L'éclectique Jazzablanca s'ouvre à une musique née en Jamaïque, le ska, que les Britanniques de Birmingham enveloppent de sonorités draguées dans différents recoins de la planète. Si le reggae est leur case d'identification, l'encadrement est bien plus fouillé. Vérification au su 6 juin prochain sur la scène d'Anfa Park. En 2009, le festival Mawazine reçoit Ali Campbell, l'un des vocalistes de cette fratrie britannique qu'il vient de quitter. En 1995 déjà, il songe à entamer une carrière solo après la sortie de son premier album individuel. Mais l'échec retentissant de celui-ci le décourage. Il remet le couvert en 2008 et cette fois est la bonne, malgré une carrière en dents de scie. Ses compagnons de UB40 ne baignent pas non plus dans le bonheur, d'autant qu'en août 2021 la mort leur arrache le saxophoniste et membre fondateur Brian Travers. A la disparition de cette légende musicale, Robin Campbell, guitariste principal du combo, frère de Ali, du chanteur Duncan et rejeton du musicien folk Ian Campbell, a ces quelques mots : « UB40 ne serait plus sans la contribution de son membre le plus grégaire, du parolier le plus prolifique et de l'extraordinaire ''brassmaster mercurial''. Son immense talent, son énergie infatigable et son engagement tenace envers le groupe sont totalement irremplaçables. Bien sûr, nous continuerons, mais il y a un trou géant en forme de Brian dans UB40 qui ne pourra pas être comblé et il nous manquera à jamais. » En novembre de la même année, c'est au tour du percussionniste Terence « Astro » Wilson de quitter ce monde après avoir claqué la porte de UB40 en 2013. Si le groupe peut se targuer d'avoir vendu plus de 100 millions d'albums, il brille aussi par un nombre incalculable de départs et d'arrivées, à l'image du chanteur Matt Doyle qui intègre la formation en 2019. Mais UB40 reste un groupe emblématique du reggae blanc européen. Son génie est de savoir injecter des sonorités diverses et osées dans les branches d'un ska revival savamment prononcé. Les frères Campbell et leurs acolytes se biberonnent aux sons de ce ska aîné du reggae, ceux de Laurel Atiken dit e Godfather of Ska, de Toots & e Maytals, de Desmond Dekker & e Aces, de e Skatalites... Ils saupoudrent ce tout poético-exotique d'influences dénichées dans des terroirs voisins, d'Irlande et d'Ecosse, mais également de lands plus lointains, d'Afrique et même du Yémen. Pour des préoccupations géographiques et passablement commerciales, une touche pop est appelée à la rescousse. Mieux : quelques vieilles scies sont convoquées en guise de reprises, histoire de ratisser le plus large possible : « I'll Be Your Baby Tonight » (Bob Dylan, 1967), « Red Red Wine » (Neil Diamond, 1968), « Kingston Town » (Lord Creator, 1970) ...
Un bar pour l'art UB40 acquiert ses premiers instruments avec une belle somme d'argent reçue par Ali Campbell comme dédommagement après une rixe dans un bar. Le groupe répète pendant six mois dans une cave avant de se produire en public le 9 février 1979 dans un pub de Birmingham, ville du centre de l'Angleterre. Ses membres jouissent de l'adrénaline d'une vraie scène en faisant la première partie de The Pretenders durant leur tournée au Royaume uni. Le premier LP de UB40, « Signing Off », est un disque auto-produit, une révolution pour l'industrie musicale britannique. L'album connaît un réel succès en Grande Bretagne. Il reste au-delà d'un an à tête du hit-parade. Le célèbre magazine « Q » l'honore à la 83e place de son classement des 100 plus grands albums britanniques de tous les temps. On le retrouve dans l'ouvrage de référence « Les 1001 albums qu'il faut avoir écouté dans sa vie ». Les disques se suivent et avec eux de longues et pénibles tournées. UB40 devient rapidement un ensemble mondialement plébiscité. Il s'essaie avec succès à des bandes originales de films : « Sliver » avec Sharon Stone, « A tombeau ouvert » de Martin Scorcese, « Speed 2 : Cap sur le danger » avec Sandra Bullock, « Nos Jours heureux » d'Olivier Nakache et Eric Toledano, « L'Ultime souper » avec Cameron Diaz. Suivent quelques passages à vide, rythmés par l'édition de plusieurs best-of et inédits. Ce qui vient amocher un parcours jonché de défections et de recrutements pas forcément au goût du public de la première heure. Pourtant, la légende est là, bien présente dans les esprits. Le groupe fête actuellement le 45e anniversaire du label UB40 avec la sortie du bien nommé « UB45 », un album où des inédits donnent la réplique à des reprises, jonglant avec le 50/50. Le premier single tiré de l'opus, « Gimme Some Kinda Sign », est emprunté au Britannique Brenton Wood qui le publie en 1968 sous le titre « Gimme Little Sign ». C'est le chanteur Matt Doyle qui propose la chanson à Robin Campbell. Ce dernier en parle ainsi : : « J'ai été ravi lorsque Matt a suggéré de reprendre ''Gimme'', car ce morceau apparaissait sur ma liste de chansons à faire depuis 40 ans et j'ai toujours le 45-tours de 7 pouces en vinyle. Le fait qu'il ait choisi une chanson enregistrée plus de 20 ans avant sa naissance en dit long sur ses connaissances musicales. » Doyle rétorque : « ''Gimme Some Kinda Sign'' est l'un de mes morceaux préférés sur le nouvel album et est incroyablement amusant à jouer en live. L'enregistrement a été un vrai plaisir et j'adore ce que nous avons fait de cette chanson écrite par un incroyable chanteur de soul de maintenant 83 ans. S'il l'entend, je pense qu'il en serait très heureux. » La formation qui choisit son appellation en se référant au formulaire britannique de demande des droits au chômage (Unemployment Bene ts, Form 40) rode actuellement sa tournée « UB45 » en Grande Bretagne avant de s'attaquer à l'étranger dont le Maroc lors de la soirée d'ouverture de Jazzablanca 2024. Pour un ska de conscience.