Selon l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ont atteint un nouveau et triste record en 2010. Pire : l'objectif phare qui consiste à limiter à 2°C le réchauffement climatique planétaire devient inatteignable. Si la crise financière mondiale a légèrement entamé l'évolution ininterrompue des émissions de CO2 en 2009, le rebond de 2010 est pire qu'attendu avec un record à 30,6 milliards de tonnes (Gt) de CO2 émis, soit une augmentation de 5% par rapport au précédent record de 2008 (29,3 Gt). En terme d'énergie fossile, 44 % des émissions estimées en 2010 proviennent du charbon, 36 % du pétrole et 20% du gaz naturel. Selon les dernières estimations de la National Oceanic & Atmospheric Administration (NOAA), les concentrations planétaires en CO2 étaient de 391,55 ppm(1) en mars 2011, cela correspond à une augmentation de près de 40 % par rapport au début de la révolution industrielle (environ 280 ppm en 1750). A titre de comparaison, il avait fallu plus de 5 000 ans pour que la concentration en CO2 augmente de seulement 80 ppm à la fin du dernier âge glaciaire... (GIEC, 2007). «Cette augmentation significative des émissions de CO2 et la marge de manoeuvre réduite pour le futur en raison des investissements actuels dans les infrastructures représentent un sérieux revers quant à nos espoirs de limiter à 2°C la hausse globale de température» a déclaré le Dr Fatih Birol, chef économiste à l'AIE qui supervise le rapport annuel World Energy Outlook, la publication phare de l'Agence. En effet, lors de la conférence de Cancún sur les changements climatiques qui s'est déroulée fin 2010, les états ont reconnu qu'il était impératif de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40 % d'ici à 2020 pour ne pas dépasser le seuil fatidique de 2°C(2) d'augmentation de la température moyenne de la planète. Or, pour que cet objectif primordial soit accompli, il faudrait contenir à long terme la concentration en gaz à effet de serre à environ 450 ppm équivalent CO2, ce qui correspond à seulement 5% de plus que la valeur estimée de 430 ppm il y a déjà 10 ans... De surcroît, l'AIE a évalué que 80% des émissions prévues dans le secteur de l'énergie jusqu'à 2020 sont déjà immobilisés par des centrales électriques qui sont actuellement en place ou en construction aujourd'hui. Le défi de l'amélioration et du maintien de la qualité de vie des personnes dans le monde tout en limitant les émissions de CO2 n'a jamais été aussi grand. Alors que l'AIE estime que 40% des émissions mondiales provenaient de pays de l'OCDE en 2010, ces pays ne représentent plus que 25% de la croissance des émissions par rapport à 2009. Les pays non membres de l'OCDE(3) - menés par la Chine et l'Inde - ont connu une augmentation beaucoup plus forte de leurs émissions que leurs croissances économiques pourtant exceptionnelles. Toutefois, si l'on se base sur les émissions de CO2 par habitant, les pays de l'OCDE ont émis en moyenne 10 tonnes, contre 5,8 tonnes pour la Chine, et 1,5 tonnes pour l'Inde. Le rapport World Energy Outlook de l'AIE a déterminé un scénario à 2020 pouvant répondre à l'urgence climatique. Dans celui-ci, les émissions mondiales liées au secteur énergétique ne doivent pas dépasser 32 Gt. Ce qui signifie que les émissions totales des dix prochaines années doivent être inférieures à celles enregistrées en seulement un an : entre 2009 et 2010... Un pari malheureusement intenable. «Nos dernières estimations sont un nouvel appel au réveil» souligne le Dr. Birol. «Le monde est actuellement incroyablement proche du niveau des émissions qui ne devrait pas être atteint en 2020 pour maintenir l'augmentation en dessous de 2°C. Vu la marge de manoeuvre restante, à moins que des décisions audacieuses et décisives soient prises, il sera extrêmement difficile d'atteindre l'objectif global convenu à Cancún.» Souvenons nous, la conférence de Cancún s'était terminée sous les applaudissements des pays rassemblés et d'un certain nombre de grandes associations de défense de l'environnement (WWF, Greenpeace, Oxfam, RAC France, FNE, Cap 21...). Et pourtant, cet accord demeure peu volontaire et dénué d'objectif contraignant... Cette nouvelle étude montre une nouvelle fois toute l'inefficacité de ce processus de discussions où les déclarations de bonnes intentions supplantent la prise de décision effective. Le président du Groupe Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC), Rajendra Pachauri, déclarait déjà fin 2009 : «le monde développé n'a vraiment rien fait. Le Protocole de Kyoto est reconnu plutôt par sa violation que par l'adhésion aux limites qui ont été fixées.»