Abyei est une "ville du Nord", a affirmé mardi le ministre soudanais de la Défense, Abdelrahim Mohammed Hussein, écartant les appels à un retrait des troupes nordistes de cette enclave disputée entre le Nord et le Sud. Alors que des milliers de civils ont fui vers le sud de cette région après que les forces armées nordistes eurent pris la localité en violation des accords de paix en vigueur. "Abyei restera une ville du Nord jusqu'à ce que la population décide de la situation par elle-même", a déclaré le ministre, cité par l'agence officielle Suna. La population d'Abyei devait choisir lors d'un référendum son rattachement au Nord ou au Sud le 9 janvier 2011. Mais le scrutin a été reporté sine die, les ex-rebelles sudistes et la tribu Dinka Ngok d'un côté, les Arabes nomades Misseriya et les nordistes de l'autre n'ayant pas réussi à s'entendre sur le droit de vote des électeurs. "L'armée (nordiste) restera à Abyei pour maintenir la sécurité et la stabilité jusqu'à ce qu'une décision politique soit prise", a ajouté M. Hussein. "Les forces armées soudanaises doivent mettre fin à leur occupation illégale et quitter Abyei", a exigé mardi le ministre de l'Information sudiste Barnaba Marial Benjamin. Les autorités sudistes affirment que les Misseriya sont en train d'entrer dans Abyei en grand nombre. "Les tribus Misseriya sont amenées dans Abyei avec le soutien du gouvernement soudanais, dans l'intention d'occuper le territoire Dinka Ngok pour justifier leur participation au référendum", a assuré M. Benjamin. Abyei est l'un des principaux points de tension depuis 2005 et la fin de la guerre civile entre le Nord, musulman et arabe, et le Sud, principalement chrétien et noir, à l'origine de deux millions de morts. Elle est au coeur d'une lutte pour l'accès à l'eau mais aussi de rivalités tribales historiques et connaît une recrudescence des violences depuis le référendum de janvier sur le Sud-Soudan, marqué par une victoire écrasante de l'option sécessionniste et qui a ouvert la voie à l'indépendance de cette région, prévue en juillet. L'ONU pour une solution négociée La haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a fermement condamné mardi les récents combats à Abyei, appelant le Nord et le Sud à trouver une solution négociée et à enquêter sur les violations commises. "Je condamne les récentes attaques et contre-attaques dans la région d'Abyei par les deux parties -- qui ne constituent certainement pas le moyen de faire progresser la coexistence pacifique entre le Nord et le Sud-Soudan", a-t-elle dit. "Je suis particulièrement préoccupée par les bombardements de zones civiles à Abyei de la part de la SAF (Forces armées du Soudan, armée nordiste), ainsi que par les informations faisant état de bombardements aériens dans d'autres endroits tels que Todacch, Tajalei et à proximité du pont de la rivière Kiir". "J'exhorte toutes les parties à chercher une solution négociée à la crise d'Abyei afin d'éviter un nouveau conflit et le chaos", a poursuivi Mme Pillay. "Les gouvernements du Nord et du Sud doivent enquêter sur toutes les violations des droits humains internationaux et du droit humanitaire et veiller à ce que les auteurs de violations soient traduits en justice", a réclamé la chef des droits de l'homme de l'ONU. La ville soudanaise d'Abyei était lundi la proie des flammes et des pillages, deux jours après sa prise par l'armée nordiste, que les autorités du Sud-Soudan dénoncent comme une "invasion", faisant craindre une nouvelle guerre civile. Par ailleurs, plus de 15.000 personnes auraient fui les récents combats dans la région d'Abyei, ville occupée par les forces nordistes au Soudan, pour se réfugier dans le sud, a annoncé mardi le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha). "On estime qu'à Agok, il y aurait environ 15.000 personnes déplacées dans et autour de la ville", a expliqué la porte-parole d'Ocha à Genève, Elisabeth Byrs, lors d'un point de presse. "Ces personnes ont quitté Abey. Elles fuient vers le sud", a-t-elle précisé. Les Etats-Unis, l'Union européenne, la France, le Royaume-Uni et le Conseil de sécurité de l'ONU ont condamné l'intervention.