Mohamed Merah, l'auteur présumé de sept assassinats en moins de 10 jours à Toulouse et à Montauban, dans le sud de la France, est mort, a confirmé jeudi le ministre français de l'Intérieur Claude Guéant. Merah aurait revendiqué les meurtres de trois militaires français d'origine maghrébine - l'un à Toulouse le 11 mars, les autres à Montauban le 15 mars - et de trois enfants et leur professeur, devant une école juive de Toulouse, selon ce qu'a déclaré mercredi le procureur de Paris, François Molins. Dans une conférence de presse tenue vers midi, heure locale, le ministre Guéant a affirmé que l'homme de 23 ans a été « retrouvé mort au sol », après s'être jeté par une fenêtre de son appartement. Ce dénouement est survenu plus de 30 heures après que le corps d'élite de la police française, le RAID, eut entrepris le siège de son appartement, situé dans le quartier de la Côte Pavée, à Toulouse, non loin du lieu du premier meurtre et de l'école juive. Selon le ministre Guéant, le RAID a investi l'appartement de Merah par la porte et les fenêtres, et en a inspecté toutes les pièces à l'aide « de moyens techniques de vidéo », sauf la salle de bains. « C'est au moment où un moyen d'investigation a été introduit dans la salle de bain que le tueur est sorti de la salle de bain en tirant avec une extrême violence », a relaté sur place Claude Guéant. « Les rafales ont été fréquentes, très dures, un fonctionnaire du RAID qui a pourtant l'habitude de ce genre de choses me disant qu'il n'avait jamais vu un assaut de cette violence », a-t-il poursuivi. « Les fonctionnaires du RAID ont tenté bien sûr de se protéger, de riposter. Et puis à la fin, Mohamed Merah a sauté par la fenêtre avec une arme à la main en continuant à tirer. Il a été retrouvé mort au sol », a-t-il dit, sans plus de détails. Deux policiers ont été blessés lors de l'opération, selon le ministre Guéant, « l'un [...] au pied, l'autre sans doute choqué - en tout cas le médecin n'a pas d'inquiétude en ce qui le concerne ». Des rafales de coups de feu en provenance de l'appartement où Merah se terrait avaient effectivement été entendus pendant environ 3 minutes dans le secteur. Le procureur de Paris, François Molins, s'est exprimé très brièvement après M. Guéant. « On doit travailler avec une scène avec tout un tas de constatations à faire pour conforter sur le plan matériel les éléments qui viennent de vous être indiqués, puisque l'enquête se poursuit », a-t-il dit. Le président français a félicité les forces de l'ordre pour un travail. Dans un communiqué, Nicolas Sarkozy dit avoir « une pensée toute particulière pour les personnes assassinées et blessées » par Mohamed Merah. Nicolas Sarkozy a réuni à midi, heure locale, le premier ministre, François Fillon, les ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice, Alain Juppé, Gérard Longuet et Michel Mercier, et le directeur de cabinet du ministre Guéant, resté à Toulouse. Une « logique de rupture » Quelques heures avant l'assaut, le ministre Guéant avait affirmé que le suspect était entré dans « une logique de rupture » et qu'il voulait « mourir les armes à la main ». Mohamed Merah n'avait à ce moment donné aucun signe de vie depuis plusieurs heures et aucun contact n'avait pu être établi avec lui, ce qui soulevait des doutes sur le fait qu'il soit toujours vivant. Les autorités françaises soutenaient mercredi que Merah avait l'intention de se rendre. Cela ne s'est pas produit, malgré les multiples « mesures d'intimidation » prises par la police française. Des détonations avaient été entendues sur les lieux dans la nuit de mercredi à jeudi. Les policiers avaient aussi fait exploser la porte d'entrée et les volets des fenêtres de son logement. Mercredi, le procureur Molins avait révélé que le RAID avait effectué « plusieurs tentatives d'entrer » dans son appartement, mais s'était heurté chaque fois à une « réplique » à l'arme à feu. Pour relire le déroulement de la situation des dernières 24 heures, ainsi que le dévoilement des premiers éléments de l'enquête, consultez cet article. Des meurtres revendiqués Selon François Molins, Mohamed Merah a revendiqué les meurtres des trois militaires français d'origine maghrébine - l'un à Toulouse le 11 mars, les autres à Montauban le 15 mars - puis de la fusillade ayant tué trois enfants et leur professeur devant une école juive de Toulouse. Le citoyen français d'origine algérienne de 24 ans affirme avoir agi « seul », « n'exprime aucun regret » pour ses gestes, sinon de « ne pas avoir fait plus de victimes », et se glorifie d'avoir « mis la France à genoux ». Il aurait en outre projeté d'assassiner un militaire dès mercredi et « deux fonctionnaires de police particulièrement identifiés de l'agglomération » toulousaine à un moment indéterminé, a ajouté M. Molins en conférence de presse. « Il a dit qu'il souhaitait lundi tuer un autre militaire, et n'en trouvant pas, il a jeté sa vindicte sur le collège, sur cette école juive, ces enfants massacrés », a précisé M. Guéant en entrevue à la chaîne de télévision LCI. Condamné à Kandahar, suivi par les renseignements intérieurs Mohamed Merah est un homme connu non seulement des forces de l'ordre françaises, mais aussi afghanes. Le directeur de la prison de Kandahar, Ghulam Faruq, a déclaré à Reuters que Merah s'est évadé de la prison de Sarposa , lors d'une offensive menée par les talibans en juin 2008, à l'époque où la sécurité de la province était assurée par l'armée canadienne. Selon lui, Merah avait été arrêté en décembre 2007 et condamné à trois ans de prison pour avoir posé des bombes. Une source de sécurité à Kandahar a confirmé l'information, mais un porte-parole du gouverneur l'a démentie. Une source proche de l'enquête citée par l'Agence France-Presse affirme plutôt qu'il a été arrêté fin 2010 à Kandahar pour des faits de droit commun. Le ministre Guéant a confirmé mercredi que Mohamed Merah « était suivi depuis plusieurs années par la DCRI [Direction centrale du renseignement intérieur, les services français du contre-terrorisme] et ses agents toulousains ». Selon lui « jamais aucun élément de nature à [faire] penser qu'il préparait une action criminelle n'était apparu ». Mohamed Merah a « à son actif plusieurs actes de délinquance, une petite dizaine, dont certains étaient marqués de violence », avait précisé Claude Guéant. « Sa radicalisation s'est en revanche plutôt faite au sein d'un groupe d'idéologie salafiste et affermie, semble-t-il, lors de deux voyages qu'il a faits, l'un en Afghanistan, l'autre au Pakistan », a-t-il ajouté. Le procureur Molins a aussi confirmé mercredi que Merah a effectué deux séjours en Afghanistan et au Pakistan, et qu'il présente « un profil d'autoradicalisation salafiste atypique ». « Il est allé en Afghanistan sans passer par les filières connues, par ses propres moyens, sans passer par les facilitateurs et les pays surveillés », selon M. Molins. Il a aussi dit « avoir été entraîné par Al-Qaïda » dans la zone tribale du Waziristan, dans le nord du Pakistan. Intercepté lors d'un contrôle routier par la police afghane, il avait été remis aux Américains qui l'avaient renvoyé en France. « De la mi-août à la mi-octobre 2011 », il s'est rendu cette fois au Pakistan, un séjour écourté, car il a contracté l'hépatite A. « Nous n'avons aucun élément permettant de le rattacher à une organisation quelconque sur le territoire », a encore dit le procureur Molins.