Les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe se réuniront à Rabat le 16 novembre pour décider du sort de la Syrie, suspendue de l'organisation panarabe. Le gouvernement syrien, de plus en plus isolé et sous pression, a réclamé pour sa part, la tenue d'urgence d'un sommet arabe au niveau des chefs d'Etat pour discuter de la situation et invité les responsables de la Ligue à venir à Damas avant l'entrée en vigueur de cette mesure de suspension, mercredi. Le Maroc a confirmé dimanche que des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe se réuniraient à Rabat le 16 novembre pour examiner la situation en Syrie, menacée d'une suspension de l'organisation panarabe. Cette réunion se tiendra en marge d'un forum, qui regroupera le même jour les pays arabes et la Turquie, a-t-on précisé au ministère marocain des Affaires étrangères. La réunion du 16 novembre avait été annoncée un peu plus tôt dans la journée, depuis Alger, par le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères Amar Belani. «La Turquie ne participera pas à la réunion de la Ligue arabe» prévue mercredi après-midi à Rabat sous la présidence de la Ligue arabe et du Maroc, a précisé la source marocaine. La Turquie n'est pas membre de la Ligue arabe. Selon Rabat, la rencontre doit évaluer l'application d'un «plan d'apaisement en Syrie mis au point le 2 novembre dans le cadre d'une réunion ministérielle de la Ligue arabe». De plus en plus isolé et sous pression, le gouvernement syrien a donc réclamé la tenue d'urgence d'un sommet arabe au niveau des chefs d'Etat pour discuter de la situation et invité les responsables de la Ligue à venir à Damas avant l'entrée en vigueur de cette mesure de suspension, mercredi. Agitant la menace, à peine voilée, d'un effet domino au Proch-Orient, Damas a dit juger cette réunion nécessaire «car les conséquences de la crise syrienne pourraient mettre à mal la sécurité régionale». Le mois dernier Assad avait promis un «séisme» régional en cas d'intervention étrangère dans son pays. Concession importante cependant, le régime baasiste a précisé que les responsables arabes pourraient être accompagnés des observateurs civils ou militaires qu'ils jugeraient bon d'inviter, afin de superviser la mise en oeuvre du plan de sortie de crise. Damas avait déjà fait mine d'accepter ce plan, adopté début novembre par la Ligue arabe, mais sans le concrétiser sur le terrain, déclenchant le vote de suspension de samedi au Caire. Ce plan prévoyait le retrait des chars de l'armée syrienne des villes, la libération des prisonniers politiques et l'arrêt de la répression sanglante du soulèvement déclenché à la mi-mars. Samedi, lors d'une réunion au Caire, les ministres de la Ligue ont annoncé que la Syrie allait être suspendue à compter du 16 novembre des instances de l'organisation pour ne pas avoir mis en oeuvre ce plan d'apaisement. Cette mesure a été votée par 18 pays sur les 22 que compte la Ligue. La Syrie a contesté cette décision de suspension, qui n'a pas été acceptée par le Liban, l'Irak et le Yémen, mais a été soutenue notamment par les riches monarchies du Golfe, dont l'Arabie Saoudite et le Qatar. Dimanche, le ministre algérien des Affaires Etrangères Mourad Medelci a évoqué la possibilité de reconsidérer cette suspension de la Syrie si Damas se conforme au plan arabe du 2 novembre. «La suspension de la Syrie est temporaire et nous pourrons la lever le plus rapidement possible», avait-il dit. «Pourquoi pas avant le 16 de ce mois?», a-t-il ajouté, en présence de son homologue égyptien Mohammed Kamel Amer. M. Belani a toutefois souligné que «si les ministres estiment que le gouvernement syrien n'a pas commencé à mettre en oeuvre le plan arabe, il constateront formellement une carence et appliqueront le gel de la présence syrienne au sein de la Ligue arabe».La Ligue a également appelé samedi au «retrait des ambassadeurs arabes à Damas», mais a laissé cette décision «à la discrétion de chaque Etat souverain». M. Medelci a précisé que son pays avait «décidé de ne pas retirer son ambassadeur de Damas». «Il est plus important aujourd'hui de renforcer les relations algéro-syriennes pour pouvoir appliquer le plan arabe», a-t-il expliqué. Quatre monarchies du Golfe: l'Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweit, et Bahrein, ont retiré leurs ambassadeurs de Damas. Manifestation pro-régime et violences contre les représentations diplomatiques Sue le terrain, des dizaines de milliers de partisans de Bachar el-Assad, agitant des drapeaux et des portraits du président syrien, s'étaient rassemblés dimanche à Damas et dans d'autres grandes villes, manifestant contre la décision de la Ligue arabe de suspendre la Syrie. Alors que des manifestations pro-régime avaient également lieu à Alep, Lattaquieh, Tartous et Hasakeh, les violences se sont poursuivies dimanche: les militants syriens des droits de l'homme ont fait état d'au moins 14 personnes tuées en divers endroits du pays, dont sept dans la seule ville de Hama. Samedi soir, peu après l'annonce de la décision de l'organisation panarabe de suspendre la Syrie, des manifestants pro-régime s'en sont pris à l'ambassade du Qatar, essayant de remplacer le drapeau qatari par un drapeau syrien. D'autres manifestants ont réussi à s'introduire à l'intérieur du complexe de la représentation saoudienne, où ils ont cassé des vitres et saccagé certaines parties. Le roi Abdallah avait rappelé l'ambassadeur saoudien en Syrie en août et condamné la répression menée par le régime de Bachar el-Assad contre les manifestants. Le Koweït et Bahreïn ont également rappelé leurs ambassadeurs. En revanche, l'Algérie et l'Irak ont annoncé qu'ils ne rappeleraient pas leurs ambassadeurs, Bagdad se proposant d'accueillir le sommet réclamé par Damas. Dans le courant de la nuit, l'ambassade de Turquie à Damas, ainsi que les consulats à Alep et Lattaquieh ont également été pris pour cible. La Turquie, voisine de la Syrie, n'est pas membre de la Ligue arabe, mais Ankara a vivement critiqué la répression menée par le régime, et sa diplomatie s'était félicitée samedi du vote de l'organisation panarabe. Dimanche, la Turquie a donc envoyé un avion à Damas pour évacuer familles et personnels non-essentiels, rapportait l'agence turque Anatolia. Et le chargé d'affaires syrien a été convoqué au ministère des Affaires étrangères pour se voir signifier une protestation officielle. A Paris aussi, l'ambassadeur de Syrie en France a été convoqué au Quai d'Orsay après des «tentatives d'agression contre le consulat honoraire de France à Lattaquieh et la chancellerie détachée française d'Alep par des groupes de manifestants organisés et sans réaction des forces de sécurité». Ces tentatives sont «inacceptables et «la France les dénonce avec la plus grande vigueur», précise dimanche un communiqué du Quai d'Orsay. Condamnant l'ensemble des attaques «inadmissibles» contre des représentations diplomatiques ou consulaires en Syrie, Paris juge qu'elles «constituent une tentative d'intimidation de la communauté internationale après les décisions courageuses de la Ligue arabe prenant acte de la poursuite de la répression en Syrie». «Le régime syrien est tenu pour intégralement responsable de ces dérives et devra rendre des comptes», ajoute la diplomatie française. Dimanche, plusieurs centaines de policiers anti-émeute, casqués et armés de matraques, entouraient les ambassades turque, qatarie, saoudienne et américaine.