la «Une» du président algérien et pas moins de sept interviews de ministres de son gouvernement. Ce «supplément publicitaire (a) été financé par l'Etat algérien», reconnaît le directeur du journal, Eric Izraelewicz dans une note aux lecteurs publiée dans l'édition du week-end sous le titre «de la confusion entre rédaction et publicité». Ce cahier, acheté par le gouvernement algérien, a été réalisé par une agence spécialisée dans le «publireportage», a provoqué dès sa parution une ferme condamnation des journalistes du Monde , d'autant plus indignés que l'agence officielle de presse algérienne «APS» et le non moins officiel «El Moujahid» induisaient leurs lecteurs en erreur en titrant à la «Une» sur l'interview du chef de l'Etat accordée au journal «Le Monde». Or, précisent samedi le directeur du journal, et Isabelle Mandraud, spécialiste du Maghreb à la rédaction du Monde, justement et malgré les demandes réitérées de la rédaction, dont la dernière en mars, l'interview «nous a été refusée». Au fait, les interviews publiées dans le supplément ont été réalisées par l'agence de publireportage par écrit et sans évoquer évidemment aucun sujet qui fâche. Cette opération de propagande qui joue sur la notoriété du journal «Le Monde» a été un coup dur pour la rédaction du quotidien. «Notre crédibilité a été très atteinte, c'est sans précédent sous cette forme dans l'histoire du journal «, a déploré Isabelle Mandraud. Le Médiateur du Monde a tenu , de son côté , à mettre les points sur les i, face à l'avalanche de courriers de lecteurs non dupes et scandalisés par cette «propagande». Oui, reconnait-il, le contrat de confiance établi avec les lecteurs «a bel et bien été transgressé». De même, la «charte publicitaire» qui «impose un certain nombre de règles de manière à éviter qu'il ne puisse y avoir, pour le lecteur, une quelconque confusion entre ce qui relève de la rédaction et ce qui relève de la publicité» n'a pas été respectée. «Soigneusement entretenue par cette agence, la confusion entre rédaction et publicité porte ainsi un lourd préjudice à notre journal et à l'intégrité de notre rédaction», avoue encore le quotidien qui rejette «ces manquements» sur l'agence de publicité. La Société des rédacteurs du Monde (SRM), actionnaire du journal, avait protesté le jour même de sa parution, contre la publication de ce supplément publicitaire qui «entretient la confusion avec une information journalistique indépendante, tant sur le fond que sur la forme». De son côté, le Comité d'éthique et de déontologie du groupe «Le Monde» a unanimement dénoncé «le défaut de vigilance» du journal qui «nuit gravement à la crédibilité» d'un quotidien qui se veut irréprochable. Ce cahier publicitaire «financé par l'Etat Algérie», écrit le directeur de la publication, a «abusé la direction du journal, sa rédaction et nos lecteurs» et «porte un lourd préjudice à notre journal et à l'intégrité de sa rédaction». Après des excuses, il annonce qu'il se «réserve la possibilité de faire valoir en justice ses droits». En attendant, les lecteurs et les médias avertis n'ont pas été dupes de ce faux supplément du «Monde» mais vrai fascicule concocté en bonne et due forme selon les vieilles recettes de la propagande.