L'un des survivants de la tuerie de Saïdia qui coûté la vie à deux franco-marocains, criblés de balles par les garde-côtes algériens en août 2023 à proximité du large de Saïdia, Ismail Snabi est revenu en France après avoir passé plus d'un an d'emprisonnement en Algérie où il a subi les pires supplices, la torture et un procès kafkaïen. Détails. De retour en France, Ismaïl Snabi a livré un témoignage accablant pour les autorités algériennes qui lui ont fait subir un traitement atroce. Arrêté le 29 aout 2023, lors d'une balade en Jet ski où il s'est égaré avec son frère et ses amis, Bilal Kissi, Mohammed kissi, et Abdelali Mchiouer dans les eaux algériennes près de Saïdia, il vécut un véritable cauchemar dans les geôles algériennes. Le témoin s'est confié à "Le Monde" sur l'enfer qu'il vient de vivre. Ce franco-marocain de 28 ans a purgé une peine d'une année de prison ferme où il était victime de torture. Dès qu'il a entendu la fusillade, il s'est plongé dans l'eau d'où il fut repêché par deux militaires qui, raconte-t-il, lui disent une phrase choquante quand ils l'ont vu en train de faire la chahada. ""T'es juif, pourquoi tu chahed ?" lui ont-ils dit, selon ses confidences. Il fut arrêté à 20 h 07, à environ 3,3 kilomètres au nord d'Oued Kiss. Ligoté, Ismail raconte avoir été plaqué au fond du bateau pneumatique. « J'ai une botte sur la joue, on me frappe, et on me demande si je suis allé en Israël », raconte-t-il, ajoutant : « Je ne comprends pas, je n'ai rien à voir avec ça ». Le témoin fut vêtu de son gilet de sauvetage, son short de bain bleu, avec une montre, son téléphone et une petite sacoche quand il fut ramené en Algérie. Au cours de l'interrogatoire, les autorités algériennes firent preuve d'une paranoïa inimaginable en lui posant des questions absurdes et délirantes. « On me redemande si je suis allé en Israël, si je bois de l'alcool, si je peux réciter telle ou telle sourate du Coran, rappelle-t-il. Puis, il fut roué de coups par les gardes algériens qui lui ont enfoncé la tête dans un sceau d'eau. "Je suis torturé quoi!", s'offusque-t-il. Ce n'est que le début des exactions dont il fut victime. Selon son témoignage, un agent lui a passé la flamme d'un briquet sous sa barbe. Des militaires se sont ensuite amusés à le prendre en photo avec « le jet criblé de balles » comme pour exposer un trophée ou un butin de guerre. « C'est là que j'ai compris qu'on nous avait tirés dessus », a-t-il poursuivi. A peine a-t-il vécu l'enfer au cours de l'interrogatoire qu'il dut éprouver le calvaire judiciaire. Le rescapé est jugé à l'issue de procès expéditifs. Dès le 30 août, il comparait immédiatement, toujours en short de bain, devant le juge avant d'être condamné à trois mois de prison ferme pour « entrée illégale ». La peine est confirmée en appel. Il fut également poursuivi pour « délit de contrebande d'un véhicule pour peu qu'il ait traversé la frontière maritime sans les documents du jet-ski, qui appartient à son ami Mohamed Kissi. Une accusation qui lui vaut 6 mois d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende. La peine fut allongée ensuite à un an de prison ferme en appel. Il apprend, alors qu'il fut sous les verrous, la mort de Abdelali Mchiouer. Les gardes algériens lui apprennent la nouvelle avec un cynisme macabre. un policier lui montre, sur son téléphone, la photo de son ami « allongé ». Puis, il apprit par son frère, venu le visiter en prison, la mort Bilal Kissi, tué par les gardes côtes. J'en ai pleuré jusqu'à épuisement, regrette-t-il. Loin d'être un prisonnier comme les autres, Ismail Snabi dit avoir été traité comme un otage. Il fut incarcéré dans quatre prisons différentes dans des conditions inhumaines. Il en perdit 30 kilogrammes. Il sortit de prison, le 28 août, moyennant 100 000 euros d'amende pour éviter de passer des années dans les geôles algériennes. « Je me suis endetté auprès de proches, je gagne 1.700 euros, confie Ismail Snabi. J'ai payé une rançon, j'étais otage. », raconte-t-il. A son départ, il fut menacé par les autorités algériennes qui lui ont interdit de parler de sa captivité en Algérie sous peine de représailles. "Si tu parles, n'oublies pas que tu as de la famille en Algérie", confie-t-il. Jusqu'à présent, M.Snabi ne s'est pas remis de l'horreur qu'il a vécue en Algérie qui a laissé des séquelles psychiques à tel point qu'il voit deux fois par semaine un psychiatre. « Je demande justice »,conclut-il. Selon Le Monde, la police française doit prochainement l'entendre dans le cadre d'une plainte pour homicides volontaires déposée par la famille Kissi. Pour rappel, tout a commencé vers 17h lorsque les quatre amis décidèrent d'aller en jet-ski au Cap de l'eau, village de pêcheurs situé à une vingtaine de minutes à l'ouest de Saïdia. Ils se sont arrêtés dans un restaurant de la plage. Puis, ils ont pris le chemin du retour et, soudainement, ils ont réalisé qu'ils ont raté leur itinéraire. Alors qu'ils se trouvaient dans les eaux algériennes surgit un bateau de garde-côtes qui leur sommaient de "foutre le camp" avant de tirer aussitôt des coups de feu qui touchèrent fatalement son frère Bilal et son ami, Abdelali Mchiouer. Contrairement à la version du ministère algérien de la défense, ils n'ont pas refusé d'obtempérer aux sommations des garde-côtes qui ont tiré sans leur laisser la moindre chance.