Aujourd'hui, l'OTAN se veut une organisation internationale prête à engager un dialogue avec l'autre, à l'assister sans pour autant s'ingérer dans ses affaires internes. Le quartier général de l'OTAN à Bruxelles est une véritable fourmilière ultrasophistiquée, réglée comme une montre suisse et où rien n'est laissé au hasard. Une forteresse où l'on comprend mieux la conception de la sécurité chez l'alliance Atlantique et qui contraste avec l'image de l'OTAN auprès des pays du Sud. Une image que les dirigeants de l'OTAN jugent injustement ou faussement déformée. Mais, de ce coté-ci de la Méditerranée les campagnes d'Irak, d'Afghanistan et le soutien tous azimuts des occidentaux à Israël ont laissé des cicatrices durables et profondes auprès des opinions publiques arabes et musulmanes. «Etes-vous les gendarmes du monde ? Etes-vous une machine militaire au service des puissances occidentales , voire de l'ONU ? Lorsque nous posons ces questions, en effet, aux responsables de l'Alliance , ils paraissent surpris et perplexes face à cette incompréhension car pour eux le rôle fondamental de l'OTAN est celui de garantir la sécurité des pays membres et accessoirement la sauvegarde de leurs intérêts partout dans le monde.! En l'occurrence Mrs Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l'OTAN et l'amiral Gianpaolo Di Paola, président du Comité militaire, ont tenu à expliquer les prérogatives de l'Organisation. «Nous ne sommes pas les Nations-Unies. Nos tâches fondamentales restent la défense collective (protection des États membres), la gestion de crise ainsi que la sécurité coopérative», a souligné l'amiral Di Paola. Confronté à des risques majeurs et à des menaces nouvelles (prolifération des armes de destruction massive (ADM) : nucléaires, biologiques et missiles balistiques) et résolu à relever des défis (assister les États fragiles et faillis, faire face aux crises et conflits régionaux), l'OTAN se veut une organisation internationale prête à engager un dialogue avec l'autre, à l'assister sans pour autant s'ingérer dans ses affaires internes. Dans ce schéma, pour prévenir les nouveaux risques, la guerre du renseignement reste la clé de voûte pour maîtriser les nouvelles menaces qui pèsent sur la sécurité du monde. Pour la stabilité de la Méditerranée Consciente de l'importance de la stabilité de la sécurité en Méditerranée pour l'Europe, l'Alliance a lancé en 1994 le Dialogue méditerranéen. Selon les responsables de l'OTAN, ce dialogue, qui prouve la politique d'ouverture et de coopération menée par l'Organisation, a pour objectif de contribuer à la sécurité et à la stabilité de la région et surtout de dissiper chez les pays participants (Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Mauritanie, Maroc et Tunisie), les idées fausses véhiculées depuis longtemps sur l'Alliance. «Notre objectif depuis toujours est d'intensifier nos relations avec nos partenaires méditerranéens», a précisé l'amiral Di Paola. Ainsi, le Dialogue méditerranéen et son développement ultérieur reposent sur cinq grands principes : un processus évolutif en termes de participation et de contenu, une base bilatérale (OTAN+1), la non-discrimination, le renforcement d'autres efforts internationaux comme le processus de Barcelone de l'UE et l'autofinancement. Et afin de mieux examiner les questions liées à ce dialogue, des consultations politiques se déroulent régulièrement au niveau des ambassadeurs et au niveau opérationnel. Sur le plan sécuritaire, un planning annuel est élaboré conjointement par l'OTAN et les pays participants, visant notamment les formations et les coopérations militaires. Une réforme évolutive Outre le Dialogue méditerranéen, qui reste l'un des points amplement discutés lors de ce séminaire, le secrétaire général de l'OTAN a tenu à partager avec la délégation marocaine le nouveau concept stratégique adopté lors du Sommet de Lisbonne. «Lors de ce sommet, le plus important dans l'histoire de l'OTAN, nous avons décidé de moderniser et de renforcer l'Alliance, entamer une nouvelle phase en Afghanistan et renforcer notre partenariat avec la Russie. Notre objectif est que l'OTAN soit plus engagée et plus efficiente. Nous voulons tailler la graisse tout en renforçant les muscles», a souligné Rasmussen. Ainsi, la déclaration de Lisbonne prévoit, entre autres, une réforme de la structure de commandement, qui deviendra plus souple et plus agile grâce à l'élargissement des partenariats avec des pays et des organisations à travers le monde. À travers cette série de réformes, l'OTAN entend également réhabiliter son image auprès du grand public. Sa présence en Afghanistan par exemple reste encore mal digérée par des millions de personnes à travers le monde, notamment dans les pays arabes. D'ailleurs, Rasmussen a précisé que le retrait des troupes de l'OTAN de l'Afghanistan n'était pas d'actualité. «Il n'y a pas de retrait, mais plutôt une transition», affirme-t-il. Par ailleurs, le secrétaire général de l'OTAN a confirmé que l'objectif de cette réforme est de faire de l'OTAN un forum de discussions sur les enjeux internationaux. «Vous savez, nous ne sommes pas seuls face aux nouvelles menaces, c'est ainsi que nous ne pouvons pas les combattre seuls. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous appuyons sur des partenaires efficaces et nous développons nos relations avec les Nations-Unies, l'Union européenne, l'Union africaine...». Nous l'avons bien compris, l'Alliance atlantique est donc résolue à ouvrir une nouvelle page, basée plutôt sur un dialogue politique sérieux et consistant avec ses partenaires et surtout à faire comprendre que le côté militaire n'est pas sa seule raison de vivre. "Le succès en Afghanistan, c'est l'épreuve de vérité pour l'Otan". Mais que veut dire succès? Si le président afghan, Hamid Kharzai, affirme que "le succès est en vue » et que son pays a été "libéré des terroristes qui l'occupaient", les alliés restent divisés sur l'objectif ultime qu'il faut poser et le temps qu'il faudra y consacrer. S'agit-il de fixer sur place la menace terroriste? De reconstruire le pays? De transmettre le fardeau de la lutte contre les taliban à une armée afghane mieux formée? Ou encore de passer un compromis avec les taliban? Ces questions restées sans réponse gênent la conduite des opérations. Quel sera le visage de l'Alliance pour les 10 prochaines années? La cohésion est désormais renforcée entre les 28 pays membres malgré des querelles qui ressurgissent et plusieurs clivages qui réapparaissent au sein de l'Alliance atlantiqueavec l 'élargissement et le précédent de la crise irakienne! L'ex-secrétaire américain à la défense, Donald Rumsfeld, avait fustigé, à l'approche du renversement de Saddam Hussein, les pays de la "nouvelle Europe" - les Etats d'Europe centrale, principalement, libérés du joug communiste et appuyés par les Etats-Unis et le Royaume-Uni - contre ceux de la "Vieille Europe" - Allemagne et France, pour l'essentiel. Or, en bataillant contre une adhésion rapide de la Géorgie et de l'Ukraine à l'OTAN, Berlin et Paris ont suscité à nouveau la colère américaine. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy s'accordent à juger que la délivrance d'un MAP (Membership Action Plan), qui ferait avancer formellement ces deux pays sur la voie de l'adhésion, serait perçu comme une provocation vis-à-vis de Moscou. Les deux Européens, même s'ils sont favorables sur le principe de l'élargissement, jugent le moment inopportun. Le président de Lettonie, Valdis Zatlers, n'est pas d'accord: "L'expérience prouve que nos relations se sont améliorées avec Moscou après notre adhésion à l'Otan", souligne-t-il. Il n'y a pas que les Etats baltes qui soutiennent les progrès dans la demande d'adhésion pour la Géorgie et l'Ukraine: l'Europe centrale et orientale membre de l'Otan les réclame aussi. Pour les processus politiques lancés avec les pays de la rive sud comme le Dialogue méditerranéen ou l'Initiative d'Istanbul, ils peuvent toujours attendre. Visiblement, l'Alliance, qui se projette à l'horizon 2020, est beaucoup plus préoccupée par sa relève. Et c'est plus que légitime pour une organisation qui a survécu à la fin de la guerre froide et qui compte faire sa mue pour résister aux aléas de la mondialisation que les alliés d'hier se sont imposés aujourd'hui. L'OTAN entend concrétiser l'objectif de se faire “connaître à des populations qui en savent peu à son sujet et qui doutent peut-être de son intérêt pour leur existence”. Mais le message peut être perçu différemment au sein des pays de la rive sud qui y voient une forme de repli sur soi et d'exclusion de tous ceux qui ne sont pas dans l'espace judéo-chrétien. Du coup, ce sont des initiatives à l'exemple du Dialogue méditerranéen qui se retrouvent reléguées au second plan alors que les espoirs de voir ce processus remplacer la défunte UPM de Sarkozy étaient de plus en plus vivaces. Ce qui semble ne pas être pour l'heure le cas, vu que les divergences d'approche sur les dossiers de la rive sud ne sont pas levées ou du moins atténuées. L'OTAN, la récession et la tentation du repli sur soi ? L'OTAN, qui veut maintenir son rôle de pivot dans la stabilité mondiale, a décidé d'intégrer la dimension sociale dans sa stratégie en reconnaissant clairement que la force militaire ne peut à elle seule régler les conflits. Soit. Mais il s'agit de savoir aujourd'hui si cet objectif ne risquerait pas d'être compromis par les effets de la crise financière internationale qui continuent encore à menacer la stabilité de beaucoup de pays dans le monde, y compris des Etats membres de l'Alliance. L'OTAN le reconnaît pourtant en affirmant que “la vigueur de l'organisation pourrait tout aussi bien être sapée de l'intérieur. La complexité croissante de l'environnement politique mondial pourrait éroder la cohésion de l'Alliance, les maux économiques pourraient détourner l'attention des besoins sécuritaires ; d'anciennes rivalités pourraient bien refaire surface et un déséquilibre entre les contributions militaires de certains membres et celles d'autres alliés pourrait réellement être dommageable”. Le constat est établi par les experts chargés de plancher sur le nouveau concept stratégique et qui recommandent d'ailleurs implicitement à l'Alliance une sorte de repli sur soi pour conserver ses ressources pour les intérêts bien compris des pays membres. “Les Etats membres ne peuvent laisser les dangers du XXIe siècle accomplir ce que les périls du passé n'ont pu faire : diviser leurs dirigeants et diluer leur détermination collective. Le nouveau concept stratégique devra donc préciser à la fois ce que l'OTAN devrait faire pour chaque allié et ce que chaque allié devrait faire pour l'OTAN”. Le plan 2010-2020 Le nouveau concept stratégique repose sur des idées déjà connues tout en intégrant un certain nombre de paramètres liés aux nouvelles menaces qui planent sur la sécurité mondiale dont le terrorisme, la cybernétique, la sécurité énergétique et les armes de destruction massive. Il s'agit de la réaffirmation de l'engagement fondamental de l'OTAN en matière de défense collective, se protéger contre les menaces non conventionnelles, fixer les principes directeurs des opérations extérieures de l'Alliance, réunir les conditions de succès en Afghanistan, se consulter pour prévenir ou gérer les crises, renforcer le partenariat, participer à une approche globale des problèmes complexes, l'engagement avec la Russie, maintenir la porte ouverte et renforcer les capacités nouvelles pour une nouvelle ère de transformation militaire et de réforme. Le nouveau concept vise également à intégrer le bouclier antimissile proposé par Obama afin de “répondre à la menace d'une attaque balistique de l'Iran”, ce qui de l'avis de beaucoup de spécialistes européens signifie la fin de l'autonomie de défense européenne au profit d'un projet US, vieux de 20 ans. Il sera également question de répondre au danger croissant de cyber-attaques, de réformer pour développer l'agilité de l'Alliance et enfin “d'expliquer l'OTAN, sa vision et sa raison d'être”. Deux concepts finalement qui seront pendant les dix prochaines années objet de sensibilisation mais aussi objet de controverses avec les pays tiers tant que le dialogue politique tant prôné et souhaité ne trouve toujours pas un début de concrétisation sur le terrain des réalités géopolitiques du Maghreb et du Moyen-Orient. « La complexité croissante de l'environnement politique mondial pourrait éroder la cohésion de l'Alliance», soulignait dans son rapport le groupe d'experts chargé par l'Organisation Atlantique Nord (OTAN) de lui faire l'esquisse d'un nouveau concept stratégique. Lancés en septembre 2009, les travaux de ce groupe ont traité de questions relatives au fonctionnement et à la finalité de l'OTAN sur la base de larges débats avec des spécialistes et des responsables civils et militaires «à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Alliance». Les experts ont remis leur rapport au secrétaire général de l'OTAN le 17 mai dernier. Il n'est pas fortuit que le groupe d'experts soit présidé par l'Américaine Madeleine K. Albright, étant donné que les politiques menées par l'organisation atlantiste restent fortement imprégnées par les visions va-t-en-guerre des Etats-Unis. «Le 11 septembre a révélé le lien mortifère entre technologie et terreur, déclenchant une réponse qui a projeté les troupes militaires loin de leurs bases, qui a mis en lumière la nécessité de partager à temps le renseignement et qui a rendu la planification de défense plus complexe», estiment les experts en préambule. Ce sont donc les attentats qui ont été perpétrés en Amérique qui poussent aujourd'hui les Atlantistes à revoir leur feuille de route. C'est aussi leur débâcle en Afghanistan qui les renvoie dos à dos sans qu'aucun d'entre d'eux n'ose reprocher aux Etats-Unis de les avoir engagés dans une guerre sans issue. «L'OTAN a besoin d'un nouveau concept stratégique parce que le monde a considérablement changé», écrivent les experts en estimant qu'ainsi l'occasion lui sera offerte de faire connaître l'Alliance «à des populations qui en savent peu à son sujet et qui doutent peut-être de son intérêt pour leur existence». Le nouveau concept stratégique devra, selon eux, «être également l'occasion pour chaque Etat membre de renouveler ses vœux». Ils pensent que «si les menaces sur les intérêts de l'Alliance viennent de l'extérieur, la vigueur de l'organisation pourrait tout aussi bien être sapée de l'intérieur». Sa cohésion pourrait donc être érodée parce que «les maux économiques pourraient détourner l'attention des besoins sécuritaires» ou alors «d'anciennes rivalités pourraient refaire surface et un déséquilibre entre les contributions militaires de certains de ses membres et celles d'autres Alliés pourrait réellement être dommageable». L'OTAN fait actuellement face à des difficultés financières en raison du refus de certains de ses membres de contribuer davantage dans le soutien matériel qu'exige d'elle la guerre qu'elle mène en Afghanistan. Beaucoup d'entre eux ont d'ailleurs hésité à augmenter leurs troupes dans la région et parlent de stratégie de «retrait» de celles qu'ils ont déployé sur place depuis de longues années. Les difficultés économiques vécues par beaucoup de pays occidentaux obligent certains des membres atlantistes à refuser «de payer» pour ne pas, disent-ils, provoquer la banqueroute de leurs économies. L'Alliance tient cependant à ce que son nouveau concept soit élaboré sur la base de «fondamentaux constants», entre autres, sa fonction centrale qui doit sauvegarder, «par des moyens politiques et militaires, la liberté et la sécurité de tous ses membres» ; son lien transatlantique «qui unit de façon permanente la sécurité de l'Amérique du Nord à celle de l'Europe» ; l'indivisibilité de la sécurité de tous les Alliés, à savoir «une attaque contre l'un d'eux est une attaque contre tous» et «un partage équitable entre ses membres des rôles, des risques et des responsabilités, tout comme les avantages». Les Atlantistes résument leur nouvelle conception du monde d'ici à 2020 par le slogan: «Une sécurité assurée ; un engagement dynamique». Leurs objectifs reposent sur la défense collective et la protection contre les menaces conventionnelles. L'Alliance s'oblige, dans cet ordre d'idées, à fixer les principes directeurs de ses opérations extérieures pour ne pas tomber dans un bourbier comme celui de l'Afghanistan. Les objectifs atlantistes d'ici à 2020 Les experts estiment en effet que l'expérience des Alliés en Afghanistan «met en évidence nombre de principes qui devront figurer dans le nouveau concept stratégique et notamment le besoin de cohésion au sein de l'Alliance, le bien-fondé d'un commandement unifié, l'intérêt d'une planification et d'une diplomatie publiques efficaces, la pertinence d'une approche civilo-militaire globale et la nécessité de pouvoir déployer des forces à distance stratégique sur une période prolongée». On relève dans le rapport, entre autres importants objectifs, la nécessaire consultation «pour prévenir ou gérer les crises», l'ouverture d'une nouvelle ère de partenariats parce que d'ici 2020, l'OTAN estime qu' «elle n'opérera généralement pas seule»; l'engagement avec la Russie au sujet duquel les experts relèvent que «le conseil OTAN Russie n'a pas toujours été employé à bon escient». Ils tiennent à noter que «même si l'Alliance ne représente pas une menace militaire pour la Russie et qu'elle ne considère pas non plus la Russie comme une menace militaire, des doutes persistent des deux côtés quant aux intentions et aux politiques de l'autre». La politique nucléaire que les Atlantistes pensent initier, conformément au nouveau concept stratégique qu'ils veulent adopter, devra reposer, selon les experts, sur le principe que «tant qu'il y aura des armes nucléaires, l'OTAN devra maintenir des forces nucléaires sûres et fiables». Un principe que quelques-uns de ses membres rejettent. Bien que la question de l'Afghanistan, les contributions financières ou la révision de la politique nucléaire divisent les Atlantistes, leur secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, refuse de le reconnaître. «La cohésion est excellente M. Rasmussen souligne, concernant les dépenses de défense en cette période d'austérité économique, les récents événements intervenus en Égypte et en Tunisie et sur les prochaines étapes du transfert de la responsabilité principale aux Afghans que « les événements intervenus en Égypte et en Afrique du nord nous rappellent opportunément que nous ne pouvons considérer la stabilité comme acquise, même dans notre voisinage immédiat ». Pourquoi l'OTAN doit devenir une instance plus efficace pour le débat politique. Depuis des décennies, il est communément admis que l'asymétrie croissante entre la puissance militaire des États-Unis et celle des Alliés de l'OTAN pose un grave problème pour les relations sécuritaires transatlantiques. Après tout, les Alliés qui ne peuvent plus coopérer militairement risquent d'entraîner également une division politique. Préserver l'aptitude des Alliés à apporter des contributions militaires significatives aux opérations communes demeure donc une priorité essentielle. Des événements très récents révèlent cependant que, à elle seule, la transformation militaire ne suffit pas. Les nouvelles menaces, le caractère changeant des nouvelles missions de l'OTAN et l'émergence de nouveaux acteurs dans le domaine de la sécurité exigent des Alliés qu'ils approchent la transformation de l'Alliance de manière plus complète. Si l'OTAN veut maintenir son rôle de cadre essentiel pour la coordination transatlantique et l'action commune, elle doit compléter sa transformation militaire par une nette orientation dans le sens d'un débat politique plus fréquent et plus franc. En d'autres termes, l'Alliance doit devenir plus politique. Plaider en faveur d'une OTAN plus politique ne revient pas à nier les nombreux accomplissements politiques de l'Alliance. A l'époque de la Guerre froide, l'existence même de l'OTAN excluait non seulement tout changement par la force du statu quo politique en Europe, mais elle rejetait également l'utilisation politique par l'Union soviétique de sa puissance militaire. Le cadre de l'OTAN facilitait également la réconciliation des anciens adversaires. Ajoutons que la consolidation de l'Europe après la fin de la Guerre froide, par le biais du processus d'élargissement de l'OTAN et ses différents mécanismes de partenariat, a surtout constitué une réussite politique. Toutefois, même si l'Alliance continue à faire fermement partie de l'ordre politique euro-atlantique, le nouvel environnement sécuritaire contraint les Alliés à parvenir à une compréhension plus claire du contexte politique au sein duquel l'OTAN évolue, tout en cherchant à davantage l'influencer. Le débat sur les nouvelles menaces La campagne aérienne au Kosovo a révélé des lacunes importantes dans les capacités militaires européennes et a accru les préoccupations de longue date selon lesquelles des capacités militaires divergentes peuvent devenir une source majeure de frictions politiques. Cette analyse s'est avérée justifiée immédiatement après les attaques terroristes du 11 septembre contre les États-Unis, mais – une fois encore – Washington n'utilisa pas l'Alliance dans la mesure où certains l'avaient espéré, ce qui ne sembla que renforcer les arguments en faveur d'une réforme militaire de l'OTAN. La controverse sur l'Iraq au printemps 2003 a toutefois fait clairement apparaître une image suffisamment claire de la réalité transatlantique. A travers de graves frictions dans la communauté transatlantique, y compris au sein de l'OTAN, ne résultant pas d'asymétries en matière de puissance militaire, mais bien d'une asymétrie quant à la perception de la menace. A un niveau général, les partenaires transatlantiques étaient d'accord pour considérer que le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et les Etats en déliquescence nécessitaient des approches nouvelles. Toutefois, la stratégie spécifique choisie par Washington, à savoir le recours à la force pour combattre la prolifération en modifiant le statu quo politique en Iraq, allait au-delà de ce que certains Alliés considéraient comme légitime. Bref, la plus grave rupture du consensus sécuritaire transatlantique et la crise la plus profonde de l'histoire récente de l'OTAN n'ont pas résulté d'un manque de puissance militaire collective, mais de divergences politiques fondamentales quant à son utilisation. Même s'il se peut que l'Iraq demeure un cas unique, il a mis en lumière la nécessité de générer un consensus sécuritaire transatlantique plus large et plus solide. L'éventail des questions sécuritaires actuelles, allant du recours préventif à la force à l'avenir du régime de non-prolifération nucléaire, ne permet plus de commodément considérer que les Alliés parviendront toujours à des réponses similaires. Il se pourrait fort bien que des débats suscitant des controverses sur la nature des nouvelles menaces et sur les réponses appropriées deviennent la règle plutôt que l'exception. Parvenir à un consensus sera plus difficile. Dans ce contexte, la première dimension de la transformation politique de l'OTAN doit consister à offrir aux Alliés une instance pour un débat stratégique plus large. Dans la configuration actuelle, le dialogue politique à l'OTAN survient principalement au cas par cas et résulte de la nécessité de décisions portant sur des questions d'opérations, de missions ou d'une transformation militaire spécifiques. Cette approche a tendance à limiter la portée du dialogue politique au rôle de l'OTAN en tant que dispensateur de forces, plutôt que comme instance au sein de laquelle les Alliés élaborent des perspectives et des approches communes face à des questions plus larges. Les décisions de l'OTAN de soutenir la mission de maintien de la paix au Darfour de l'Union africaine et, plus récemment, de fournir une aide humanitaire aux victimes du tremblement de terre au Pakistan révèlent avec quelle rapidité un problème apparemment très éloigné peut devenir pertinent pour l'Alliance. Enfin et surtout, les Alliés doivent accepter que des discussions au niveau de l'OTAN ne se limitent pas à des sujets militaires, mais incluent également des questions présentant un intérêt politique commun. Si chaque débat au sein de l'OTAN était uniquement considéré comme un signe avant-coureur d'un engagement militaire, la discussion de nombreuses questions urgentes s'avérerait impossible. Le rôle de la politique dans les opérations Une autre raison militant en faveur d'une OTAN plus politique résulte de la nature des opérations militaires actuelles et futures de l'Alliance. La plupart de ces opérations sont des missions de stabilisation à long terme, qui se caractérisent par une interaction étroite entre des acteurs civils et militaires. Ces opérations exigent que l'OTAN recherche une coopération plus étroite avec d'autres institutions internationales, ainsi qu'avec des organisations non gouvernementales. Elles exigent surtout que l'OTAN ait droit au chapitre dans les processus politiques visant à assurer une paix autonome et qu'elle ne soit pas reléguée au rôle de simple fournisseur de troupes. Les émeutes au Kosovo du printemps 2004 rappellent très clairement la rapidité avec laquelle les troupes de l'OTAN peuvent devenir l'otage – et un bouc émissaire – de questions politiques sans réponse. Ces émeutes ont conduit à la création du Groupe de contact Plus sur l'avenir du Kosovo, au sein duquel l'OTAN exerce une influence politique distincte en plus de son rôle militaire. L'avenir de l'Afghanistan exige un large engagement similaire de l'Alliance. Tout cela permet de penser que l'OTAN a besoin de formuler une stratégie politique pour contribuer à modeler le contexte dans lequel elle opère militairement. La réussite des diverses initiatives de l'Alliance visant à promouvoir la coopération régionale dans le Sud-Est de l'Europe montre que l'Alliance est parfaitement capable de jouer un tel rôle. Même lorsque l'OTAN ne sera engagée qu'en tant qu'institution de sécurité apportant sa coopération, il sera essentiel qu'elle demeure informée du contexte politique régional. Cela s'avère approprié dans le cadre des relations de l'Alliance avec les pays partenaires, en particulier ceux du Caucase et de l'Asie centrale. Cela s'avère en outre particulièrement approprié dans le cadre du développement des relations de l'OTAN avec les pays du Moyen-Orient et de la région du Golfe, où une coopération militaire en apparence purement technique peut avoir des implications politiques majeures. Il n'y a rien d'étonnant à ce que le processus de paix au Moyen-Orient soit devenu un sujet de discussion accepté lors des réunions des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN. La nouvelle focalisation géopolitique de l'OTAN réclame une Alliance disposant d'une solide expertise régionale. Dans les années à venir, l'OTAN devra acquérir cette expertise, en développant les compétences appropriées au sein de l'Organisation et en impliquant des experts extérieurs. Tendre la main aux nouveaux acteurs La troisième raison militant en faveur d'un rôle plus politique de l'OTAN résulte de la modification de l'environnement institutionnel et, en particulier, de l'émergence de l'Union européenne en tant qu'acteur militaire indépendant. Le fait que l'Union européenne présente une dimension militaire distincte constitue le changement institutionnel le plus profond intervenu au sein de la communauté sécuritaire transatlantique depuis sa création, voici près de soixante ans. Cela signifie que dix-neuf des vingt-six Alliés actuels de l'OTAN s'organisent désormais dans un cadre qui englobe également la sécurité et qui mène son propre dialogue avec Washington. Afin d'éviter les rivalités et la concurrence dans ce contexte complexe, l'OTAN et l'Union européenne doivent élaborer un partenariat stratégique qui dépasse largement leur coopération dans les Balkans et couvre l'éventail complet des défis sécuritaires modernes. A terme, cela pourrait mener à une relation qui permettrait non seulement à l'Union européenne de demander des ressources militaires à l'OTAN, comme c'est déjà le cas dans le cadre des accords « Berlin Plus », mais qui permettrait également à l'Alliance de bénéficier des capacités civiles uniques de l'Union européenne. Une relation plus structurée avec les Nations Unies représente un autre élément d'une OTAN plus politique. L'Alliance et les Nations Unies collaborent dans de nombreux domaines, mais la coopération pratique au niveau des théâtres contraste avec un manque de consultation politique au plan stratégique. Cette situation est cependant sur le point de changer. Alors que l'OTAN se révèle de plus en plus comme un catalyseur majeur des Nations Unies, une relation stratégique plus cohérente prend forme. Elle inclut des contacts plus réguliers entre les Secrétaires généraux des deux institutions et entre les membres de leur personnel. En plus d'établir des relations plus étroites avec des organisations majeures, l'OTAN renforcera également sa coopération avec d'autres acteurs nationaux importants, tels que l'Australie et le Japon, ainsi qu'avec la communauté non gouvernementale. Grâce à sa présence en Afghanistan et en Iraq, ainsi qu'à son implication dans des opérations au Soudan et au Pakistan, l'OTAN a finalement surmonté l'eurocentrisme qui a caractérisé l'Organisation pendant un demi-siècle. Au sein du nouveau contexte international, de telles relations ne peuvent plus être qualifiées de vestiges de l'impérialisme occidental, mais elles seront appréciées pour ce qu'elles sont : des ressources stratégiques à une époque qui exige des coalitions véritablement mondiales. Un débat amélioré Une OTAN plus politique ne va pas sans présenter des risques. Cela imposera des charges supplémentaires à une Alliance déjà lourdement pénalisée par les exigences opérationnelles au quotidien. Qui plus est, susciter plus de débats pourrait aussi entraîner davantage de divisions. Après tout, le dialogue ne facilitera pas toujours le consensus et pourrait même aggraver les fractures existantes. Certains feront valoir qu'une OTAN plus politique risque d'empiéter sur un domaine traditionnellement réservé à l'UE, en accroissant ainsi les tensions entre les deux organisations plutôt que de les faire diminuer. D'autres pourraient en outre prétendre que des questions vraiment fondamentales, comme la guerre en Iraq, échapperont toujours au dialogue. Il n'empêche qu'il n'existe aucune alternative réelle à une OTAN plus politique. Si l'Alliance veut maintenir son rôle qui consiste à modeler l'environnement stratégique élargi, elle ne peut se contenter de préserver sa compétence militaire. Elle doit également développer une identité politique plus affirmée. Une telle identité politique renforcée non seulement permettra à l'OTAN de mieux aligner ses contributions sur les efforts de la communauté internationale au sens large, mais elle devrait également contribuer à faire disparaître l'attitude partiale qui consiste à considérer les débats au sein de l'Union européenne et des Nations Unies comme la démonstration de la vitalité de ces instances et ceux au sein de l'OTAN comme un signe de la fin imminente de cette Organisation. Comme l'écrivait le philosophe français Joseph Joubert voici plus de deux cents ans : « Le but de la dispute, ou de la discussion, ne doit pas être la victoire, mais l'amélioration. »