L'affaire de l'interruption des études dans l'établissemen scolaire « Jeanne D'Arc » à Rabat, il y a une dizaine de jours, dont L'Opinion s'était fait l'écho (voir notre édition du 28 mars)n'a pas fini de produire de nouvelles révèlations. Après les explications du délégué régional du travail de Rabat selon lesquelles la situation juridique de l'actuelle directrice de cet établissement au Maroc restait à réguler, voici une lettre ouverte de l'ancienne directrice deladite école adressée au Minstre de l'éducation nationale, dans laquelle elle dénonce les dérives de son successeur. Un témoignage sous la forme du cri de cœur de la personne qui a dirigé l'Institut « Jeanne d'Arc » pendant vint et un ans. Lettre à Monsieur le Ministre de l'Education Nationale du Maroc «Monsieur C'est en tant qu'ancienne directrice de l'Institution Jeanne d'Arc de Rabat (de septembre 1989 à juin 2010) que je me permets de vous adresser cette lettre. Si je ne sors de ma réserve qu'aujourd'hui, c'est que je pensais --à tort d'ailleurs-- que la situation dans cette école allait sûrement finir par s'arranger. Mais les récents événements du 26 Mars 2012 (qui, je le crains, ne seront pas les derniers) m'ont profondément bouleversée. De nombreux articles et vidéos sur les problèmes actuels que vit cette école circulent depuis un certain temps sur le web; je reçois quotidiennement appels téléphoniques et mails d'élèves, de parents inquiets parlant de la situation catastrophique dans cet établissement à cause de l'incompétence notoire de l'actuelle directrice. J'ai quitté, avec beaucoup de regrets, mon poste en juin 2010 car je craignais de ne plus pouvoir assumer mes responsabilités avec le dévouement que les élèves sont en droit d'attendre de leur directrice. J'attendais pour cette école le dynamisme et l'élan d'une personne plus jeune. La directrice d'un établissement comme l'Institution Jeanne d'Arc est au service de ses élèves, des parents et des enseignants, et non l'inverse. De plus, quand on a la chance d'être, en tant qu'étrangère, accueillie comme on l'est au Maroc, comme je l'ai été pendant près de quarante ans, on se doit d'être irréprochable, de donner le meilleur de soi-même et de rendre un peu de cette hospitalité si généreusement offerte. Mais alors, que dire d'une directrice qui, selon les dires de ses collègues, des élèves et des parents, - passe ses journées entières enfermée dans son bureau devant l'écran de son ordinateur ou en conciliabule avec sa «garde rapprochée». - ne va jamais dans les classes voir ce qui s'y passe, laissant les enseignants livrés à eux-mêmes. Certains l'avouent : pas contrôlés, pas stimulés, ils relâchent leurs efforts, avec les conséquences que l'on sait sur les élèves. De plus les adjointes de direction, surchargées de travail, de remplacements, de tâches qui ne leur reviennent normalement pas, n'arrivent plus à assurer leur rôle de conseil, de coordination et de suivi pour lequel elles ont pourtant été si bien formées. - s'octroie, avec la bénédiction de l'Enseignement catholique au Maroc (ECAM), des congés supplémentaires sans éprouver la moindre gêne vis à vis de ses collègues et prétend (aux dires de la secrétaire) être en formation en France ! Remarquez bien que tout le monde, élèves, parents et enseignants, préfèrent l'école quand cette dame n'y est pas. - se met systématiquement au portail aux heures d'entrée et de sortie pour surveiller les enseignants et voir avec quel parent ils parlent avant d'aller questionner ces parents sur le contenu de la conversation... quand ce n'est pas pour aller quémander une aide personnelle auprès de certains, nouveaux parents d'élèves de préférence, encore bien naïfs quant aux véritables intentions de cette dame, déjà remerciée d'une autre école. - s'est entourée d'une «cour» d'une quinzaine de personnes (enseignants, administratifs, agents) à ses ordres et qui, bien entendu, agissent soit par lâcheté, soit par peur de perdre leur emploi (car on peut risquer gros à se mettre en travers du chemin de cette dame) mais surtout par intérêt (permission de ne pas faire cours et d'être remplacé, de s'absenter ou tout simplement par fierté idiote de pouvoir jouer un «petit» rôle dans l'école sans en mesurer les conséquences...) - n'a apporté aux enseignants au cours de ces deux dernières années aucune formation intéressante, sans doute par crainte que ceux-ci soient mieux formés qu'elle, ce qui est en effet le cas pour bon nombre d'entre eux. - ne cesse de ballotter les enseignants d'un secteur à un autre de l'établissement, selon ce qui l'arrange et non en fonction des compétences de chacun ou des besoins réels de l'école. - a fermé plusieurs classes maternelles (il y a actuellement dans l'école des classes vides, ou plutôt vidées), y a imposé un manuel inadapté en provenance d'une maison d'édition libanaise et qui occupe pratiquement tout le temps des élèves, si bien que dans certaines classes on n'a même plus le temps de faire de l'Education physique et sportive (EPS), un comble en maternelle... Alors que les enseignants, bien entrainés aux pédagogies du projet et de l'intégration, obtenaient des résultats remarquables dans leurs classes, je peux en témoigner. Et c'est sans parler du scandale sur le point d'éclater à la rentrée 2011-12 à propos de la somme (supérieure au marché) réclamée aux parents en paiement de ces manuels achetés en gros (donc avec remise) par l'école. - se permet de conseiller aux parents (certains me l'ont dit) ayant des enfants dans l'école de ne pas y inscrire les plus jeunes sous le prétexte que les enseignants de maternelle (avec lesquels elle s'est créé des tas de problèmes) ne sont pas compétents ! Sont-ce là des propos dignes d'une directrice ? C'est plutôt pour que ces parents ne puissent pas comparer l'école d'aujourd'hui à celle d'il y a quelques années... Je pourrais poursuivre ainsi encore longtemps car les doléances que je reçois chaque jour sont impressionnantes. Comme me l'a dit récemment le responsable d'une école de Rabat avec qui je suis restée en contact : « On était tous jaloux de l'école Jeanne d'Arc, et surtout de son collège et de ses classes maternelles, maintenant l'établissement est devenu la risée de tout le monde». Qu'il est triste d'entendre de tels propos ! Mais la question que je me pose --et que beaucoup se posent avec moi-- est la suivante : Pourquoi l'ECAM s'obstine-t-il à protéger cette directrice alors que tout le monde sait qu'elle est train de détruire l'école ? Pourquoi est-elle autant soutenue par les responsables de l'ECAM : est-ce par défi ? par orgueil blessé ? pour montrer qu'on veut rester maître chez soi ? par solidarité nationale ? ou pour une autre raison... Cette directrice parle tantôt du «printemps arabe», tantôt d'un «éventuel complot», tantôt «d'intérêts obscurs» pour expliquer la situation actuelle de l'école. Il faudrait arrêter de délirer ! On ne peut pas passer son temps à chercher des boucs-émissaires pour justifier sa nullité. Le pire, c'est qu'à présent la plupart des enseignants, des parents et des élèves n'ont plus aucun respect pour cette dame : il suffit de lire les mails que je reçois pour s'en faire une idée. L'acharnement affiché des responsables de l'ECAM ainsi que l'incompétence de cette personne ne font --et ne feront-- qu'exacerber les tensions existantes. Il y va maintenant de l'avenir de centaines d'enfants, de la pérennité du rôle que l'Institution Jeanne d'Arc de Rabat a toujours su jouer dans l'éducation au Maroc. Ce rôle est aujourd'hui bien écorné, c'est pourquoi je me permets, monsieur le Ministre, de vous demander d'aider au sauvetage de cette école, si chère à mon coeur. Je vous prie d'accepter, Monsieur le Ministre, l'expression de ma haute considération.»