Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a évoqué jeudi un danger «imminent» de guerre civile en Syrie, tandis que l'émissaire international Kofi Annan se prononçait pour une pression accrue sur Damas pour mettre fin à 15 mois de violences. Selon des diplomates occidentaux au Conseil de Sécurité, le message de Kofi Annan et de Ban Ki-moon aux Nations unies a été clair: il est temps de frapper le gouvernement du président syrien Bachar al Assad par des sanctions. L'opposition syrienne et les pays occidentaux et du Golfe qui souhaitent le renversement de Bachar al Assad apparaissent de plus en plus enclins à penser que le plan de paix en six points de Kofi Annan pour mettre fin au conflit est périmé en raison de l'utilisation par le pouvoir syrien des forces armées pour écraser une opposition de plus en plus militarisée. «Le peuple syrien saigne. Il est en colère. Il veut la paix et la dignité. Et avant tout, il veut de l'action», a déclaré Ban Ki-moon à la presse. Il s'exprimait à l'issue d'une réunion à huis-clos de trois heures du Conseil de sécurité des Nations unies réuni pour débattre de la crise syrienne au lendemain d'un massacre présumé dans la localité de Mazraat al Qoubir, village de la province de Hama (centre), où 78 civils ont été tués. «Le danger d'une guerre civile est imminent et réel», a ajouté Ban Ki-moon. Des «terroristes tirent parti du chaos». Auparavant, lors d'une session spéciale de l'Assemblée générale de l'Onu consacrée à la crise syrienne, Ban Ki-moon s'était dit «choqué et écoeuré» par les informations au sujet du massacre, évoquant une «barbarie indicible». L'ambassadeur de Syrie à l'Onu, Bachar Jaafari, a dénoncé pour sa part un «massacre horrible et injustifiable». Damas impute ces tueries à des «groupes terroristes» islamistes appuyés par l'étranger. Selon l'opposition syrienne, qui a diffusé sur internet des images de corps ensanglantés ou calcinés, une quarantaine de femmes et d'enfants figurent parmi les victimes du massacre de Mazraat al Qoubir. En début d'après-midi, le général norvégien Robert Mood, chef des observateurs de l'Onu en Syrie, avait confirmé que les «bérets bleus» n'avaient pu se rendre sur les lieux du nouveau massacre dénoncé par l'opposition. La Misnus (Mission de supervision des Nations unies en Syrie) avait précisé que des soldats syriens, mais également des civils, bloquaient les accès au village. Ban Ki-moon a indiqué que des membres de la Misnus avaient essuyé des tirs en tentant de se rendre sur place. D'après la chaîne de télévision pro-gouvernementale syrienne Addounia TV, toutefois, des «bérets bleus» de l'Onu ont pu se rendre à Mazraat al Qoubir. Ban Ki-moon a estimé que les espoirs de succès du plan de paix d'Annan étaient minces et a suggéré que les Nations unies se prononcent bientôt sur l'utilité de la Misnus et de ses 300 membres, ont indiqué les diplomates sous le sceau de l'anonymat. C'est la première fois que le secrétaire général des Nations unies suggère de mettre fin à la mission de l'Onu en Syrie, qui avait au départ suscité de grands espoirs chez certains. Lors de la séance du Conseil de sécurité, Kofi Annan a estimé que la crise syrienne pourrait bientôt devenir incontrôlable et a demandé au monde d'exercer de «fortes pressions» sur le régime de Damas, ont indiqué des diplomates aux Nations unies. Devant l'Assemblée générale, l'émissaire de l'Onu et de la Ligue arabe avait auparavant reconnu que son plan n'était pas appliqué et avait laissé entendre que ceux qui refusaient de le respecter auraient des comptes à rendre. Le représentant permanent du Royaume-Uni auprès des Nations unies, Mark Lyall Grant, a déclaré aux journalistes après la réunion du Conseil de sécurité que le temps des sanctions était venu. «J'ai suggéré que le temps était venu pour le Conseil de sécurité de renforcer son soutien au plan, notamment par une résolution avec un calendrier clair et des déclenchements de sanctions en cas de non respect», a déclaré Mark Lyall Grant. L'adjoint au représentant français, Martin Briens, a fait écho à Lyall Grant, disant aux journalistes: Annan «nous a demandé plus que des mots. Il nous a demandé d'agir.» L'ambassadeur d'Allemagne Peter Wittig et le responsable de la Ligue arabe Nabil al Arabi sont eux aussi favorables à des sanctions. La Russie et la Chine, qui disposent d'un droit de veto au Conseil de sécurité, ont fait savoir qu'ils s'opposeraient à toute tentative d'imposer des sanctions contre Damas. Kofi Annan a confirmé à la presse qu'il proposait la création d'un nouveau groupe de contact comprenant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, Russie, Etats-Unis, Royaume-Uni, France) ainsi que des acteurs régionaux ayant une influence sur le gouvernement syrien et l'opposition, comme l'Iran. Selon des diplomates, l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie pourraient aussi faire partie du groupe de contact. L'émissaire n'a toutefois pas présenté cette idée devant le Conseil, privilégiant la discussion au niveau individuel. Les Etats-Unis ont réagi négativement au projet d'inclusion de l'Iran dans le groupe de contact. «L'Iran fait partie du problème en Syrie actuellement», a déclaré la représentante permanente des Etats-Unis Susan Rice. «Il ne fait pas de doute qu'il soutien activement le gouvernement dans la perpétration des violences.»