François Hollande, Angela Merkel et leurs partenaires ont posé mercredi soir les jalons d'une relance par la croissance de l'Union européenne, sans trancher sur la question controversée des euro-obligations pour mutualiser la dette, que Berlin juge inopérantes. Le dîner a duré plus de cinq heures pour les participants à ce conseil informel à 27, premier du genre pour le nouveau président français, déterminé à imposer le thème de la croissance sur la scène européenne sur fond de crise en Grèce - que les dirigeants de l'UE veulent voir conserver l'euro. La réunion visait à préparer le Conseil européen des 28 et 29 juin «qui devrait, si le travail est fait en ce sens, préparer un Pacte de croissance qui pourrait être un pas supplémentaire à ce qui s'est jusqu'à présent construit», a dit le président français lors d'une conférence de presse. François Hollande s'est heurté comme prévu à l'opposition allemande sur les «eurobonds». «Les euro-obligations ne contribuent pas à relancer la croissance», a affirmé Angela Merkel dès son arrivée. Le chef de l'Etat a dit respecter ce point de vue tout en espérant une évolution d'ici fin juin. «Il y a de la part de l'Allemagne l'idée que les eurobonds, si je veux donner la version la plus optimiste, ne peuvent être qu'un point d'aboutissement alors que nous considérons que ça devrait être un point de départ», a-t-il expliqué. Sur ce point, «François Hollande n'est pas arrivé armé d'une kalachnikov en disant ‘on veut des euro-obligations'. Ce n'est pas du tout la démarche», a expliqué un diplomate français. L'effet « Hollande » L'élection de François Hollande le 6 mai et le retour des inquiétudes sur le front de la crise de la dette, notamment en Grèce, ont fait évoluer les esprits en Europe, où l'accent est désormais mis sur la stimulation de la croissance. «Je suis frappé en venant ici de voir à quel point l'élection de François Hollande a changé la donne. Je ne dis pas que ça change tout, mais ça change le climat», a déclaré Jean-Marc Ayrault, présent lui aussi à Bruxelles pour une réunion de Premiers ministres européens. Plusieurs initiatives susceptibles de relancer la croissance à moyen terme, qui font partie des revendications de François Hollande, font d'ores et déjà consensus. Il est question de mobilisation en faveur des PME des 80 milliards d'euros de fonds structurels européens non utilisés, de lancement d'euro-obligations pour financer des grands projets d'infrastructures et d'une augmentation des capacités de prêt de la Banque européenne d'investissement (BEI). Les dirigeants européens ont invité cette dernière à réfléchir à une augmentation de capital en vue d'un effort sur la croissance, a déclaré le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, évoquant également un accord à 27 sur le principe d'un renforcement de l'union économique. Un projet-pilote sur les «euro-projets» pourrait entraîner le déblocage de 4,6 milliards d'euros d'investissements et la recapitalisation de la BEI lui permettrait de financer des projets allant jusqu'à 180 milliards d'euros. La France pousse en outre l'idée d'une taxe sur les transactions financières, notamment rejetée par Londres. Pour permettre au débat d'avancer, François Hollande a mis une sourdine à son exigence d'une renégociation du traité de discipline budgétaire, qui suscitait l'opposition de Berlin. Il a indiqué qu'il pourrait y renoncer s'il obtient satisfaction sur la croissance dans un texte séparé, tout en s'engageant à redresser les finances publiques françaises. Donner une dimension nouvelle de croissance «À ce stade, pour permettre la discussion la plus large, nous n'avons pas évoqué d'instrument juridique», a-t-il dit en conférence de presse. Le sujet des euro-obligations touche une corde sensible en Allemagne, où l'on ne veut pas offrir une assurance tout risque à des pays comme la Grèce, qui pourraient alors emprunter à des taux très bas, ce qui allégerait la pression pour mener à biens les réformes. D'autres pays, comme les Pays-Bas et la Finlande, sont du même avis mais François Hollande est soutenu par d'autres partenaires européens, comme l'Italie et la Commission. Le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, qui a déjeuné à l'Elysée, ne considère pas les euro-obligations comme une priorité. Son pays, qui a besoin de liquidités, ne peut se permettre de froisser Berlin. Pour l'Allemagne, qui a déjà dû accepter des entorses au traité de Maastricht, qui interdit formellement le sauvetage de pays comme cela a été le cas avec le plan grec, et les actions de la Banque centrale européenne (BCE) en faveur des banques, accepter de tels mécanismes est politiquement impossible. François Hollande a expliqué que les euro-bons ne devaient pas servir à mutualiser les dettes passées mais permettre des emprunts nouveaux. Le président français s'est voulu ouvert au dialogue, refusant de se poser en «sauveur de l'Europe». «C'est le 24e sommet depuis octobre 2008», a-t-il rappelé. «Cela ne veut pas dire qu'il ne s'est rien fait pendant les 23 autres et il y a eu des mécanismes inventés, élargis. C'est dire s'il y a une lenteur dans le processus, c'est sans doute lié au mode de décision», a ajouté François Hollande. «Aujourd'hui ce qui doit compter c'est de donner une dimension nouvelle, et notamment de croissance».