Forces américaines et afghanes se préparent à la plus vaste offensive contre les taliban depuis la prise de fonctions de Barack Obama, il y a un an, afin de prendre le contrôle de leur dernier grand bastion dans la province méridionale insoumise du Helmand. Les "marines" projettent une action massive contre un labyrinthe de canaux tenus par les insurgés islamistes à Marjah, une opération dont ils espèrent qu'elle pourrait renverser le cours de la guerre, pour la première fois depuis la décision de la Maison blanche de renforcer l'an dernier de 30.000 hommes le contingent américain. Pour les autorités afghanes aussi, cette opération servira de test de leur capacité à rétablir rapidement l'autorité du régime de Kaboul sur une région qui échappe depuis des années à son contrôle. Le gouvernement du district de Marjah, Hadji Zaïr, qui visite régulièrement la zone mais n'y vit pas en raison de l'emprise des taliban, a déclaré que ses administrés réclament l'intervention des troupes internationales et afghanes. "Tous les jours, les gens demandent l'aide du gouvernement. Les anciens avec qui je suis en contact, les gens éduqués et les personnalités influentes réclament tous les jours que le gouvernement intervienne pour chasser les terroristes", a-t-il déclaré à Reuters. "Un grand nombre de taliban se trouvent à Marjah. Les habitants sont soumis au contrôle et à la pression des taliban et ne sont pas en mesure d'avoir beaucoup de contacts avec le gouvernement", mais ils sont au courant des projets de sécuriser leu ville grâce aux tracts largués, aux émissions de radio et aux réunions avec les chefs tribaux. Le général afghan Mohayedin Ghori, qui commande la brigade qui participera à cette opération, a déclaré qu'aucun policier ne se trouvait dans la ville et que les seuls uniformes qu'on y apercevait étaient ceux d'ennemis. Marjah, qui recèle un vaste réseau d'irrigation mis en place il y a plusieurs dizaines d'années dans le cadre d'une aide américaine au développement, est l'un des derniers lieux de la province la plus dangereuse d'Afghanistan encore administré par les taliban. Ils y règnent sur une population de 75.000 à 100.000 habitants. La reprise de la zone sera un test du potentiel militaire de l'Otan mais également de la crédibilité et de l'efficacité de l'armée afghane, dont l'Occident accélère la formation pour pouvoir se ménager un retrait en bon ordre du pays à partir du milieu de l'an prochain. "Si ce que nous faisons aujourd'hui n'implique pas demain les forces afghanes, que fait-on ici? Si tout ce qu'on fait contribue à les préparer, c'est la bonne façon de faire", a confie le général Larry Nicholson, commandant des marines dans le Sud afghan. Il prédit que de nombreux habitants influents de Marjah, considérant l'opération en cours de préparation inéluctable voudront se trouver du côté des vainqueurs et envisagent de se rallier aux autorités de Kaboul. "Lorsque le drapeau afghan flottera sur Marjah, ils ne voudront pas être considérés comme des sympathisants des talibans ni des parias." A Istanbul, le chef des forces américaines et de l'Otan en Afghanistan, le général américain Stanley McCrystal, a déclaré que la situation dans ce pays restait sérieuse mais estimé qu'elle n'était plus en cours de détérioration. Les Etats-Unis ont à nouveau pressé jeudi leurs alliés de l'Otan d'envoyer de nouveaux moyens humains en Afghanistan mais plusieurs pays, dont la France, sont pour l'instant restés muets sur leur volonté de répondre favorablement à cette demande. A Istanbul, où devait s'ouvrir jeudi soir une réunion des ministres de la Défense de l'Alliance atlantique, le secrétaire américain Robert Gates espérait convaincre ses homologues de dépêcher 4.000 militaires supplémentaires afin de préparer l'armée et la police afghanes à prendre en charge la sécurité du pays à partir de l'an prochain. "Je demande à ce que 2010 soit l'année des efforts maximum", a déclaré jeudi l'ambassadeur des Etats-Unis auprès de l'Otan, Ivo Daalder. "C'est une année pendant laquelle nous allons faire tout ce que nous pourrons pour qu'ensuite ce soit moins chargé (...). L'idée clé, c'est que plus nous accomplirons de choses en 2010, plus nous pourrons assurer la transition en 2011 et au-delà", a-t-il dit aux journalistes. Un membre de l'entourage de Robert Gates a ensuite fait valoir que les alliés devaient "saisir maintenant cette fenêtre de tir pour inverser la dynamique sur le terrain et pour placer les forces de sécurité afghanes en position de réaliser la transition en vue d'assumer la responsabilité de la sécurité". Un autre responsable américain de haut rang a de son côté estimé qu'il fallait "combler les trous" le plus tôt possible, signalant notamment une réunion en vue d'obtenir des contributions alliées organisée le 23 février.