Les trois grands candidats à l'élection présidentielle en Egypte s'efforçaient dimanche de trouver le moyen de rester en course au lendemain de la décision de la commission électorale d'invalider dix dossiers, dont le leur, pour des raisons techniques. Le scrutin, dont le premier tour est prévu les 23 et 24 mai, est censé parachever la transition vers un régime démocratique après plus d'un an de pouvoir militaire depuis le renversement par la rue, en février 2011, du président Hosni Moubarak. Les généraux du Conseil suprême des forces armées (CSFA) doivent passer le relais d'ici le 1er juillet au prochain président élu mais les derniers rebondissements pourraient retarder ce processus. La commission a notamment refusé de valider la candidature d'Omar Souleimane, ancien chef des services de renseignement égyptien, du candidat des Frères musulmans Khaïrat al Chater et du salafiste Hazem Salah Abou Ismaïl. Les candidats écartés ont 48 heures pour faire appel auprès de la commission nationale électorale. Le porte-parole de Chater, un richissime homme d'affaires considéré comme le trésorier occulte de la confrérie, a indiqué qu'ils ferait appel de cette décision motivée par ses condamnations judiciaires antérieures. "Nous n'abandonnerons pas notre droit à participer à la course présidentielle", a dit Mourad Mouhammed. "Il y a une tentative de l'ancien régime Moubarak pour voler la dernière étape de la période de transition (...)", a-t-il ajouté. Anticipant cette exclusion, la confrérie, qui est de loin la force dominante dans le premier Parlement de l'ère post-Moubarak, avait présenté un candidat de rechange, Mohamed Mourssi. Ce dernier dirige le parti Liberté et Justice (PLJ), vitrine politique des Frères. Le général Souleimane, l'un des piliers du régime Moubarak, avait surpris la semaine dernière en se jetant dans l'arène électorale, déclenchant la colère des islamistes et des jeunes révolutionnaires. Il a été disqualifié officiellement pour n'avoir pas réussi à réunir suffisamment de signatures dans une province. L'avocat d'Hazem Salah Abou Ismaïl, disqualifié en raison de la double nationalité égyptienne-américaine de sa mère, a prédit pour sa part que cette exclusion déclencherait une "crise majeure". "L'homme qui dirige la commission (électorale) n'a jamais été indépendant. Cette élimination a été décidée par lui et il travaille sous la direction du CSFA", a dit Nizar Ghorab à Reuters. "Il va y avoir une crise majeure dans les heures qui viennent", a-t-il ajouté. Vendredi, ses partisans ont fait le siège du QG de la commission électorale, obligeant cette dernière à faire évacuer le bâtiment et à suspendre ses travaux. Dimanche, la commission était placée sous la protection de la police militaire et la sécurité d'Etat, rapportent les médias officiels. Treize candidats restent en lice, dont l'ancien secrétaire général de la Ligue arabe et ex-chef de la diplomatie égyptienne Amr Moussa, et Abdoul Moneïm Abol Fotouh, un Frère dissident. Dans un entretien accordé samedi à Reuters avant sa disqualification, Souleimane a estimé que la domination de la confrérie sur la scène politique ferait faire un pas en arrière à l'Egypte. Mais il a ajouté qu'en cas de victoire, le PLJ pourrait être membre de son gouvernement. L'ancien général, qui est âgé de 74 ans, a reconnu que sa candidature répondait à un besoin de l'opinion publique de faire contre-poids à l'influence des islamistes. "C'est pourquoi on est venu me chercher, pour tenir la balance égale entre les islamistes et les forces civiles". Il se présente comme un musulman pieux, ajoutant toutefois que ses compatriotes redoutent de voir l'Egypte devenir une théocratie. Le second du scrutin est prévu les 16 et 17 juin.