Les autorités syriennes affichaient dimanche leur détermination à faire taire par la force la contestation sans précédent contre le président Bachar Al-Assad, en ordonnant à l'armée d'intervenir tour à tour à Banias (nord-ouest) et à Homs (centre). Les forces syriennes ont déployé des chars dans la nuit de samedi à dimanche dans deux quartiers de Homs, ont déclaré dimanche des défenseurs des droits de l'homme. Il s'agit de la première incursion de ce type dans des quartiers résidentiels de la troisième ville de Syrie depuis le début du mouvement de contestation contre le régime de Bachar Al Assad en mars. Les forces syriennes sont entrées dans les quartiers de Bab Sebaa et Bab Amro vers 02h00 (23h00 GMT). Des déflagrations et des fusillades ont été entendues, ont dit à Reuters deux militants des droits de l'homme, dont l'un habite à Homs. Au moins huit chars et plusieurs centaines de soldats ont été déployés vendredi dans cette ville d'un million d'habitants. Les militaires, qui avaient pris position depuis vendredi avec des chars dans le centre de Homs, à 160 km au nord de Damas, ont pénétré samedi soir et dimanche à l'aube dans plusieurs quartiers tenus par les opposants au régime comme Bab Sebaa et Baba Amr, selon un militant des droits de l'Homme. Des tirs de mitrailleuses lourdes ont résonné dans ces deux quartiers, où l'électricité et les communications téléphoniques étaient coupées, a ajouté ce militant Seize morts à Homs Une vidéo publiée sur YouTube montre une vingtaine de camions remplis de militaires se diriger dans la nuit vers Bab Sebaa. Depuis le début de la contestation, Homs, troisième ville du pays avec un million d'habitants, est le théâtre de manifestations quasi-quotidiennes. D'après l'organisation des droits de l'Homme Insan, 16 manifestants avaient été tués vendredi à Homs quand les forces de sécurité avaient ouvert le feu sur une manifestation qui arrivait à Bab Dreib, dans le centre-ville. A Banias, ville de 50.000 habitants sur la côte méditerranéenne, les communications téléphoniques, l'électricité et l'eau ont été coupées, selon Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. «La ville est coupée du monde et dans les quartiers sud, place forte des contestataires, il y a des tireurs embusqués sur les toits», a-t-il ajouté. Samedi, il y a eu des perquisitions et des arrestations de blessés dans les quartiers sud, où vivent 20.000 personnes, selon M. Abdel Rahmane qui redoutait «une catastrophe humanitaire». Son organisation a précisé que plus de 200 personnes, dont un enfant de 10 ans, avaient été arrêtées entre samedi soir et dimanche matin à Banias. Selon al-Watan, un journal privé proche du pouvoir, l'armée syrienne livre depuis vendredi soir «une bataille féroce contre des groupes qui utilisent des armes lourdes, des roquettes anti-chars et des mitrailleuses» à Banias et dans ses environs. Au moins six personnes ont péri samedi à Banias: quatre femmes qui manifestaient pour la libération de détenus ont succombé à des tirs des forces de sécurité, selon un militant, puis deux personnes ont été tuées en fin de journée, selon un bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, qui n'était pas en mesure de préciser l'origine des tirs. L'armée intervient à Homs et à Banias après dix jours de siège de Deraa (sud), épicentre de la contestation. Entrée le 25 avril dans la ville, l'armée a arrêté plusieurs milliers de personnes, selon des militants des droits de l'Homme. Coupable de manifestation A Damas, Riad Seif, grande figure de l'opposition, «a été déféré devant la justice qui l'a inculpé du crime de manifester», a déclaré M. Maatouk, président du Centre syrien de défense des prisonniers de conscience. Riad Seif, 64 ans, vétéran de la lutte pour les droits de l'homme en Syrie et qui souffre d'un cancer, a été inculpé dimanche pour avoir enfreint l'interdiction de manifester, selon l'avocat Khalil Maatouk. Riad Seif a affirmé au juge avoir été «frappé à la tête par les agents de sécurité» avant d'être arrêté vendredi après la prière près d'une mosquée dans le centre de Damas. Une manifestation contre le régime avait rassemblé plusieurs centaines de personnes vendredi à la sortie de cette mosquée. M. Seif a purgé une peine de deux ans et demi (janvier 2008-juillet 2010) pour avoir appelé à la démocratie dans son pays. Il avait aussi été condamné en 2001 à cinq ans de prison pour avoir voulu «changer la Constitution d'une manière illégale». Des centaines de manifestants se sont rassemblés samedi devant l'ambassade de Syrie à Londres, déchirant des photos du président Assad en signe de protestation contre la répression qui a fait plus de 600 morts à travers le pays selon les organisations de défense des droits de l'Homme.