Par sa nature, la mer fut toujours associée à la notion d'aventure. Même aujourd'hui, alors que les distances sont abolies, et qu'on sait qu'il n'y a plus rien à découvrir au-delà des vagues, la mer conserve sa fascination et son mystère. Chacun se trouve mieux sur l'océan, consciemment ou non, que sur n'importe quel coin de la terre ferme, fut-ce eu un lieu de délices. Les grandes courses de voiliers à travers le monde passionnent encore les foules qui en suivent les péripéties sur les journaux, en écoutant la radio et en regardant la télévision. Les transports par mer restent lents. Malgré les progrès acquis depuis la marine à voile. Pour les voyageurs qui empruntent encore ce moyen, le bateau est un lieu privilégié où l'on contracte de nouvelles habitudes, et où les contacts humains prennent une autre dimension que sur terre, où tout va trop vite. Quand naît le cinéma, la navigation est encore le seul moyen de relier les continents les uns aux autres. Mais ce n'est pas un moyen habituel, courant. Ne voyage que celui qui s'y trouve obligé par ses fonctions. La plupart des continents n'ont jamais vu la mer, et ils ne l'imaginent que par les romans d'aventures, de Jules Verne à Pierre Loti, en passant par d'autres écrivains. La mer est même effrayante. parmi les premiers films jamais fixés sur pellicule, les frères Lumiere montrent des vagues, des bateaux sur ces vagues, voiliers ou barques : la porte de l'aventure imaginaire, qu'on pourra vivre devant un écran, est ouverte. Et dès les premiers films, qu'on tournera avec la mer et les bateaux en vedette, avec au cœur, une aventure humaine, ce n'est pas vers les transatlantiques que les cinéastes se penchent, mais sur la marine à voile et, à la rigueur, un peu plus tard, le sous marin. Les voiliers ont l'avantage d'être photogéniques. Les cameramen y trouvent toutes les occasions d'y exercer leur art en vues plongées ou contre plongées. On mettra des caméras sur du tangage et du roulis pour que le spectateur ait des sensations de mal de mer. Un bateau, ça bouge sans cesse et c'est beau. Tout y est aventure : que ce soit le labeur du pêcheur de harengs ou celui du chasseur de baleines. Le marin est un homme rude et sympathique. Mais il peut aussi se mutiner. Alors que va devenir le navire ? Tombera-t-il entre les mains des pirates qui sont aussi de hardis marins, mais sans pitié ? Vogue la galère et vogue l'imagination. Si l'on excepte « Le cuirasse potemkine » (1925) de Sergué Eisenstein où la rébellion à bord d'un navire de guerre, est directement politique, et pour cause, et que nous citons uniquement pour mémoire parce que cette œuvre exceptionnelle ne relève pas de l'aventure en mer, les plus belles des mutineries cinématographiques est sans contexte possible celle des « révoltes du Bounty » (1935) de Frank Lloyd. De prestigieux acteurs servaient cette œuvre inoubliable, Clark Gable, Charles Laughton, Franchot Tone. Tiré d'un célèbre roman de Nordhoff et Hall, lui-même inspiré par des faits authentiques survenus en 1787, ce film conte l'aventure du « Bounty » frété pour voguer vers Tahiti à la recherche de « l'arbre à pain » ce film eut un succès qui ne s'est jamais démenti, malgré le remake produit en 1960 par Marlon Brando et réalisé sous la direction de Lewis Milestone, sur un écran large et en couleur, puis un autre remake en avec Mel Gibson, sous la direction de Roger Doladson. Mais manque à ces deux dernières versions l'enthousiasme qui baignait la première. Milestin est Donaldson semblent avoir manqué de conviction, ayant sous doute davantage pensé à la technique et au spectacle, qu'en fond du problème exposé. Le film de Frank Lloyd reste unique et incomparable. « Révolte à Bord' (1946) de John Farrow, tout comme « Les mutines du téméraire » (1961) de Lewis Gilbert, n'ont pas atteint l'impact recherché. Par contre « Oragan sur la caine » (1954) d'Edward Dmytryk, remporta un succès très impressionnant malgré un sujet assez ambigu. N'empêche, c'est un film très fort et l'un des meilleurs du genre.