Les huit pays les plus riches de la planète, réunis ce week-end en sommet au Canada, ont refusé d'abdiquer devant la montée en puissance des pays émergents représentés au sein du G20. A la fin de l'année dernière, nombreux étaient ceux, y compris certains responsables politiques, qui prévoyaient la disparition progressive du G8, en perte de légitimité dans un monde où les rapports de force sont bouleversés par la naissance de nouvelles puissances en Asie, en Afrique ou en Amérique latine. "Le G8 a montré qu'il est capable de concevoir des approches crédibles pour relever les défis de notre temps. Pendant plus de 30 ans, il a montré que sa volonté collective peut être un catalyseur puissant du changement durable et du progrès", ont toutefois conclu ce week-end les dirigeants américain, russe, japonais, canadien, britannique, français, allemand et italien à l'issue de leur réunion. "Le G8 est un format confortable pour discuter des questions politiques, de la sécurité internationale et de la coordination des politiques extérieure. Il a de l'avenir", a insisté dimanche le président russe Dmitri Medvedev. Les pays émergents, eux, devront se contenter pour l'immédiat de la place qui leur a été accordée au G20, intronisé principal forum de coopération économique international. Au Canada, un sommet du G8 a précédé celui d'un G20 et il sera difficile aux grandes puissances de combattre l'idée que le deuxième groupe n'a peut-être d'autre fonction qu'entériner les orientations du premier. En 2011, la France accueillera un sommet du G8 au printemps, un du G20 en novembre. La séparation des deux réunions flattera l'ego des nouveaux membres admis à participer à la gouvernance mondiale. Mais elle sera aussi la preuve que le G8 reste incontournable. "Le G20 a fait un superbe boulot pour contrer la crise économique mais il y a franchement des limites à ce que vous pouvez faire et obtenir dans un groupe de 20", a résumé le Premier ministre canadien Stephen Harper, pour qui les pays du G8 ont une capacité de réponse que d'autres n'ont pas. "Personne ne peut être surpris de voir que nous n'obtenons pas de consensus total au sein du G20 d'un jour sur l'autre", a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel. Autre défenseur ardent du maintien du G8, notamment parce que Pékin n'en fait pas partie, le Japon a proposé ce week-end d'y associer "au coup par coup"... la Chine. Une manière sans doute d'éviter les critiques à l'égard d'un club trop refermé sur lui-même. Le repositionnement global du G8 ne surprend pas Jenilee Guebert, spécialiste des instances internationales à l'université de Toronto, pour qui un partage des rôles avec le G20 n'est pas illogique. Juan Gabriel Tokatlian, professeur de relations internationales à l'Université argentine Di Tella, critique, lui, "une bureaucratie de vieux acteurs gardant le pouvoir de rebondir" sur la scène internationale. "Les Etats-Unis et l'Union européenne conservent un dialogue très fort et jugent préférable de reprendre les rênes" de la gouvernance mondiale, estime-t-il. Acteur majeur de la nouvelle scène internationale qui se dessine, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a renoncé en dernière minute à venir au sommet du G20 de Toronto. Officiellement en raison de graves inondations dans le nord-est de son pays. Pour Juan Gabriel Tokatlian, son absence pourrait toutefois aussi refléter une "certaine désillusion des émergents" à l'égard d'anciennes puissances peu disposées à partager leurs prérogatives, comme l'a montré la récente initiative restée sans lendemain du Brésil et de la Turquie pour atténuer la crise du nucléaire iranien.