Partant du postulat qu'il n'y a pas de solution viable et durable au chômage des jeunes sans un niveau de croissance économique élevée et durable et sans une valorisation du potentiel humain national, le Conseil Economique et Social souscrit à l'impératif de poursuivre les réformes structurelles engagées et d'en conduire de nouvelles. Aussi, faudrait-il persévérer sur la voie des réformes institutionnelles, de la rénovation de la gouvernance publique et du maintien d'un cadre macro-économique sain. Il s'agit, à cet effet, d'améliorer le climat des affaires et de créer un environnement attractif, favorable à la création de richesses. L'engagement de l'ensemble des acteurs pour la moralisation de la vie publique, l'amélioration de la qualité des services publics, l'instauration d'un climat de concurrence saine et loyale, la responsabilisation sur les résultats et la reddition des comptes sont autant de chantiers pouvant contribuer à l'amélioration de la gouvernance et ˆ la libération des énergies et des initiatives. Cependant, il est trois domaines majeurs dans lesquels des actions plus fortes devraient êêtre conduites afin de réunir les conditions macroéconomiques globales à la redynamisation de l'emploi et de donner par là un nouveau souffle aux dispositifs publics de lutte contre le chômage des jeunes. Ces domaines concernent le modèe de croissance, le systèème d'éducation et de formation et la gouvernance territoriale. Infléchir le modèe de croissance, telle est, en substance et en priorité, la voie à suivre pour apporter à la question de l'emploi des jeunes une réponse durable. Ce changement de cap devrait s'appuyer sur une meilleure orientation de l'épargne et de l'investissement productif en direction des secteurs à forte valeur ajoutée et à réel effet d'entraînement. Le critèère de création d'emploi devrait être déterminant dans la définition des priorités et dans les arbitrages en matièère d'affectation des ressources. La nouvelle orientation économique devrait parallèlement reposer sur le renforcement des capacités d'innovation, de recherche technologique et de développement industriel qui, dans une vision de long terme, constituent les véritables instruments d'amélioration de la productivité et de la compétitivité de notre économie et, partant, le vecteur d'avenir pour la création d'emploi et de valeur. Le Maroc devrait ainsi construire un modèle de croissance forte capable de générer de l'emploi, en quantité et en qualité. Les réformes engagées au cours de ces dernières années ont contribué à relever le taux de croissance moyen du PIB, lequel est passé de 3,2% au cours de la décennie 1990-99 à 4,8% au cours des dix dernières années. En lançant plusieurs chantiers socioéconomiques et un ensemble de réformes structurelles et de politiques sectorielles ambitieuses – dont il faudra assurer une certaine cohérence – le Maroc a réussi à relever la trajectoire de sa croissance, sans pour autant atteindre le niveau suffisant pour équilibrer demande et offre d'emploi. L'ambition serait de porter cette croissance moyenne au seuil d'émergence. La problématique de l'emploi ne peut en effet trouver de solution durable que dans la création de richesses, qui repose largement sur les entreprises et leur propension à investir. L'inflexion du rythme de croissance doit mobiliser toute l'attention et l'énergie, pour parvenir à générer les 2,5 à 3,5 millions d'emplois nécessaires d'ici à 2020, afin de permettre l'inclusion des nouveaux flux qui arriveront sur le marché national du travail à cet horizon. Le Maroc possède des atouts significatifs : capitaux humains et naturels, position géographique priviégiée, gisements d'énergies renouvelables, stabilité politique, équilibre macro-économique, systèmeème bancaire et financier solide, stratégies sectorielles d'envergure, mise ˆ niveau des infrastructures, accords de libre-échange.Il convient de valoriser ces atouts pour renforcer le potentiel de croissance sectorielle que raceèle l'économie nationale. En effet, plusieurs secteurs pourraient dans ce cadre servir de véritables leviers de croissance future : - Soumis aux contraintes de la concurrence internationale et donc impacté par le besoin d'amélioration de ses niveaux de productivité, le secteur industriel peut jouer un rôle important.Il attend que soient levés les freins à son développement (financement, fiscalité, coût des facteurs, environnement des affaires, faiblesse du taux d'encadrement du personnel des entreprises), et que plus généralement soit favorisée l'éclosion d'un écosystème favorable à la réalisation des investissements nationaux et étrangers nécessaires dans les domaines nouveaux et particulièèrement innovants, à forte valeur ajoutée technologique. - Le secteur des services dispose également d'un fort potentiel de création d'emploi et mérite à ce titre une attention particulièère. Figurent notamment dans cette catégorie les branches du commerce de la petite et grande distribution et de la franchise. Le Conseil recommande à ce titre le soutien et le développement du programme relatif à la modernisation du commerce de proximité dit Rawaj. Cependant ce premier cercle de services peut aussi êêtre élargi aux secteurs de la logistique, des transports et aux services financiers. - Le secteur du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration recèèle un important potentiel. La stratégie Tourisme 2020 devrait dynamiser l'emploi dans ce secteur ; dynamique qu'il faudra coupler au développement des métiers locaux du Maroc comme l'artisanat ou les produits du terroir. - Le secteur de l'économie verte constitue un gisement d'emplois important. Il s'agit de préserver le patrimoine naturel, de protéger l'environnement et le citoyen et de développer une nouvelle politique et une économie énergétiques. Ainsi les investissements considérables, prévus dans les domaines des énergies renouvelables, de l'efficacité énergétique dans le b‰timent, du transport et de l'industrie, du traitement des eaux usées, et de la gestion et du recyclage des déchets, devront contribuer d'une manièère significative au renforcement de l'économie du pays. - Les secteurs agricole et de la pêêche devraient êêtre considérés comme étant prioritaires en raison des potentialités non encore exploitées ou insuffisamment valorisées qu'ils recèèlent ; c'est notamment le cas des activités non agricoles en milieu rural et de la pêche artisanale, ainsi que des activités de transformation des produits de l'agriculture et de la mer. Pour que la croissance soit durable, il est nécessaire de veiller à ce que ses fruits soient mieux répartis. Une meilleure répartition de la richesse produite permettrait notamment d'accélérer le développement d'une classe moyenne capable de dynamiser le marché intérieur et de générer des effets d'entraînement économique positifs. De même, elle permettrait de renforcer la cohésion sociale et la mobilisation de toutes les composantes de la société, du fait de son impact sur le sentiment de justice sociale. Une meilleure répartition des fruits de la croissance devrait ainsi être envisagée, en particulier à travers une réforme fiscale audacieuse, des conditions innovantes de répartition de la valeur ajoutée en entreprise (participation des salariés aux résultats, systèmes d'intéressement, etc.) et un renforcement de l'engagement des entreprises dans le domaine de la responsabilité sociale (RSE). L'innovation et la recherche sont porteuses d'avantages compétitifs pour notre tissu économique et industriel. Elles valorisent le positionnement des acteurs de l'enseignement et de la recherche, et apportent en même temps une visibilité du pays dans les secteurs stratégiques à l'échelle internationale. Il convient aujourd'hui d'en faire un levier essentiel d'amélioration de la productivité de nos entreprises et un ressort puissant de la croissance de demain. La promotion d'une politique volontariste de recherche appliquée est indispensable pour créer de nouveaux leviers de croissance, notamment par un soutien financier contractualisé avec l'université. Le nombre de doctorants en recherche appliquée est très faible. De plus, ils ne disposent d'aucun financement permettant de leur octroyer un revenu décent les libérant des contraintes de la vie quotidienne les aidant à se consacrer à leur production. De ce fait, la recherche appliquée n'est pas réalisée dans le cadre d'une politique d'innovation cohérente. Il faut par ailleurs considérer que les compétences marocaines à l'étranger peuvent jouer un rôle important dans la réalisation de raccourcis scientifiques et technologiques en faveur de l'ensemble des secteurs d'activité de l'économie nationale. Le secteur de l'économie sociale et solidaire, tout en répondant à des besoins sociaux et économiques réels, reecèle un potentiel important de création d'activités économiques nouvelles et d'emplois de proximité. Il s'agit de promouvoir le développement socioéconomique de ce secteur, notamment en milieu rural, par l'introduction d'un entrepreneuriat social en phase avec les spécificités locales et régionales (économiques, culturelles et environnementales). L'accent doit être mis notamment sur le soutien des organisations de l'économie sociale et solidaire (coopératives, mutuelles et associations) à travers des mesures d'encouragement ciblées.