Face au blocage des négociations, les étudiants en médecine montent au créneau. Le bras de fer avec le gouvernement risque de s'enliser au risque de retarder davantage la rentrée universitaire. Détails. Les voies du dialogue ne semblent pas encore déblayées. Alors que les pourparlers entre les étudiants en médecine et la tutelle peinent à aboutir à un compromis, la bataille s'enlise. Maintenant, l'heure semble à l'escalade. Les étudiants, toujours insatisfaits des offres gouvernementales en dépit de l'entremise du Médiateur du Royaume, haussent le ton et passent à l'action. Dans la soirée du mercredi, ils étaient nombreux à manifester devant la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat face à une forte mobilisation des forces de l'ordre. La tension a été telle que les hordes de manifestants ont été dispersées, dont quelques-unes ont été interpellées. Selon un communiqué de la commission nationale des étudiants en médecine, 15 personnes parmi les protestants ont été arrêtées et d'autres blessées. La commission a imputé la responsabilité de ces événements regrettables au gouvernement qu'elle tient pour responsable de l'échec des négociations relatives au dossier revendicatif des étudiants qui traîne depuis des mois sans issue claire pour l'instant malgré les innombrables tentatives de médiation, y compris celles des parlementaires. Les discussions avec les futures blouses blanches sont bloquées tandis que les étudiants en pharmacie ont pu trouver un arrangement avec la tutelle.
Les quatre pommes de discorde ! En fait, les étudiants, qui s'efforcent toujours de boycotter les examens, jugent l'offre du gouvernement insuffisante et la qualifient d'une offre de rafistolage. Le gouvernement, rappelons-le, a présenté, début juillet, une offre exhaustive comportant plusieurs points sur la réforme du parcours de formation dans son ensemble. Il va sans dire que plusieurs concessions ont été faites du côté de l'Exécutif, c'est incontestable. Mais, les étudiants restent encore insatisfaits, voire dubitatifs. Ils se disent disposés à céder sur plusieurs points sauf quatre revendications sur lesquelles il est hors de question, pour eux, de transiger. La durée de formation reste la principale pomme de discorde. Ils exigent la révocation de la nouvelle durée des études réduite à six ans au lieu de sept. Ils y voient une mesure attentatoire à la qualité des études. Selon Yassir Derkaoui, président du bureau des étudiants en médecine de Rabat, l'un des porte-voix de la colère des étudiants, les ministères de tutelle n'auraient pas donné assez d'explications pour justifier le bien-fondé de cette décision que le ministre de l'Enseignement supérieur, Abdellatif Miraoui, juge évidente et s'imposant d'elle-même. Le ministre n'a eu de cesse de répéter, lors de ses sorties médiatiques, qu'elle n'impactera en aucune manière le parcours des études. Aux yeux du gouvernement, il s'agit d'emboîter le pas à plusieurs pays dont la durée de formation est manifestement plus courte que la nôtre. Cette réduction controversée est jugée, du point de vue de la tutelle, d'autant plus utile qu'elle permet d'augmenter le nombre des étudiants formés chaque année. Sous pression, l'Exécutif, dans le but d'avancer le plus rapidement possible dans la réforme du système de santé, veut former plus d'étudiants par an pour remédier, ne serait-ce que relativement, au déficit énorme et insoutenable des médecins. Il en manque aujourd'hui près de 32.000. A cela s'ajoute le retard difficilement rattrapable en termes de formation sachant qu'on est censé former 3000 médecins par an depuis 2007. Nous en sommes maintenant seulement à 1500. L'objectif est d'ores et déjà chiffré. Le gouvernement aspire abriter 20% de plus de médecins inscrits dans les Facultés de Médecine et de Pharmacie afin d'être en capacité de fournir 23 cadres pour 10.000 habitants, tel que vivement recommandé par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Lorsqu'il a présenté son deal aux étudiants, le gouvernement a voulu faire preuve de flexibilité sans renoncer à sa décision. Il a été proposé de mettre en place une nouvelle structure de formation en trois phases. La première est composée de six ans de formation en plus de 5000 heures, dont la moitié consacrée aux stages cliniques. « Pas question de céder à notre revendication pour des ajustements techniques », ont répondu les blouses blanches. En plus de cela, la tutelle a promis d'améliorer le statut de résident et les indemnités. Les étudiants revendiquent aussi une solution pour ceux qui ont été suspendus en raison du boycott et de la révocation des notes nulles. Yassir Derkaoui parle également des modalités de reprise. Une demande qui revient souvent dans les slogans brandis par les étudiants qui veulent s'assurer que le retour aux amphis se déroule dans de bonnes conditions. Cette revendication peut prêter à confusion puisqu'il s'agit là de l'un des malentendus les plus spectaculaires entre les protagonistes. Les étudiants estiment que les conditions dans lesquelles se déroulent les cours sont lamentables, surtout l'encombrement dans les amphithéâtres alors que le ministre de la Santé et celui de l'Enseignement supérieur ont déclaré, il y a quelques mois, lors d'une conférence de presse conjointe, que les salles sont souvent vides et assez grandes pour accueillir tout le monde. Ce point a été au cœur des négociations. Les étudiants s'opposent à la volonté du gouvernement d'augmenter les sièges pédagogiques sous prétexte de la capacité d'accueil insuffisante. Ils jugent que les Facultés n'ont pas assez de places pour accueillir de plus en plus d'étudiants, autrement, estiment-ils, la qualité de la formation ne peut qu'empirer. Face à un tel argument, le gouvernement a tenté de les rassurer en rappelant la construction de trois nouvelles Facultés et s'est engagé à élargir la capacité d'accueil des Facultés partout au Royaume.
Le flou total Jusqu'à présent, Abdellatif Miraoui se montre disposé à négocier. C'est en tout cas ce qu'il dit dans les médias sans parvenir à convaincre les étudiants. Les espoirs sont placés aussi dans le Médiateur du Royaume, dont le rôle a été salué des deux côtés. Mais sur le fond, les positions sont encore difficilement réconciliables. Son entremise est encore vouée à l'échec. En témoigne le refus de la majorité écrasante des étudiants (75%) de la dernière proposition gouvernementale. Maintenant, nous sommes dans le vide. Dix mois ont été sacrifiés, ce qui fait craindre la poursuite du statu quo qui avait de sévères conséquences sur les Facultés.