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«Après une longue hibernation, l'OCE s'achemine à devenir un acteur de production de la croissance économique et du développement humain»
Entretien avec M. Najib Mikou, Directeur Général de l'OCE
Publié dans L'opinion le 11 - 02 - 2010

L'Office de commercialisation et d'exportation (OCE) est entrain de vivre sa renaissance après sa longue léthargie subie depuis la libéralisation du secteur d'exportation en 1986. Depuis un an et demi, tout un travail de prospective a été mis en branle pour mettre au point une «thérapie»de restructuration de l'Office et arrêter une stratégie de relance résolument tournée vers l'avenir. L'objectif est de faire de l'Office «le Sogo Shosha des petits et moyens producteurs» selon les propres termes de son Directeur Général, le dynamique Najib Mikou, qui détaille, dans l'entretien qui suit, la démarche adoptée et les finalités arrêtées. Entretien.
L'Opinion: Vous été nommé à la tête de l'OCE
en aout 2008, quel état des lieux à votre arrivée ?
Najib Mikou: Il relève de la tautologie de rappeler ici que l'OCE est passé ces 10 dernières années par une forte turbulence due à un problème de positionnement et par conséquent, de grand manque de visibilité.
Certes, une thérapie multidimensionnelle lui a été prescrite depuis 2005 déjà, par la Commission Inter-ministérielle présidée par Monsieur le Premier Ministre, mais elle a pris beaucoup de retard dans son exécution et eu plus l'allure d'une liquidation que d'une restructuration, dans la mesure où les actions entreprises ont plutôt concerné des départs volontaires et les liquidations de biens que des actions d'ouverture sur les nouvelles perspectives retenues.
L'Opinion: Qu'avez-vous fait face à cela ?
Najib Mikou: L'effort entamé depuis un an et demi maintenant a porté quasi exclusivement sur la partie ‘'perspectives'' de la thérapie de restructuration de l'OCE, donc sur l'avenir. Une étude stratégique est réalisée aujourd'hui par un Cabinet marocain de renom, avec toutes ses déclinaisons en plan stratégique, en plans opérationnels sur cinq ans, en business plans, ainsi qu'en budgets prévisionnels sur les 5 prochaines années.
Un dispositif de gestion est en phase finale de validation avec le Ministère de l'Economie et des Finances, dont un nouvel organigramme, un nouveau statut du personnel, un règlement des marchés, un manuel de procédures administratives et comptables et un manuel de fonctions et de postes.
En outre, un nouveau système d'information assurant fiabilité, diligence, transparence et traçabilité, confié à un grand Cabinet marocain, est dans une phase avancée de son élaboration et de sa mise en place. Un site web interactif est également à la clé.
Et sachant bien que l'action entreprise doit porter sur l'ensemble du ‘'Groupe'' et pas seulement sur l'OCE, une restructuration lourde des filiales de l'OCE est en bonne marche, consistant en la liquidation de toutes les sociétés boiteuses et trainant des problèmes juridiques et financiers, et la création d'un pôle de valorisation autour du corps sain de ces filiales, à savoir Socamar, qui regroupera des ‘'Maisons de l'Agrégé'' sous forme de stations de conditionnement et de plateformes de collecte et de valorisation.
Toutes ces structures sont ouvertes au capital privé, seront regroupées dans un même siège social, celui de l'OCE, et disposeront d'un même staff de gestion administrative et financière pour mutualiser un certain nombre d'actes de gestion et de charges, dans l'objectif de disposer d'un groupe suffisamment performant pour être efficace et suffisamment ramassé pour être compétitif.
Bien plus, une consultation internationale a été tout récemment lancée auprès de cabinets spécialisés, pour doter l'OCE d'un nom commercial et d'une nouvelle identité visuelle.
Tous les indicateurs convergent aujourd'hui pour annoncer que l'OCE est fin prêt pour recevoir de nouveaux moyens et porter la nouvelle stratégie qui devait être la sienne d'ailleurs, depuis la libéralisation du secteur d'exportation en 1986, à savoir être le Sogo Shosha des petits et moyens producteurs.
L'Opinion: Quelle est donc la nouvelle stratégie de l'OCE ?
Najib Mikou: Il faut dire à ce propos que les stratégies sectorielles élaborées par le Gouvernement de SM le Roi durant ces trois dernières années, et plus particulièrement l'INDH, le Plan Maroc Vert, le Plan Emergence, le plan Maroc Export Plus, donnent aujourd'hui, une consistance réelle au rôle de l'OCE.
L'Agrégation des petits producteurs, l'agrégation de leur offre, la mutualisation de leurs besoins, leur accompagnement et orientation par rapport aux besoins et exigences des marchés, la valorisation de leurs productions, la préparation des moyens logistiques et la commercialisation de leurs productions, aussi bien sur le marché local, à l'exportation qu'à travers l'approvisionnement des industries de transformation, est une véritable occasion pour notre pays de mobiliser des potentialités de production dormantes pour répondre à des opportunités de marché grandissantes, offertes par les accords bilatéraux signés par notre pays et restés jusqu'à présent peu exploités.
L'Opinion: Et les objectifs escomptés de cette stratégie ?
Najib Mikou: L'OCE est en train de finaliser une quinzaine de projets d'agrégation avec les services du Ministère de l'Agriculture dans différentes régions et filières, dont le dénominateur commun consiste en des zones à fort potentiel de production, à grande concentration humaine, en grande difficulté et pouvant fournir des productions très peu développées jusqu'à présent. Ces projets sont localisés de l'Oriental jusqu'au Sahara Marocain.
Le Plan stratégique retenu par le dernier Conseil d'Administration de l'OCE prévoit une configuration sur les cinq prochaines années d'un potentiel de produits agrégés de plus de 500.000 T, dont 300.000 T à l'export, avec 80% de ces quantités jamais exportées auparavant et juste 45% de produits conventionnels, 100.000 T sur le marché local, auprès des GMS et des marchés de gros, et 100.000 T pour l'approvisionnement des industries de transformation.
Dois-je rappeler ici que l'un des problèmes majeurs de notre industrie alimentaire réside dans la problématique de son approvisionnement, ce qui en fait aujourd'hui des structures qui tournent à 40% de leur capacité. L'agrégation pour l'approvisionnement est une réponse forte à cette lacune, qui permettra de mobiliser ce potentiel industriel dormant, pouvant générer le doublement de nos exportations alimentaires sans le moindre investissement nouveau.
L'Opinion: Quels sont alors les créneaux ciblés ?
Najib Mikou: L'OCE, commercialisera des produits biologiques, des produits de commerce équitable, des produits du terroir, des produits exotiques, des produits conventionnels très peu exportés aujourd'hui, sur lesquels il y a un appel de marché significatif. Bref, principalement des produits nouveaux, des produits de niche, qui mobiliseront des milliers de petits producteurs aujourd'hui à court de visibilité et créeront beaucoup d'emplois.
Ceci pour dire que la relance de l'OCE n'intervient pas pour se mettre en concurrence avec les opérateurs privés déjà existants. l'OCE ne se revendique donc, ni concurrent ni conquérant ni encore moins nostalgique ; l'OCE ne devant se tromper ni de stratégie, ni d'époque, la libéralisation est un acquis pour notre pays, elle nous a permis de réaliser des prouesses qui honorent leurs initiateurs et acteurs.
L'Opinion: Comment allez-vous agir et avec quel dispositif légal ?
Najib Mikou: Pour ce faire, les quantités valorisées par l'OCE se feront à 25 % dans ses propres infrastructures de valorisation ouvertes sur le capital privé. Tout le reste sera valorisé dans un cadre contractuel de partenariat avec des infrastructures appartenant à des opérateurs privés déjà implantés dans les régions de son intervention, mais un grand nombre d'entre elles sont aujourd'hui tout simplement fermées.
Pour ce faire, l'OCE devra être doté de kits de financement novateurs, conséquents et appropriés à la population cible.
Pour ce faire, l'OCE devra compter sur des partenariats stratégiques et sur des synergies porteuses d'efficacité et de gain pour notre pays. Un partenariat très ambitieux a été mis en marche depuis le début de cette campagne déjà, avec le Groupe OCP et Maroc Fruit Board. L'engagement de ces deux grands groupes auprès de l'OCE, est une marque de confiance qui est appréciée à sa juste valeur et qui exige de l'OCE persévérance, détermination et humilité pour se mériter.
Des partenariats de synergie ont également été conclus avec l'Agence de Développement du Sud, l'Agence de Développement Social, le Ministère de l'Economie et des Affaires Générales, et un espoir de partenariat est à l'étude avec l'INDH.
Pour ce faire, un projet de loi récemment élaboré, a été adopté en Conseil du gouvernement du 23 septembre dernier. Il est à une étape avancée de son approbation, et prévoit notamment la transformation de l'OCE en SA et l'ouverture effective de son Capital principalement aux petits et moyens producteurs agrégés par ses soins. Cette démarche est en elle-même très novatrice à l'échelle mondiale à double titre : elle érige le petit producteur en actionnaire impliqué au lieu d'être un fournisseur aliéné, et joint dans le même temps, utilité publique, ouverture au capital privé et rentabilité équitablement partagée.
L'Opinion: Le fait de s'occuper des petits producteurs ne constitue pas un terrain jonché de risques?
Najib Mikou: D'abord petit producteur ne rime nullement dans la nouvelle approche de l'OCE avec médiocrité, nivellement par le bas et évacuation. Toutes les productions agrégées par l'OCE, toutes les infrastructures de valorisation appartenant ou affiliées à l'OCE, seront certifiées aux exigences des marchés internationaux. Le Ministère du Commerce Extérieur y met tout son poids. Cette mesure va permettre à ces productions d'accéder aux marchés les plus exigeants et les plus rémunérateurs auxquelles elles ne pouvaient accéder auparavant.
Je conviens bien que l'agrégation de l'offre des petits producteurs n'est nullement aisée et qu'on se heurte déjà à de grandes difficultés occasionnées par différentes sources. Je peux vous confier ici qu'il y en a même qui considèrent l'action projetée par l'OCE une véritable aventure et ne font rien pour la soutenir ou beaucoup pour son échec, oubliant qu'il s'agit du succès ou de l'échec du Maroc et non pas de l'OCE qui n'en est qu'un des bras opérationnels. En tout cas rien, absolument rien ne sera ménagé pour que le défi soit relevé. La chance qui m'est offerte aujourd'hui par Sa Majesté de servir mon pays en est le moteur.
Notre pays n'a d'autre choix que de réussir ce beau et difficile défi, car on ne peut ni n'avons le droit de continuer à tourner le dos à un potentiel de production aussi énorme qui nous permettra de mettre à profit nos accords commerciaux internationaux, et à de si larges populations, à cause de la complexité de la tache.
Les stratégies Maroc Vert et Maroc Export Plus apportent une vision et des outils novateurs, motivants et mobilisateurs, qui sont en bonne partie justement conçus pour relever ce défi du regroupement de la petite et moyenne offre. Le nouveau plan stratégique de l ‘OCE ainsi que ses plans opérationnels s'y inscrivent totalement et nous comptons y recourir avec force pour contribuer à relever ce défi générateur de croissance économique et de développement social. Il y va du développement de notre pays.
Vous conviendrez bien que de telles ambitions ne peuvent être le propre ni d'un homme ni d'une seule structure. Elles sont l'ambition du gouvernement de Sa Majesté Le Roi qui décline à travers elle, l'une des volontés les plus fortes et constantes du règne de SM le Roi, consistant à apporter des solutions structurelles et pérennes aux populations vulnérables du monde rural, leur assurant un revenu digne, stable et durable, et à conquérir des points supplémentaires de croissance économique.
Pour y parvenir et être au rendez-vous des Hautes Aspirations Royales, l'OCE devra disposer des moyens nécessaires pour mener à bien sa nouvelle stratégie, dont je suis suffisamment conscient de la complexité, de la difficulté et des risques, mais également des attentes et des espoirs. L'élaboration d'un contrat-programme sur les cinq prochaines années, est programmée à très court terme pour fixer les engagements de résultats de l'OCE et les engagements de moyens de l'Etat.


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