Des combats opposaient jeudi l'armée régulière libyenne et les insurgés sur la route d'accès à Benghazi, le fief de l'insurrection dans l'Est, tandis que les Etats-Unis ont évoqué à leur tour la possibilité de frappes aériennes pour stopper l'avancée des forces pro-Kadhafi. Les affrontements ont lieu autour de la ville d'Ajdabiah, qui occupe une situation stratégique car elle commande les voies d'accès vers Benghazi, 170 km plus au nord, et, plus à l'est, vers Tobrouk, à la frontière avec l'Egypte. Joint par téléphone, un porte-parole de la rébellion a déclaré que les insurgés tenaient Ajdabiah, dont le contrôle a changé plusieurs fois de camp ces derniers jours. "Mais les combats sont féroces", a ajouté Moustafa Gheriani. La bataille de Benghazi, d'où est parti il y a un mois le soulèvement contre le régime de Mouammar Kadhafi, pourrait être décisive. L'armée libyenne a appelé la population de la deuxième ville du pays à s'éloigner des positions tenues par les insurgés et des dépôts d'armes. Dans une interview que publie jeudi Le Figaro, le "Guide" de la révolution libyenne affirme de son côté que "(son) souci est de libérer la population des bandes armées qui occupent Benghazi. Ces rebelles risquent de se servir de ses habitants comme bouclier humain". Kadhafi ajoute, dans une autre interview accordée à la chaîne de télévision libanaise LBC, qu'il ne s'attend pas une bataille pour le contrôle de Benghazi, siège du Conseil national de transition mis en place par les rebelles. WASHINGTON HAUSSE LE TON Sur le plan international, les efforts en cours depuis des semaines pour enrayer la crise libyenne ont pris un tour nouveau avec le ralliement clair des Etats-Unis à une forme d'intervention militaire étrangère. "Il nous faut être prêts à envisager des étapes qui comprennent une zone d'exclusion aérienne, mais peut-être qui aillent au-delà", a dit à la presse l'ambassadeur des Etats-Unis auprès des Nations unies, Susan Rice. Washington était jusqu'à présent sur une ligne prudente face aux appels, lancés par la France et la Grande-Bretagne notamment, à l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye. Certains responsables de l'administration Obama doutaient de l'efficacité militaire et redoutaient les conséquences politiques d'une telle intervention. Des diplomates ont déclaré à Reuters que les Etats-Unis soutenaient désormais avec la Grande-Bretagne et la France l'idée que le Conseil de sécurité de l'Onu autorise des frappes aériennes, par exemple pour protéger des zones civiles. Cependant, la Russie et d'autres Etats membres du Conseil de sécurité demeurent réticents. Le changement d'attitude de Washington semble avoir été dicté par le renversement de la situation en Libye, où les insurgés, mal équipés et peu formés à la guerre, se heurtent à l'armée appuyée par des blindés, l'artillerie et l'aviation. Mercredi, Saïf al Islam Kadhafi, un des fils du dirigeant libyen au pouvoir depuis 41 ans, affirmait sur l'antenne d'Euronews que la place forte des rebelles tomberait "dans 48 heures". Jeudi matin, des habitants rapportaient que le calme régnait à Benghazi, dont se sont retirées les équipes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de Médecins sans frontières (MSF) par souci pour leur sécurité. Djibril al Houweidi, médecin à l'hôpital Al Djalaa de Benghazi, dit que des ambulances font la navette entre son hôpital et la ville d'Ajdabiah. Il y voit la preuve que les forces kadhafistes ne se rapprochent pas de Benghazi. "Sinon, elles n'auraient pas pu faire ces aller-retour à plusieurs reprises cette nuit", a-t-il dit. Moustafa Gheriani, porte-parole des insurgés à Benghazi, souligne, lui, que la progression des forces régulières de Kadhafi se heurte aussi aux difficultés de réapprovisionnement. "Ses lignes de ravitaillement sont étirées et il ne peut donc pas lancer ses troupes à partir d'Ajdabiah", affirme-t-il, ajoutant: "Nous avons quelques surprises en magasin. Nous allons nous battre et nous allons gagner." (Reuters)