Les avions de l'Otan sont de nouveau entrés en action jeudi soir au-dessus de la Libye, où l'annonce de possibles élections qu'organiserait Mouammar Kadhafi d'ici la fin de l'année a été rejetée par les insurgés comme par les Etats-Unis. Dans une interview au quotidien italien Corriere della Sera, Saïf al Islam, le fils aïné du "guide", affirme que des élections pourraient être organisées "d'ici trois mois, au plus tard à la fin de l'année" et que "la présence d'observateurs internationaux pourrait en garantir la transparence". En cas de défaite, ajoute-t-il, son père serait prêt à quitter le pouvoir qu'il occupe depuis 42 ans. Mais ce semblant de concession, de la part du pouvoir libyen a été rapidement rectifié par le Premier ministre, Al Bagdadi Ali Al Mahmoudi: "J'aimerais corriger cela et dire que le chef de la révolution n'est pas concerné par un référendum", a-t-il dit après un entretien avec un émissaire russe. A Benghazi, les responsables du Conseil national de transition (CNT) créé par les insurgés ont de toute façon rejeté l'offre de Saïf Al Islam. "Nous lui disons que le temps est écoulé, parce que nos rebelles sont aux portes de Tripoli et qu'ils y rallieront notre peuple et les rebelles (qui y sont déjà) pour déraciner le symbole de la corruption et de la tyrannie en Libye", a déclaré Abdel Hafiz Ghoga, porte-parole du CNT, sur l'antenne d'Al Djazira. Aux Etats-Unis, un représentant du département américain d'Etat, a jugé qu'il était "un peu tard pour cela". S'adressant jeudi soir aux agences de presse russes après sa rencontre avec le Premier ministre libyen à Tripoli, l'émissaire russe, Mikhaïl Marguelov, a rapporté qu'un départ de Kadhafi était une "ligne rouge" que le pouvoir libyen n'était pas prêt à franchir. "Il ne peut y avoir de discussions sur le départ de Kadhafi à l'heure actuelle. Le Premier ministre a déclaré que, pour la direction libyenne, le début de toute négociation sur l'avenir du pays passait par un cessez-le-feu immédiat", a-t-il ajouté. On voit mal comment des élections pourraient être organisées dans un pays plongé dans la violence depuis le début de l'insurrection à la mi-février et la répression qui a entraîné l'engagement de l'Otan contre les forces du "guide" libyen. Mais la proposition du fils aîné de Mouammar Kadhafi intervient alors que plusieurs pays de l'Otan engagés depuis trois mois dans les opérations militaires en Libye s'inquiètent des risques d'enlisement. A Washington, les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, s'interrogent, eux, sur les bases juridiques de l'engagement américain. Leur chef de file, John Boehner, a laissé entendre que le Congrès pourrait fermer les "cordons de la bourse" et couper le financement de l'opération. Malgré l'appui aérien des Occidentaux, les rebelles, même s'ils ont de nouveau progressé ces derniers jours, ne réussissent pas à marquer les points décisifs qui leur permettraient d'atteindre Tripoli pour y déposer Kadhafi. Tard jeudi soir, de nouveaux bombardements ont visé Tripoli, où huit explosions puissantes ont retenti en provenance des quartiers sud-est et sud-ouest de la capitale libyenne, survolée par des avions de l'Alliance atlantique. Dans une déclaration commune publiée jeudi, les présidents russe Dmitri Medvedev et chinois Hu Jintao ont dit leur inquiétude devant la situation en Libye et en ont appelé à la "stricte application" des résolutions du Conseil de sécurité. Sur le terrain, les combats se sont cristallisés sur trois fronts: dans l'Est autour de la ville pétrolière de Brega, tenue pas les forces gouvernementales, dans l'Ouest près de la ville rebelle de Misrata, et enfin dans le djebel Nefoussa, au sud-ouest de Tripoli, près de la Tunisie. Les bombardements s'y poursuivent mais la situation semble pratiquement gelée. En France, l'état-major a estimé jeudi que "les forces d'opposition sembl(aient) avoir l'ascendant sur les forces de Kadhafi", notamment autour de Tripoli.