L'Afrique de l'Ouest doit faire face à un flux croissant de déchets issus de la consommation intérieure d'équipements électriques et électroniques neufs et usagés, d'après un nouveau rapport de l'ONU, «DEEE ? Où en sommes-nous en Afrique ?». La consommation intérieure est à l'origine de la majorité (jusqu'à 85 pour cent) des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) neufs ou d'occasion produits dans la région, selon l'étude «DEEE ? Où en sommes-nous en Afrique ?»(1) Le problème des déchets électroniques en Afrique de l'Ouest est de surcroît aggravé par un flux constant d'équipements usagés provenant de pays industrialisés, dont d'importants volumes s'avèrent non réutilisables et viennent augmenter la quantité de déchets électroniques produits localement. Dans les cinq pays examinés dans le cadre du rapport de l'ONU (Bénin, Côte d'Ivoire, Ghana, Liberia et Nigeria), entre 650 000 et 1 000 000 tonnes de déchets électroniques issus de la consommation intérieure sont produites chaque année et doivent être gérées afin de protéger la santé et l'environnement de la région. « La gestion efficace des quantités croissantes de déchets électroniques produites en Afrique et dans d'autres pays du monde constitue une part importante de la transition vers une économie verte à faible intensité de carbone et efficace dans l'utilisation des ressources », a déclaré le Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et Sous-secrétaire général de l'ONU, Achim Steiner. « Il est possible de développer les économies africaines, de créer des emplois décents et de protéger l'environnement en assurant une gestion durable des déchets électroniques et en récupérant les métaux précieux et autres ressources renfermés dans les produits qui finissent comme déchets électroniques. À l'approche de Rio+20, qui se tiendra en juin, ce rapport montre que des mesures telles que l'amélioration des stratégies de ramassage et la mise en place de structures plus officielles de recyclage, peuvent limiter les dommages causés à l'environnement et offrir des opportunités économiques », a ajouté M. Steiner. Risques et opportunités présentés par les déchets électroniques L'utilisation d'équipements électriques et électroniques demeure peu répandue en Afrique par rapport aux autres régions du monde, mais elle s'étend à un rythme stupéfiant. Le taux de pénétration des ordinateurs personnels en Afrique, par exemple, s'est multiplié par 10 au cours de la dernière décennie, tandis que le nombre d'abonnés à la téléphonie mobile a centuplé. Les équipements électriques et électroniques peuvent contenir des substances dangereuses (par exemple des métaux lourds, tels que le mercure et le plomb, et des perturbateurs endocriniens tels que les retardateurs de flamme bromés). Des substances dangereuses sont rejetées au cours de diverses opérations de démontage et d'élimination, les rejets étant particulièrement considérables lors du brûlage de câbles pour en extraire le cuivre et de plastiques pour réduire les volumes de déchets. Le brûlage de câbles en plein air est une source majeure d'émissions de dioxine, un polluant organique persistant, transporté sur de longues distances dans l'environnement, et qui se bioaccumule dans les organismes en remontant la chaîne alimentaire globale. Les équipements électriques et électroniques renferment également des matières de valeur stratégique, telles que l'indium et le palladium, ainsi que des métaux précieux, tels que l'or, le cuivre et l'argent. Ceux-ci peuvent être récupérés et recyclés, devenant ainsi une source précieuse de matières premières secondaires et permettant, d'une part, de réduire la pression sur les ressources naturelles rares et, d'autre part, de minimiser l'empreinte écologique globale. Le rapport, qui a été préparé par le Secrétariat de la Convention de Bâle et des partenaires, contient également des informations sur le potentiel économique et environnemental de la mise en place d'un système rationnel de récupération des ressources et de gestion des déchets électroniques, ainsi que sur les risques associés à la poursuite de la voie actuelle. « Les déchets électroniques représentent le flux de déchets qui connaît la plus forte croissance dans le monde entier et un flux d'importance capitale au titre de la Convention de Bâle. La gestion correcte des équipements électriques et électroniques présente pour de nombreux pays un sérieux défi en matière de santé et d'environnement, et pourtant elle offre aussi des possibilités potentiellement importantes de créer des éco-entreprises et des emplois verts », a expliqué Jim Willis, Secrétaire exécutif des Conventions de Bâle, de Rotterdam et de Stockholm. Le rapport a examiné les flux d'équipements électriques et électroniques (EEE) et de déchets électroniques entre l'Europe et l'Afrique de l'Ouest. Parmi ses principales conclusions figurent les suivantes : Au Ghana, en 2009, les enquêteurs ont constaté qu'environ 70 % de toutes les importations d'EEE se composaient d'EEE usagés ; 30 % des équipements d'occasion importés étaient estimés ne pas fonctionner (et être par conséquent des déchets électroniques), soit une production d'environ 40 000 tonnes de déchets électroniques en 2010. Des enquêtes menées sur le terrain au Bénin et en Côte d'Ivoire ont révélé qu'environ la moitié des EEE usagés importés ne sont en réalité plus en état de marche et ne sont pas réparables, ce qui est considéré comme une importation de déchets électroniques. L'analyse, réalisée entre mars et juillet 2010, de 176 conteneurs de deux catégories d'équipements électriques et électroniques usagés importés au Nigéria a révélé que plus de 75 % de tous les conteneurs venaient d'Europe, environ 15 % d'Asie, 5 % de ports africains (principalement du Maroc) et 5 % d'Amérique du Nord. On a constaté une distribution semblable au Ghana, où 85 % des importations d'EEE usagés provenaient d'Europe, 4% d'Asie, 8 % d'Amérique du Nord et 3 % d'autres pays. Le Royaume-Uni est le principal pays exportateur d'EEE neufs et usagés en Afrique, suivi avec de grands écarts par la France et l'Allemagne. Le Nigeria est le principal pays africain importateur d'EEE neufs et usagers, suivi du Ghana. Inquiétudes par rapport au travail des enfants L'exposition aux substances dangereuses aux sites de démontage et dans les alentours pose de multiples risques pour la santé et la sécurité des personnes qui ramassent et recyclent les déchets ainsi que pour celles de la population voisine. La santé des enfants peut tout particulièrement être menacée. Les enquêteurs ont constaté que l'emploi d'enfants est courant dans les entreprises de récupération de ferraille d'Afrique de l'Ouest. Les activités de ramassage et de démontage sont effectuées par des enfants âgés d'au moins 12 ans, mais des enfants de cinq ans seulement sont parfois recrutés pour des travaux légers, y compris le démontage de petites pièces et le tri de des matériaux. À la différence du secteur informel du recyclage, où le ramassage et le recyclage des déchets électroniques sont effectués presque exclusivement par des personnes étant pour la plupart des travailleurs migrants, qui souvent considérés avec réprobation par les sociétés africaines comme des personnes vivant de la récupération de déchets, la remise en état est perçue comme une opportunité économique relativement attrayante par la population active instruite, semi-professionnelle. À Accra (Ghana) et à Lagos (Nigeria), le secteur de la remise en état assure un revenu à plus de 30 000 personnes. « Les solutions durables en matière de gestion des déchets électroniques en Afrique exigent la prise de mesures portant sur le contrôle des importations et exportations, sur le ramassage et le recyclage, ainsi que sur l'élaboration de politiques et de lois qui incorporent la responsabilité élargie des producteurs, reconnaissent le rôle important du secteur informel, renforcent la sensibilisation et l'éducation, et veillent à la surveillance du respect des dispositions et à leur mise en application. On devra assurer la mise en oeuvre de mesures adéquates de santé et de sécurité pour ceux qui interviennent dans le recyclage, ainsi que de pratiques écologiquement rationnelles », a déclaré le Professeur Oladele Osibanjo, Directeur du Centre de coordination régional de la Convention de Bâle pour l'Afrique et co-auteur du rapport.