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La question du Sahara au prisme d'un voisinage hostile : Le rôle de l'Algérie dans le blocage des négociations de Manhasset
Publié dans L'opinion le 02 - 09 - 2011

Le septième round de pourparlers informels autour du Sahara, tenu dans la banlieue newyorkaise de Manhasset, s'est achevé le mardi 7 juin 2011 sans aucune avancée significative. Rappelons que toutes les phases de discussions, formelles et informelles, organisées depuis juin 2007, se sont tenues sous les auspices de l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies, Christopher Ross, en présence de l'Algérie et de la Mauritanie en tant qu'observateurs. Cependant, si la Mauritanie a manifesté clairement sa neutralité dans le dossier saharien, l'Algérie a cherché, quant à elle, à influencer le cours des discussions. Pour ce faire, elle s'est constamment appuyée sur ses appareils, médiatique et diplomatique. Dès lors, l'Algérie est devenue une partie prenante au conflit, et non pas un simple observateur.
Observateur ou partie prenante ?
Eu égard à son implication directe dans le différend saharien, l'Algérie est considérée, notamment par l'Organisation des Nations Unies (ONU), comme partie au conflit. En effet, le Secrétaire général des Nations Unies a invité, à plusieurs reprises, l'Algérie à participer en tant que partie prenante dans les pourparlers sur le devenir de la région. À titre d'illustration, le Secrétaire général a invité, dans son rapport en date du 20 juin 2001, l'Algérie, en tant que partie au conflit, à engager des discussions au sujet de l'Accord-cadre. De surcroît, le rapport du Secrétaire général, présenté le 19 février 2002, évoquant la prédisposition du voisin algérien à discuter de l'option de partition du territoire saharien, ne peut qu'affirmer l'implication directe d'Alger dans ce conflit. De même, cette implication jaillit à travers les déclarations de responsables algériens, précédant les négociations autour du Sahara, que l'Algérie aspire à en influencer la trajectoire.
Cela dit, la diplomatie marocaine s'était toujours employée à neutraliser les pays hostiles à l'intégrité territoriale du Royaume, en particulier au niveau régional. En effet, si le Royaume chérifien a pu, depuis le milieu des années 1980, limiter en partie le soutien militaire et politique libyen au Front Polisario, toutes ses initiatives visant à juguler l'appui exprimé par l'appareil d'Etat algérien envers la thèse séparatiste ont été vouées à l'échec. Ceci démontre l'insouciance du régime algérien quant à l'avenir de la région maghrébine, qui demeure du reste otage de ce conflit. D'ailleurs, cette attitude n'est point étonnante, surtout quand on sait que malgré ce qu'il a pu accumuler comme richesses, grâce à l'augmentation des revenus du pétrole et du gaz, le peuple algérien continue étrangement de pâtir sous le poids d'une morosité socio-économique injustifiée.
L'implication directe de l'Algérie dans le différend saharien s'explique par la tutelle qu'elle exerce sur le Front Polisario, dont les décisions dépendent toujours du régime algérien. Ceci déchiffre le souhait du Maroc de rentrer en négociations directes avec l'Algérie qui a, par ailleurs, participé à la création du Front Polisario et accueille sur ses territoires la prétendue République Arabe Sahraouie Démocratique tout en l'appuyant notamment financièrement, militairement et même diplomatiquement. Aussi, le Front Polisario dépend-il complètement de l'Algérie, laquelle a embrassé catégoriquement les thèses séparatistes. À tel point qu'il semble souvent que les dirigeants algériens sont les porte-paroles officiels du Front séparatiste.
Des négociations dans l'impasse
Bien que le Maroc ait prôné la dimension interne du principe d'autodétermination respectant ainsi l'histoire de la région saharienne, sa structure sociale et ses relations, politique et spirituelle avec le pouvoir central, l'Algérie n'a jusqu'à présent pris aucune initiative à même de garantir le succès des négociations. En revanche, elle ne fait que réitérer ses prises de position archaïques, limitant le principe d'autodétermination à l'unique option de sécession. À l'opposé, le Projet Marocain d'Autonomie est une initiative politique audacieuse et inédite, qui a eu le mérite d'être favorablement accueillie par la Communauté internationale. Il a reçu un large soutien international et présente une base optimale pour les négociations. Car il envisage la résolution du conflit à travers une nouvelle conception prônant le juste milieu, qui aboutira à un règlement définitif du différend saharien où il n'y aura ni vainqueur ni vaincu.
L'Algérie et le Front Polisario, toujours cantonnés aux calculs ignobles hérités de la Guerre froide, considèrent comme une bouffée d'échec tout gain engrangé par le Maroc. Cette approche simpliste condamne à l'avortement toute gestion rationnelle des négociations, tendant à préserver la région contre de nouvelles guerres et conflits qui auront sans nul doute des conséquences néfastes sur l'avenir des générations futures.
L'Algérie mise sur le temps, en ce sens qu'elle est convaincue de l'échec des séries des pourparlers directs entre le Maroc et le Polisario, tant qu'elle téléguide ce dernier et lui dicte ses positions. Toutefois, Alger voudrait perpétuer ces négociations dans l'espoir de convaincre la Communauté internationale de soutenir la sécession de la région du Sahara. Cette manière rudimentaire d'appréhender le différend saharien contredit les réalités sur le terrain, que ce soit au niveau du Sahara, qui, depuis sa récupération par le Maroc, a connu de profondes mutations sur les plans, économique, social et politique, ou au niveau de la Communauté internationale qui ne soutiendrait aucun projet de création d'un État non viable qui présenterait un fardeau tant économique que sécuritaire.
Hostile constamment à l'aboutissement des négociations autour du Sahara, la position algérienne tend quelquefois à s'assouplir, avant que des déclarations subites de responsables algériens ne viennent démolir tout espoir d'impartialité. A titre d'exemple, juste avant la tenue de la septième session de pourparlers informels, le premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, a reproché à ce qu'il a appelé le « lobby marocain » aux États-Unis d'être derrière les prétentions proférées à l'encontre de l'Algérie, l'accusant de soutenir le régime de Kadhafi en lui envoyant des armes et des mercenaires. Notons que le Maroc a tenu à réfuter ces accusations, même si, en réalité, le Conseil national transitoire libyen en est le principal auteur. En effet, ses responsables ont, à maintes reprises, pointé du doigt le soutien algérien au régime de Kadhafi. Il convient de noter que les propos d'Ouyahia coïncident avec les déclarations des responsables marocains et algériens sur la prochaine ouverture des frontières terrestres. Seulement, les relations entre les deux pays risquent de revenir au point mort, surtout que les dernières négociations informelles sur le Sahara n'ont enregistré aucune avancée palpable.
La position imprécise de l'Algérie concernant notamment l'ouverture des frontières terrestres avec le Maroc et sa position figée sur la question du Sahara, laissent prévoir que les négociations autour de celui-ci ne connaîtront pas d'issue, tant que l'Algérie n'a pas levé sa tutelle sur le Front Polisario et tant qu'elle n'a pas cessé de s'immiscer obstinément dans les affaires intérieures du Maroc.
* Le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion et d'analyse basé à Rabat. Acteur actif du débat sur l'intégration maghrébine, le CEI s'intéresse également aux nouvelles problématiques liées à la sécurité internationale, notamment l'immigration, le terrorisme et la fragmentation étatique. En l'an 2010, le CEI a publié, auprès des éditions Karthala, un ouvrage collectif intitulé : « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) ». En janvier 2011, le CEI a rendu public, auprès du même éditeur, un second ouvrage titré, « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » et y publiera, au mois de septembre de l'année 2011, un troisième ouvrage libellé, « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies ». Le CEI compte à son actif plusieurs supports électroniques parmi lesquels figure un journal du web, créé récemment, dénommé Ibn Khaldoun et consultable sur le lien électronique : www.ibn-khaldoun.com.
Professeur à la faculté de droit de Fès, Conseiller au Centre d'Etudes Internationales*


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