Que vous soyez habitant de Casablanca ou non, seriez-vous intéressé de visiter Casablanca d'il y a un siècle? Pourquoi vous le propose-t-on en 2012, année annoncée – enfin! - de Casa avec un transport public de masse : le tramway ? Parce que tout simplement, un tel transport a vu le jour dans la "ville blanche", il y a un siècle… sur un petit tronçon, il est vrai : depuis le port jusqu'à la "Place de France" (actuelle place Mohammed V)…Transport, alors, "hippomobile" (traction par chevaux) inauguré à l'époque en grande pompe par le général de brigade, Albert d'Amade, "héros" de l'occupation du Maroc, qui sera vaincu, plus tard, dans les Dardanelles (guerre 14/18)… Ce prédécesseur et inspirateur du Maréchal Lyautey dans la "pacification" du "Royaume chérifien", avait dressé la tente de son QG sur l'emplacement actuel du rond-point Mers Sultan, d'où il guerroya contre les tribus insoumises de la Chaouia, tout particulièrement contre les "M'dakra" (sanglante bataille de Ksiba en février 1908 …année du 1er projet marocain de Constitution, mais ça, c'est une autre histoire…). Il y a donc un siècle, chevaux, troupes, hippomobiles des forces étrangères, du général D'Amade, bientôt suivi par celles du général Lyautey, tracèrent les premiers sillons et voies de circulation pour les hommes, pour les bêtes et pour des moyens de transport à Casa (30.000 habitants en 1903), avec des intersections, des places, des ronds-points : voie du "4ème Zouave" (actuelle avenue "H. Boigny"), boulevard de la gare (actuelle avenue Mohamed V), place de France (place Mohammed V), rond-point de Mers Sultan… 100 ans après, les petits-fils des hommes de Lyautey (Alsthom, SNCF, RATP, SYSTRA et autres "Lyonnaise" et "Veolia"…) griffonnent sur ces espaces de Casablanca , entre autres ouvrages, les rails – enfin! - du transport urbain, né il y a plus de 150 ans avec la révolution industrielle du temps d'Eiffel : le tramway. Les héritiers de Lyautey dans la ville blanche griffonnent et hachurent leurs plans et les "monstres" de leurs plans, de sorte que les cinq millions de Casablancais de 2012, ont l'impression, depuis des mois, de s'empêtrer dans un gribouillage des plus enfantins, des plus obscurs, des plus pénibles aussi à comprendre. Qui a dessiné? Qui a organisé? Qui a planifié? Qui a prévu? Folles et malintentionnées questions que ne se poseraient que des "éternels insatisfaits", des "rabat-joie", des "nihilistes" ou "has been gauchistes" ? Demandez autour de vous aux taxi-drivers, aux automobilistes mères de famille, aux transporteurs et livreurs, aux conducteurs de bus… Tous les "Bidaouas" broient du noir au volant, aux passages piétons, sur les vestiges de leurs trottoirs et de leurs places publiques. Voici une métropole où, quotidiennement, plus de 2,6 millions d'habitants doivent se déplacer par tout moyen: plus de 600.000 véhicules (37% du parc national), dont au moins 460.000 voitures légères ; plus de 1.200 autobus, autour de 6.000 petits taxis en activité, plus de 8.000 "vaches folles" (grands taxis) qui sillonnent, en zigzag, la région du Grand Casablanca, Mohammedia compris… Sans oublier plus de 160.000 motocyclettes, près de 60.000 bicyclettes et le "parc" informel (qui n'a jamais de chiffres), d'un autre temps : charrettes, "Koutchis" et divers tractables similaires ou semblables… Une véritable guerre livrée aux hommes, aux éléments et aux espaces, sur plus de 5.000 kilomètres de voierie (boulevards, avenues, rues et ruelles), soit 25% de la voierie urbaine nationale. Guerre qui fait, bien sûr, des morts et des blessés de guerre: 25% des collisions au plan national surviennent dans cette ville, avec une moyenne annuelle de 13.000 accidents à 13.500 depuis 2007 provoquant, en moyenne, plus de 225 morts et plus de 16.000 blessés ! Casablanca est donc en haut du podium mortuaire dans ce pays où le véhicule tue plus de13 fois qu'en France, lanterne rouge d'Europe ! Un drame ! Auquel, hélas, participe maintenant, en plus, le "Tram", avant même sa mise en service… Drame de l'étrangère L'autre jour, une jeune fille en larmes, presque de sang : son pied s'était coincé dans une césure béante de près de 15 cm de large dans la chaussée, creusée apparemment pour une tuyauterie d'énergie pour le tram, mais qui longeait le trottoir, le long d'un passage pour piétons, près d'un palace de luxe sur l'avenue des FAR. La malheureuse eût la cheville fracassée et n'eut, pendant l'heure d'attente habituelle de secours (et plus!), que la compassion d'une poignée d'originaires, comme elle, de pays subsahariens… Les autochtones de ce pays, passants et macabres curieux que reconnaîtrait aisément Alan Edgar Poe, étaient trop furieux ou peu citoyens, ou peu charitables, pour pleurer ou dénoncer un énième "dommage collatéral" des travaux de ce satané tramway… Pire, les ouvriers du chantier, qui déborde anarchiquement sur cette grande avenue, bien que non signalé sur le tracé du "Casatram/Casadrame", consultable sur la toile (www.casatramway.ma), eurent un réflexe des plus "fourbes" (dirait un chroniqueur raciste de la presse d'occupation du temps des généraux d'Amade et Lyautey) : ils placèrent une barrière indiquant "travaux" juste devant la malheureuse piétonnière étendue par terre, venue d'ailleurs, la rendant, "a posteriori", coupable de sa propre tragédie ! Chez nous, la loi devient aisément rétroactive quand on veut barrer la route à quelque recours ou revendication d'un droit légitime, à fortiori si une réparation est en jeu ! Sens interdit pour la règle de droit ! Culture de la rente et de la "hogra" oblige! La "Hogra" s'entretient dans notre vie de tous les jours, avec nos besoins les plus élémentaires et les plus "zappés", à commencer par l'information dans l'espace public… Signalétique, dites-vous? Depuis quand avise-t-on, informe-t-on à temps, opportunément, par anticipation, largement, exactement, avec transparence, gratuitement, le citoyen, piéton ou "véhiculé", blessé, malade ou plaignant, votant ou pas votant, bref, le citoyen ordinaire en ce pays, sur quelconque danger sur la chaussée, déviation de route, nouveau sens interdit, décision publique d'intervention sur l'environnement de notre vie, en ville ou ailleurs, sur l'espace public tout court ?! Rarement, chichement, obscurément (culture du secret, de l'inachevé, du "complète de ta tête" - déduis toi-même! -)… Notre espace public, en 2012, à Casa, Tata, Taza ou ailleurs, est livré à la loi de la jungle où l'information n'est repérable et déchiffrable que si on est un "pisteur", capable de lire et d'interpréter les traces et les odeurs …des fauves… Drame de la gouvernance Dans la jungle de nos villes, Casa en grand, les fauves, vecteurs ou détenteurs de l'information, sont deux espèces bien citadines : les gardiens de voitures et les "ferrachas"… C'est eux, surtout les premiers, qui décident de notre jungle urbaine, qui y détiennent l'information sur l'espace de vie et de circulation dans nos villes, qui y tracent et y défrichent les pistes, les nouvelles comme les provisoires. Avec ces temps de démission collective de moult leviers et acteurs de gouvernance dans nos villes, ils ont arraché le pouvoir décisionnel, sans appel, de décider d'un sens interdit, de le faire violer par leurs proies/clients, pour toujours ou le temps d'un RDV d'une prière, d'une foire, d'une fête, d'un match de foot ou d'une manifestation de rue. Ces voltigeurs dans Casa peuvent décréter un sens interdit là où la ville n'en prévoit pas. Ils peuvent rendre inutiles et sans pouvoir feux rouges et feux verts et même les policiers qui en ont la garde et la charge. Ils peuvent coloniser une partie d'un trottoir ou sa totalité, transformer le parterre fleuri d'un rond-point en un parking sauvage ou en un souk d'étalage de marchandises et /ou de victuailles ! L'autorité publique, à Casa en l'occurrence, mais dans d'autres cités aussi, a, depuis longtemps, déserté l'espace public, s'accommandant de sa confiscation par ces "héros" de l'informel dont les rangs ne cessent de grossir à cause du chômage de masse et l'exode mythique (mystique ?) vers Casablanca, la ville "bien blanchie". Ils vont de victoire en victoire, grugeant les espaces de nos villes d'autant plus qu'ils sont les seules sources d'information disponibles pour le citadin perdu, à pied ou en voiture. Il en est ainsi à Casa, ville lézardée depuis des mois par de multiples souricières et tranchées criminelles s'étendant de plus belle depuis l'annonce, en 2009, du "beau et moderne" projet de tramway qui se promet de planter 76 km de voies ferrées dans la chair de notre ville et l'irriguer ainsi par quatre lignes de circulation… Arriverions-nous à survivre d'ici le deadline de l'achèvement de cette chirurgie de fer, à cette "fawda" sans nom, pour ne pas utiliser le stigmatisant mot "b..." ? Peut-être que oui, si on prenait la précaution d'informer plus et mieux le Casablancais et la Casablancaise sur les misères et les casse-tête qui les attendent encore pour leurs déplacements futurs. Ne serait-il pas malin, à cet effet, de confier la gouvernance de la ville à ceux qui semblent détenir, on line, l'information sur ce tentaculaire et éreintant chantier, qui sont continuellement branchés sur ses travaux, les prévus comme les imprévus, et qui sont donc les mieux placés pour prêter aide et assistance à l'automobiliste perdu, au piéton déboussolé ou distrait, au visiteur piégé… Oui, pourquoi pas : vivement qu'on confie la mairie de la ville à un "ferrach" et la wilaya à un gardien de parking sauvage! Mais quel agrément nous faudrait-il pour une si réaliste solution? Juste un agrément informel, pardi! Ne sommes-nous pas, après tout, habitués à diverses et éprouvées formes de gouvernance à coup d' "agréments" ("grimas"), sans grands drames?! Décidons donc d'une "grima" de gouvernance pour la ville de Casa! Tout le drame est, en fait, dans l'entêtement de croire que le tramway suffit pour que la gouvernance soit sauve et moderne, même quand elle méprise aussi systématiquement le citoyen, en démissionnant du devoir obligatoire qu'elle a de l'informer utilement et en permanence sur son espace de vie et de travail ! La plaie la plus béante dans cette ville actuellement est : "walou" information. Monsieur le Maire, Monsieur le Wali, faites-vous éviter la banderole : "un maire plus un wali pour walou!"…