Dans la monarchie parlementaire qu'est devenu le régime politique marocain, « le Parlement exerce le pouvoir législatif », comme clairement stipulé par l'article 70 de la nouvelle Constitution. Les Dahirs promulgués par SM le Roi ne concernent dorénavant que le seul domaine religieux. C'est-à-dire que les représentants du peuple, élus au suffrage universel, ont le monopole de la promulgation des lois. La nation, détentrice de la souveraineté, se dote donc de l'arsenal juridique dont elle a besoin à travers les représentants qu'elle s'est choisie. Ces derniers ont également pour mission de contrôler l'action du gouvernement, qui exerce le pouvoir exécutif, et d'évaluer les politiques publiques qu'il met en œuvre. Composé de deux chambres, la Chambre des Représentants, dont les membres sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans, et la Chambre des Conseillers, dont les membres sont élus au suffrage universel indirect pour un mandat de six ans, le Parlement siège pendant deux sessions par an. L'idée de suppression de la Chambres des Conseillers, thème qui avait suscité maint débats passionnés, a donc fini par être abandonnée. Et à ceux qui continuent de douter de l'utilité de cette deuxième Chambre du Parlement, un simple coup d'œil sur sa composition permet de révéler la raison de son maintien. Les trois cinquièmes des membres de la Chambre des Conseillers sont issus des collectivités territoriales, les deux autres cinquièmes sont élus, « dans chaque région, par des collèges électoraux composés d'élus des Chambres professionnelles et des organisations professionnelles des employeurs » et « à l'échelon national, par un collège électoral composé des représentants des salariés ». Au moment où le Maroc a choisi d'avancer vers un régionalisme plus poussé et d'accorder aux provinces du Sud le statut d'autonomie, il semble en effet important que les représentants des collectivités territoriales prennent une part active dans l'élaboration des lois destinées à rendre effective l'ambition de régionalisation. D'autre part, malgré la création récente du Conseil économique et social, la participation des élus des organisations syndicales et patronales au processus législatif est de nature à assurer les débats contradictoires nécessaires à la promulgation des lois portant sur le domaine socio-économique. Si les projets et propositions de loi sont d'abord votés par la Chambre des Représentants, ceux relatifs aux Collectivités territoriales, au développement régional et aux affaires sociales le sont en premier lieu par la Chambre des Conseillers. Chacune des deux Chambres du Parlement vote son propre règlement intérieur, selon l'article 69 de la nouvelle Constitution, à la condition de veiller à ce qu'il y ait une certaine cohérence entre les deux règlements, puisque ces deux chambres sont tenues de légiférer en tandem. De toute manière, les règlements intérieurs des deux chambres ne peuvent être appliqués qu'une fois déclarés par la Cour Constitutionnelle « conforme aux dispositions » de la Constitution. Les séances des deux chambres sont publiques, mais pas celles des commissions, sauf cas exceptionnels, selon l'article 68 de la loi fondamentale de la nation. La nouvelle Constitution a pris en considération les différentes critiques formulées pendant des années par l'opinion publique nationale à propos du temps réel consacré par certains élus de la nation à leurs activités au sein du parlement et surtout, à la « volatilité » de leurs convictions politiques. Les électeurs ont été longtemps en effet plus qu'outrés par le changement de couleur politique de députés et de conseillers une fois parvenu au Parlement, alors qu'ils avaient été élus pour appartenance à un parti politique précis. L'article 61 de la nouvelle Constitution est donc venu répondre à une attente des électeurs, en indiquant clairement que « tout membre de l'une des deux Chambres qui renonce à son appartenance politique au nom de laquelle il s'est porté candidat aux élections ou le groupe ou groupement parlementaire auquel il appartient, est déchu de son mandat ». Et ce sera à la Cour Constitutionnelle de statuer sur ce genre de cas. Par ailleurs, les élus de la nation sont tenus de participer de manière « effective » aux travaux des commissions et des séances plénières, sous peine de subir « les sanctions applicables aux absences ». Un minimum de discipline de la part des membres des deux chambres du Parlement ne sera pour déplaire aux citoyens qui les ont élus. Pour un rôle plus important de l'opposition Pendant longtemps, nombre d'élus de la nation, députés et conseillers, se sont plaints du peu de cas accordé à leurs propositions de loi, seuls les projets de loi déposés par le gouvernement étant débattus et votés. Dans le même ordre d'idées, les concepteurs de la nouvelle Constitution ont tenus à accorder à l'opposition parlementaire tous les moyens de jouer au mieux le rôle qui lui est dévolu. L'article 83 de la loi fondamentale de la nation prévoit ainsi qu'au moins une journée par mois soit réservée à l'examen des propositions de loi, dont celles de l'Opposition, « composante essentielle des deux Chambres » du Parlement, selon l'article 60 de la Constitution. Les commissions d'enquête diligentées auprès des établissements publics, dont la gestion douteuse exige un contrôle par les élus de la nation, représentent une part primordiale des activités des deux Chambres du Parlement et aux résultats desquels les citoyens accordent une grande importance. Il est d'ailleurs prévu qu'une séance publique soit réservée à la discussion des rapports des commissions d'enquête par la Chambre dont les membres ont mené l'enquête. Ces commissions d'enquête, d'après l'article 67 de la Constitution, « peuvent être créées à l'initiative du Roi ou à la demande du tiers des membres de la Chambre des Représentants, ou du tiers des membres de la Chambre des Conseillers, au sein de chacune des deux Chambres » Toutefois, « Il ne peut être créé de commission d'enquête lorsque les faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits qui ont motivé sa création », est-il précisé dans le même article. De tous les projets de loi débattu et voté par les deux chambres du Parlement, celui relatif à la loi des finances demeure indéniablement le plus important de chaque session législative, du fait de son impact sur l'appareil productif et la vie quotidienne des citoyens. La nouvelle Constitution met donc l'accent sur certains principes fondamentaux à ce sujet. Concernant les finances publiques et les équilibres macro-économiques, l'article 77 stipule clairement que « le parlement et le gouvernement veillent à la préservation de l'équilibre des finances de l'Etat ». D'autre part, « le gouvernement peut opposer, de manière motivée, l'irrecevabilité à toute proposition ou amendement formulés par les membres du Parlement lorsque leur adoption aurait pour conséquence, par rapport à la loi de finances, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation des charges publiques ». En d'autres termes, pas question de mettre les finances de l'Etat dans une situation similaire à celle qu'à connu le Maroc au début des années 80 du siècle dernier, quand il s'est fait imposer par le FMI l'application d'un programme d'ajustement structurel, socialement très coûteux, et ce, pour avoir laisser s'aggraver les déséquilibres macroéconomiques et les déficits des finances publics. Sur un autre plan et alors que la loi de règlement de la loi de finances, qui donne une idée sur le taux de réalisation des objectifs auparavant fixés, n'est soumise jusqu'à présent au vote des membres des deux Chambres du Parlement que plusieurs années après l'exécution de ladite loi de finances, l'article 76 de la loi fondamentale de la nation stipule que le gouvernement se doit de soumettre chaque année au Parlement la loi de règlement de la loi de finances de l'année écoulée, y compris le « bilan des budgets d'investissement dont la durée est arrivée à échéance ». A la lecture des articles de la loi fondamentale de la nation relatifs au parlement bicaméral, récemment approuvée par référendum par le peuple marocain, il ressort distinctement une franche volonté de faire de la Chambre des Représentants, autant que de la Chambre des Conseillers, des instruments législatifs efficients pouvant répondre au mieux aux attentes, multiples, des citoyens.