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Tourisme : Poursuite du débat sur l'état des lieux Abdellatif Kabbaj, Président de la Fédération Nationale de l'Industrie Hôtelière (FNIH) : «La tendance baissière qui s'installe n'est pas une fatalité»
Nous poursuivons notre série d'entretiens sur la tendance baissière qui donne l'impression de s'installer dans la durée, au grand dam de l'ensemble des opérateurs du secteur touristique. Après Didier Picqot DG de l'hôtel la Mamounia (l'opinion du 23 février 2012 , “Un hôtelier qui se respecte…” ) et Hamid Bentahar, président du CRT et vice-président des opérations Sofitel pour l'Afrique et le Sud de l'Europe (l'opinion du 25 février 2012, “Non à la sinistrose”), c'est au tour d'un autre acteur de taille, en l'occurrence Abdellatif Kabbaj, Président de la Fédération Nationale de l'Industrie Hôtelière (FNIH) et PDG de Kenzi Hôtels Group, de nous fournir son point de vue quant aux principales causes de cette crise et les solutions idoines à même de renverser la vapeur. Nous estimons à juste titre qu'il est l'un des opérateurs les mieux placés pour nous y éclairer compte tenu de son statut administratif et surtout de son riche parcours professionnel qui lui a permis de se frotter au contact aussi bien des aspérités de l'hôtellerie que de ses douceurs. A ce titre, ses observations ont valeur de recommandations d'autant qu'il fut à tous les coups lors de précédentes crises et sut contribuer à s'en sortir avec moins de dégâts que prévu. M. Kabbaj commença par nous rappeler que le tourisme est une industrie extrêmement fragile dans la mesure où il suffirait qu'un aléa se produise quelque part à des dizaines de milliers de son centre d'intérêt pour accuser le coup. Les effets engendrés par la grippe porcine, la grippe aviaire ou encore l'éruption du volcan islandais sont encore présents dans les esprits. «Je dois vous signaler que le gouvernement en place est en train de rétablir la confiance dans le marché en s'inscrivant dans la continuité du gouvernement précédent et ce en intensifiant la communication sur l'échiquier européen. Pour sa part, le nouveau ministre du tourisme Mr Lahcen Haddad, a pris le temps de nous écouter et de s'imprégner de nos attentes. Nous avons pris acte avec beaucoup d'espoir de son total engagement pour rétablir au plus vite la situation. Nous l'avions trouvé réaliste et pragmatique, déjà au cœur de l'action, ce qui est un gage d'assurance quant au renversement de la situation pour des jours meilleurs. Partant de ce constat de fragilité, le tourisme requiert un travail de protection et de renforcement au quotidien, à coups d'opérations de promotion et d'ajustements en fonction de la nature des fluctuations qui l'accompagnent dans sa trajectoire. Ce qui suppose un suivi régulier et une vigilance constante pour éviter toutes mauvaises surprises. S'agissant du cas présent, le secteur est en train de faire les frais de plusieurs facteurs, les uns sont structurels, d'autres conjoncturels. Parmi les facteurs structurels, je citerai à la lumière du rapport de la F.N.I.H. : - Déficit au niveau des moyens publi- promotionnels : les investissements consentis, sur ce volet, sont en dé- corrélation avec l'évolution de la capacité d'hébergement disponible ainsi qu'avec les moyens mobilisés sur ce même volet par les destinations concurrentes. (la norme internationale de l'OMT fixe à 3% des recettes générées par l'activité touristique le niveau des investissements qu'une destination touristique doit consacrer à la promotion). - Prolifération des unités d'hébergement opérant dans le secteur informel, ce qui constitue une concurrence déloyale à l'égard des établissements d'hébergement classés, lesquels sont assujettis à des obligations financières, sociales et fiscales. L'Etat et les collectivités locales sont au regard de cette situation perdants autant que le secteur formel. - Réduction des investissements dédiés à l'activité touristique de la part de la compagnie nationale Royal Air Maroc, donnée aggravée par la disparition de la compagnie filiale «Atlas Blue». - Nuisances urbaines encore nombreuses (circulation, signalétique, salubrité, transport urbain, entretien des espaces publics et espaces verts). - Augmentation ininterrompue des charges d'exploitation et par voie de conséquence une dégradation significative des recettes. Pour les autres, je noterai particulièrement : - Récession économique et financière sur la quasi-totalité des marchés émetteurs traditionnels dont la résultante consiste en un profond bouleversement des habitudes de consommation caractérisé, notamment, par une réduction drastique des budgets consacrés aux voyages. - Insuffisance avérée de la capacité en sièges avions au départ de certains marchés en progression. - Attitude de défiance à l'égard des destinations Arabo - Musulmanes qui est la conséquence directe de l'émergence du phénomène « Printemps Arabe » ainsi que de l'émergence dans plusieurs pays, dont le Maroc, de gouvernements d'obédience islamiste. - Perturbations et bouleversements profonds des modèles de distribution résultant de la progression exponentielle de nouveaux outils de commercialisation. Le temps de latence nécessaire pour le remplacement des réseaux classiques de distribution constitue un temps mort dont les effets pourraient être, à brève échéance, extrêmement nuisibles pour notre destination. - Succession ininterrompue durant les 2 dernière années d'événements qui ont très fortement impacté la demande touristique : grippe porcine, grippe aviaire, éruption du volcan islandais, printemps arabe, attentat de Marrakech du 28 avril 2011. - Réduction notable des modes de transport charter et régulier au seul bénéfice du mode de transport low- cost. - Très faible présence de la destination sur plusieurs marchés émergents tels que : la Russie, la Chine, l'Inde, les Etats-Unis, le Moyen Orient et le Japon. - Image et perception de la destination globalement négative, à l'instar des autres pays de la Région MENA -tendance permanente à l'amalgame, particulièrement de la part des médias qui véhiculent souvent des messages erronés qui ont pour effet immédiat de provoquer une attitude de défiance de la part du consommateur des voyages. Toutefois ce genre de crises semble cyclique et ne saurait surprendre. Il n'est pas non plus une fatalité. Comme toutes les pannes qui peuvent survenir, il requiert un diagnostic professionnel, technique et financier pour déterminer le mode de solutions appropriées à lui appliquer. C'est d'ailleurs le travail auquel s'était adonné la FNIH qui a abouti aux recommandations suivantes : - Augmenter la durée des crédits bancaire à 25 ans avec un moratoire immédiat de 2 ans. - Ramener le montant retenu pour les conventions d'investissement à 100 millions de DHS - Allocation d'une enveloppe budgétaire dédiée à la promotion, pour une durée minimale de 3 ans et ce afin de récupérer les parts de marché perdues et d'améliorer les taux d'occupation des capacités d'hébergement actuelle et additionnelle. - Exonération des charges sociales patronales pour permettre aux entreprises touristique de maintenir le personnel en activité. - Alignement des tarifs de l'eau pour le secteur hôtelier sur celui du secteur industriel par la mise en œuvre des 2ème et 3ème tranches, étant entendu que la 1ère tranche est entrée en vigueur durant l'année 2006. - Alignement du tarif de l'électricité appliqué pour le secteur hôtelier sur celui du secteur industriel - Application de la réglementation en vigueur en matière de classement, d'impôts, de taxes et de contrôle des déclarations à l'encontre de l'hébergement informel pour contrecarrer la concurrence déloyale - Accélération de l'application des textes relatifs aux Résidences immobilières de Promotion Touristique - R I P T - Refonte des statuts de l'ONMT laquelle était déjà prévue dans le cadre du Contrat Programme 2010 et ce afin d'augmenter la représentativité des opérateurs touristiques au sein du Conseil d'Administration de' l'Office - Conception en concertation avec les représentants de la profession d'une stratégie réactive et adoptés à la conjoncture. - Adoption, en concertation avec la profession, d'une stratégie de communication dédiée au MRE et au tourisme national. - Intervention auprès de Royal Air Maroc afin que soit attribué aux opérateurs touristiques un quota de sièges au sien du Conseil d'Administration de la compagnie nationale - Reconduction du budget de financement destiné à la rénovation des établissements d'hébergement « Rénovotel » - Extension au secteur touristique des avantages accordés par l'ANPME dans le cadre des mécanismes d'accompagnement gérés par cette agence. - Soustraire la Taxe de Promotion Touristique - TPT et la Taxe de séjour du champ d'application de la TVA et règlement de ces deux taxes sur la base des encaissements - Soustraction des rémunérations des personnels des établissements d'hébergement classés de l'assiette de l'impôt sur les revenus sur les pourboires - S'agissant des futures instances de pilotage à savoir le Conseil National du Tourisme et les Agences de Développement Touristiques, la Fédération Nationale de l'Industrie Hôtelière appuie cette démarche pour autant que ces instances intègrent en leur sein les 3 collèges : Secteur Public, Secteur Privé, Elus et l'attribution de leur présidence au secteur privé. Je reste persuadé que ce n'est qu'une question de temps à partir du fait qu'il existe une volonté commune et que l'implication de tous les acteurs est en train à son tour de prendre corps et forme».