La session d'octobre a pris fin dans une ambiance tumultueuse marquée par des polémiques institutionnelles et des réformes clivantes. Décryptage. C'est le clap de fin pour les parlementaires qui partent en vacances après une laborieuse session d'octobre, marquée par une avalanche de textes et de réformes clivantes. L'optimisme est au rendez-vous chez les Conseillers dont le président, Mohamed Ould Errachid, s'est dit satisfait d'un bilan "riche et diversifié". Même sentiment chez le président de la Chambre des Représentants, Rachid Talbi Alami, qui s'est félicité du bilan de la session écoulée.
La représentation nationale a adopté 42 textes, dont 4 propositions de loi et 38 projets de loi, selon les chiffres dévoilés pendant la séance de clôture. Preuve en est, d'après lui, que 99% des textes soumis aux députés ont été adoptés. Une réponse implicite aux critiques de l'opposition qui reprochait auparavant au gouvernement de faire traîner les réformes.
En outre, selon M. Alami, 3.622 questions ont été adressées au gouvernement, dont 1.528 questions orales lors de 14 séances plénières. A cela s'ajoutent 2.094 questions écrites dont 1.168 ont donné lieu à des réponses reçues par la Chambre. Pour ce qui est des commissions, il y a eu 21 réunions, y compris des auditions de ministres, consacrées à l'examen de 35 sujets, et ce, à l'initiative des élus.
Tumulte et fureur à l'hémicycle
La session parlementaire prend fin dans une ambiance tumultueuse à l'hémicycle où l'opposition hausse le ton contre le gouvernement. La tension était palpable pendant la discussion du rapport annuel de la présidente de la Cour des Comptes. Les partis de l'opposition en ont profité pour fustiger l'Exécutif qui, selon leurs griefs, ne respecte pas assez les recommandations de la Cour de Zineb El Adaoui dont 44% sont pris en compte dans la mise en œuvre des politiques publiques.
Ce n'est pas le seul débat qui cristallise les tensions entre la majorité et l'opposition qui ont eu plusieurs accrochages pendant les sessions parlementaires sur plusieurs points. Le dernier en date concerne le boycott du vote de la loi n° 97.15 relative à la définition des conditions et des modalités d'exercice du droit de grève par le groupe parlementaire de l'UMT à la Chambre des Conseillers qui n'a pas été du goût de certaines leaders de la Majorité, dont Rachid Talbi Alami qui a critiqué ce geste qu'il considère comme "une trahison".
Un propos qui n'a pas manqué de susciter une énième polémique à l'hémicycle au grand bonheur d'une opposition tellement affaiblie politiquement qu'elle ne rate aucune controverse pour se faire remarquer. Lors de la séance plénière de clôture, Alami a assuré ces propos qu'il a pris soin de nuancer. S'abstenir de voter un texte législatif est, selon lui, tellement déplacé qu'il serait préjudiciable à l'esprit de la Constitution. D'où la pertinence du débat sur la légalité du retrait d'une procédure de vote. Dans son esprit, un parlementaire est investi d'un mandat et élu pour représenter la voix de ses électeurs de la façon qu'il souhaite. De là à boycotter un vote, ce serait, selon lui, une forfaiture. Tout en répétant qu'il ne visait personne en particulier, il a fait savoir qu'il ne faisait qu'ouvrir le débat et s'est dit favorable à ce que la Cour des Sages donne son avis.
Droit de grève : Vivement la Majorité !
Ce débat qui ne manquera pas de prendre beaucoup d'ampleur dans les jours qui viennent n'est qu'un reflet du bras de fer sur la loi sur le droit de grève, enfin votée au Parlement après des années de négociation ardue entre le gouvernement et les syndicats.
Malgré un long marathon de discussions, l'Exécutif a fini par user de la légitimité à l'hémicycle pour trancher le débat faute de consensus syndical. Voté par les Conseillers à l'issue d'une séance tendue dont s'est retiré le groupe de l'UMT, le texte a été adopté, le lendemain, en deuxième lecture par les députés lors d'une séance désertée par 291 d'entre eux, ce qui a interloqué les observateurs.
Cette loi tant attendue demeure la plus importante réalisation de cette session parlementaire puisqu'elle comble un vide qui a duré une soixantaine d'années durant lesquelles le Maroc est resté dépourvu d'une loi encadrant un droit constitutionnel. Pour l'Exécutif, il fallait avancer même si les syndicats continuaient de s'y opposer, en dépit des multiples concessions accordées. Le ministre de tutelle, Younes Sekkouri, a estimé que tout a été fait pour que le texte soit le plus favorable possible aux salariés. Le patronat, pour sa part, a voté pour un texte dont il n'est pas 100% satisfait, selon des sources patronales sollicitées par "L'Opinion". Quoiqu'il en soit, maintenant, la loi est votée et devrait achever son circuit législatif une fois validée par la Cour constitutionnelle.
Par ailleurs, la session parlementaire a été marquée par le débat enflammé sur la réforme de procédure civile. Le texte porté par le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi a révolté les avocats qui lui ont déclaré la fronde pendant des semaines avec des grèves répétitives. Finalement, le texte jugé attentatoire au procès équitable par les robes noires a été voté par les députés et transmis aux Conseillers qui semblent avoir besoin de plus de temps que prévu pour trancher. Le texte est si complexe qu'il faut un examen approfondi. Les parlementaires en profitent pour solliciter les lectures de tous les acteurs concernés, notamment les avocats avec qui Abdellatif Ouahbi a relancé le dialogue.
Maintenant, la pause est une occasion pour la représentation nationale de prendre le recul nécessaire avant d'aborder les prochains défis. La prochaine session printanière s'annonce tout aussi laborieuse. Des textes d'une grande importance sont attendus tels que la réforme du Code de la famille qui devrait bientôt atterrir au Parlement. Idem de la réforme de la procédure pénale qui devrait également susciter autant de débat et de divergences que la procédure civile.
Le gouvernement face à la pression du temps !
Par ailleurs, confronté à la pression du temps qui joue contre lui, le gouvernement fait la course contre la montre pour renverser la courbe du chômage qui demeure l'un des points noirs de son quinquennat. Le marasme est si grave que le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a dû rendre des comptes aux députés sur sa stratégie. Il s'est montré optimiste et très convaincu de la capacité des 14 milliards mobilisés à cet effet à changer la donne. Aujourd'hui, nous en sommes à 13% selon les estimations qui varient au gré des calculs des institutions compétentes.