Les grandes puissances et l'Iran doivent se réunir mercredi à Bagdad dans l'espoir d'ouvrir la voie à une sortie de la crise nucléaire, après l'annonce par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) d'un «accord» avec Téhéran. Une certaine incertitude pèse toutefois sur le calendrier de la réunion en raison de la mauvaise météo qui a provoqué la fermeture de l'aéroport de Bagdad pour une durée indéterminée. Le chef des négociateurs iraniens Saïd Jalili est déjà sur place mais l'arrivée des autres délégations pourrait être perturbée. Les négociations entre l'Iran et le groupe «5+1» (les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU: Etats-Unis, Russie, Chine, France, et Grande-Bretagne, plus l'Allemagne) feront suite à la visite à Téhéran lundi du directeur général de l'AIEA, Yukiya Amano. Ce dernier a annoncé qu'un «accord» sera signé «prochainement» avec l'Iran. Il s'agira d'une «approche structurée» visant à résoudre les questions en suspens sur le programme nucléaire controversé de Téhéran, a-t-il dit mardi à son retour à Vienne, qualifiant la décision de «développement important». «La dernière fois, j'ai dit: ‘il y a eu du progrès' et cette fois, je dis: ‘il y a eu une décision'», a-t-il déclaré, alors que la crise nucléaire empoisonne depuis plusieurs années les relations de l'Iran avec la communauté internationale. Les pourparlers de Bagdad interviendront aussi dans un contexte de fortes tensions. Depuis l'élection de Barack Obama à la présidence américaine il y a plus de trois ans, l'Iran a considérablement élargi l'éventail de ses activités nucléaires, se mettant même à enrichir de l'uranium à 20%, et se rapprochant d'autant du niveau de 90% nécessaire à la fabrication d'armes. De son côté, le Conseil de sécurité de l'ONU a accru les pressions sur une économie iranienne déjà en proie à la récession et l'inflation. Et pour M. Obama, en quête de réélection en novembre face à un concurrent républicain qui l'accuse de mollesse face à l'Iran, une avancée du dossier serait tout bénéfice. Tous ces facteurs, ainsi qu'une réunion à Istanbul à la mi-avril, la première en 15 mois, ont ouvert la voie à la réunion de Bagdad. De l'avis des deux parties, l'atmosphère s'est sensiblement améliorée, dénotant une volonté de dialogue. Mais la barre avait été placée assez bas pour cette première rencontre, ce qui ne sera pas le cas à Bagdad. Les discussions vont devoir se «concentrer sur de la substance concrète. La balle est dans le camp des Iraniens. C'est à eux de faire le premier pas», a prévenu un diplomate européen à Bruxelles, soulignant que «le temps est compté». Le grandes puissances devraient tenter de convaincre l'Iran de suspendre son enrichissement à 20% et de se soumettre à des visites plus poussées de l'AIEA via la mise en oeuvre du protocole additionnel du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). «Seule la mise en oeuvre complète du protocole additionnel pourrait rétablir la confiance», estime Bruno Tertrais, chercheur à la Fondation pour la Recherche stratégique à Paris. L'AIEA souhaite aussi que Téhéran apporte des réponses au rapport qu'elle a publié en novembre, dans lequel figure une série d'éléments indiquant que l'Iran a travaillé à la mise au point de l'arme atomique jusqu'en 2003 et, peut-être, ensuite. L'Iran de son côté pourrait être déçu s'il espère un allègement des sanctions en échange de concessions sur ces points: il devrait au mieux espérer une promesse --conditionnelle-- de ne pas s'en voir imposer de nouvelles. Quoiqu'il en soit, rien ne garantit que les deux camps en arrivent à échanger des promesses fermes, souligne un diplomate. Même si les discussions se passent bien, les résultats pourraient ne pas être «tangibles». Ils pourraient en réalité se résumer à un accord sur la tenue à un rythme régulier de discussions de travail techniques. Mais même un tel processus exigerait deux éléments cruciaux: la patience et la confiance.