Les troupes syriennes ont tiré samedi à Damas des gaz lacrymogènes sur des obsèques transformées en rassemblement monstre contre le régime, au cours d'une journée marquée par des explosions meurtrières près d'Alep et et des bombardements qui ont fait quinze morts dans le pays. «Nous ne cèderons pas», ont scandé, selon des vidéos de militants, des milliers de participants aux funérailles de neuf manifestants tués vendredi par les forces de sécurité à Damas, où les rassemblements contre le président Bachar al-Assad sont d'ordinaire moins importants que dans les autres régions. «Bachar, tu as trahi la Syrie», «le peuple syrien est uni», scandaient-ils. De nombreuses femmes lançaient des youyous à l'arrivée des cercueils, tandis que des jeunes brandissaient de petites pancartes proclamant: «Toute la Syrie fera face au régime criminel». Les forces de sécurité ont, sans succès, tenté de disperser la foule dans le quartier de Kafar Soussé en tirant des lacrymogènes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Un rassemblement anti-régime a également eu lieu dans la région à majorité druze de Soueïda, d'après l'OSDH qui se réfère à une vidéo postée sur YouTube. Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, avait demandé aux observateurs de l'ONU chargés de surveiller un cessez-le-feu continuellement violé, de se rendre aux obsèques. «Les funérailles montreront au régime que Damas n'est pas une ville neutre comme il le prétend», avait affirmé le CNS dans un communiqué. A deux jours des premières élections législatives multipartites, les violences ont continué samedi dans le pays où cinq personnes ont été tuées dans un bombardement sur la zone d'Helmouz, dans la province de Homs (centre). Un autre bombardement dans la même région a tué un civil et blessé trois autres, selon l'OSDH. Selon la même source, avant les obsèques, au moins cinq civils avaient été tués par l'explosion d'une bombe au passage d'un bus à la périphérie d'Alep (nord), deuxième ville de Syrie, où un officier a également trouvé la mort. Dans la province d'Idleb (nord-ouest), un civil et deux soldats dissidents ont été tués dans une embuscade à Saraqeb. Aux abords de Damas, trois soldats ont été blessés dans l'explosion d'une bombe au passage d'un bus militaire, tandis qu'une deuxième bombe placée sous un véhicule militaire dans l'artère commerçante d'As-Saoura a explosé sans faire de victimes. Les troupes ont procédé à des arrestations accompagnées de tirs dans le quartier de Barzé à Damas, faisant des blessés, d'après l'OSDH. Les forces syriennes ont également arrêté un avocat et défenseur des droits de l'Homme, Saad Mustafa al-Khash, lors d'une opération menée à son domicile à Masiaf, dans la province de Hama, au centre du pays, selon l'OSDH. Ces violences répétées interviennent en dépit du cessez-le-feu entré en vigueur le 12 avril selon le plan de l'émissaire international Kofi Annan, et pour lequel des observateurs ont été déployés. Selon Abou Omar, un militant de la région de Damas, ces observateurs n'ont aucun effet sur les forces de sécurité. «Elles semblent très à l'aise, c'est comme si elles avaient le feu vert pour poursuivre la répression», a-t-il dit. M. Annan doit faire un rapport sur l'application de ce plan, officiellement accepté par Damas et par les rebelles, le 8 mai devant le Conseil de sécurité de l'ONU. Le bureau de M. Annan a estimé que le plan était «sur les rails», mais la persistance des violences a poussé les Etats-Unis et la France à exprimer une fois de plus leurs doutes face à la volonté de M. Assad de cesser le feu. L'ONU ne compte pour l'instant qu'une petite trentaine d'observateurs sur le terrain, mais ce nombre devait dépasser la centaine dans quelques semaines avant d'atteindre 300. Selon l'OSDH, plus de 600 personnes, en majorité des civils, ont été tuées en Syrie depuis le début de la trêve, et plus de 11.100 en 13 mois de révolte. Lundi, les autorités organisent des législatives qualifiées de «pure forme» par les analystes et de «mascarade» par l'opposition, qui les boycotte. La majorité des candidats sont des «marionnettes du régime», selon les analystes.