A l'occasion de la célébration de la journée mondiale de l'information, le président Bouteflika a adressé un message aux membres de la corporation, journalistes, éditeurs et cadres du secteur de l'information pour leur exprimer «sa plus haute considération pour les acquis réalisés sur le chemin de la consécration des principes de liberté et du droit d'expression». Tout le monde aura remarqué le changement de ton et les signaux contenus dans ce message présidentiel. Est–ce la fin de la marginalisation de la presse indépendante ? Ce 3ème mandat sera-t-il celui de la réconciliation avec les journalistes Algériens que Bouteflika a traité de «tayabates el hammam» (masseuses de bains) au début de son premier mandat. Il est utile de rappeler que pendant ses deux premiers mandats, il n'a accordé aucune interview aux journalistes Algériens. La décision de revoir la loi sur l'information a été la revendication principale de la corporation et même de certains groupes parlementaires influents. Car malgré les efforts, et surtout les sacrifices consentis par la presse indépendante depuis les années 90, beaucoup de chemin reste à parcourir pour la consécration d'une presse libre. Mais revenons un peu sur la déclaration du président «j'ai pris l'engagement de procéder à une révision de la loi sur l'information qui doit effectivement être adaptée aux nouvelles donnes, de manière à conforter la liberté de la presse selon les critères professionnels et la logique du marché, mais aussi pour répondre au besoin exprimé par la société d une presse qui lui garantisse le droit de savoir et de communiquer». Les termes de cette déclaration sont suffisamment clairs pour l'opinion publique, mais le sont–ils aussi pour les professionnels de cette corporation qui doute encore ? La question qui reste posée, c'est évidemment de quelle manière se fera cette révision et par qui le projet de révision de cette loi sera-t-il soumis à un débat ? y aura-t-il une implication directe des véritables acteurs de cette aventure intellectuelle entamée au début de l'année 90 avec la parution du premier quotidien indépendant «le Soir d'Algérie» ? Qui a payé le prix fort lors de la décennie rouge ? Le siège central du Soir d'Algérie a été entièrement soufflé par une bombe qui a fait 3 morts (le rédacteur en chef et deux journalistes ont été tués en plein ramadan). Bouteflika s'est incliné à la mémoire de «ceux qui ont payé de leur sang, durant les années difficiles qu'a connues l'Algérie, convaincus du droit de dire haut et fort la parole libre et responsable, notamment lorsqu'il s'agissait de se dresser, avec force, aux cotés de tous les citoyens honnêtes, contre le terrorisme et ceux qui appelaient à la discorde et prêchaient le mal». C'est là enfin une reconnaissance ! Profitant de cette opportunité, Bouteflika s'engage à faciliter l'exercice de la profession et la promouvoir. Cette action concernera les différents organes de presse écrite et visuelle. On croit savoir que dans les prochains mois, le gouvernement et les parties concernées se concerteront pour procéder à un examen approfondi des dispositions juridiques qui seront à même de hisser la presse à un professionnalisme. La révision de l'actuelle législation en matière d'informations, est perçue comme «le prélude à une politique nationale de communication». Cette prochaine révision a fait déjà l'objet de nombreux commentaires dans la presse algérienne qui fait preuve d'une grande prudence. Dans sa livraison du 3 mai 2009 le journal El Watan parle de l'argent public et le «festin» de l' ANEP ( Agence nationale d'édition et publicité) et rappelle que le marché publicitaire a connu une hausse de 12%, soit une somme de 152 millions de dollars. Les bénéficiaires de cette cagnotte sont connus. L'unique chaîne de télévision (ENTV) et les journaux qui affichent clairement leur soutien au régime. Les autres titres dont la ligne est jugée un peu trop libre, sont tout le temps harcelés et menacés de mort lente. L'alibi commercial ne s'applique pas à d'autres organes privilégiés qui continuent de paraître en bénéficiant de la générosité de l'ANEP qui «récompense les bons élèves». Pour sa part, le président de la ligue des Droits de l'homme, Mustapha Bouchachi, a déclaré dans une interview au journal El Watan que «la presse indépendante a suppléé la démission de l'opposition démocratique» et c'est là une vérité que personne n'osera contester, y compris…. le pouvoir. ■