En visite au Maroc, des députés américains ont mis l'accent sur la volonté de Washington d'investir advantage dans le Royaume pour en faire une plateforme de passage des IDE vers l'Afrique. Décryptage. Le ballet diplomatique des membres du Congrès se poursuit. Une nouvelle délégation bipartisane s'est rendue au Maroc dans le cadre d'une visite officielle, la cinquième du genre en une année après une série de visites auxquelles ont pris part des poids lourds du Capitole, tels que les sénateurs Lindsey Graham et Bob Menendez. Républicains et démocrates, aussi divisés soient-ils sur la politique intérieure, s'entendent pourtant à merveille quand il s'agit du Maroc. Composée de six députés, la délégation comprend des jeunes figures montantes de la scène politique américaine, dont le député du Texas, le républicain August Pfluger, un vétéran, ancient conseiller en sécurité nationale de Donald Trump. D'autres personnalités influentes au Capitole prennent part à cette visite, à savoir le représentant démocrate de la Californie, Lou Correa. Tous partagent la volonté commune de promouvoir la coopération entre le Maroc et les Etats-Unis, dont les relations sont si ancrées dans l'Histoire. Le député Correa n'a pas manqué, d'ailleurs, de le rappeler dès sa première prise de parole publique au Royaume. Le Royaume du Maroc a été le premier pays à reconnaître l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique, a-t-i lrappelé. August Pfluger a, quant à lui, mis l'accent sur l'Histoire. Le Maroc et les Etats-Unis sont liés par des relations historiques "extrêmement importantes", s'est-il félicité à l'issue d'une audience accordée par le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, au siège de la diplomatie marocaine. Une audience précédée par une réunion avec le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, qui leur a réservé un accueil chaleureux au siège de la primature.
Vers plus d'IDE américains ? La délégation américaine s'est félicitée de l'état actuel de la coopération bilatérale entre Rabat et Washington, liés par un accord de libre-échange qui offre plusieurs opportunités inexploitées jusqu'à présent, d'autant que le commerce bilateral est en nette progression bien qu'en deçà du potential existant. Force est de constater que les échanges commerciaux sont passés de 43,4 milliards de dirhams en 2021 à 68,9 milliards de dirhams actuellement. Le business a été au centre de la visite des congressmen. C'est rare dans une relation axée plus sur la cooperation sécuritaire et diplomatique. En se projetant sur les perspectives futures, les deputes américains et le Chef du gouvernement ont souligné, à cet égard, la capacité du Maroc à constituer une plateforme pour les investissements américains dans le continent africain, dans le cadre d'un partenariat mutuellement bénéfique. Washington, qui veut contrecarrer l'influence de la Chine en Afrique, semble déterminé à aller de l'avant dans cette sorte de bras de fer économique en établissant des têtes de ponts et des plateformes de passage des investissements du Maroc. Il s'agit d'une intime conviction et non seulement d'un calcul géopolitique, explique Gina Abercrombie-Winstanley, ex-senior advisor au Département d'Etat dans une déclaration à "L'Opinion".
Les prérequis ! Le Maroc est perçu comme un bon candidat d'autant que c'est un allié historique. Le terrain est d'ores et déjà préparé. N'oublions pas que les Américains, à travers la Société américaine de financement du développement international (United States International Development Finance Corporation-DFC), ont promis dès 2020 d'investir trois milliards de dollars en vertu des memorandums d'entente signés, le 22 janvier 2021, en marge de la déclaration tripartite. Le texte prévoit de fournir "un soutien financier et technique à des projets d'investissement privés, d'un montant de 3 milliards de USD, au Maroc et dans les pays d'Afrique subsaharienne, en coordination avec des partenaires marocains". Après l'arrivée des démocrates à la Maison Blanche, l'Administration de Joe Biden, plus distraite par la guerre russo-ukrainienne et le conflit meurtrier à Gaza, ne s'est pas investie corps et âme à accélérer la mise en œuvre d'un accord auss iambitieux. Idem pour le théorique Consulat à Dakhla qui n'a pas encore vu le jour, sachant qu'il s'agit d'une condition importante pour faire du Royaume une plaque tournante des IDE à destination de l'Afrique. Le chantier est toujours en phase de planification, comme l'a fait savoir le department d'Etat il y a quelques semaines. Quels que soient les calculs et l'agenda de l'Administration américaine, Washington a bel et bien démontré sa volonté d'investir davantage au Maroc. En témoignent les chiffres de 2022 où l'Oncle Sam est parvenu à devenir le premier investisseur de l'année en termes de stock d'IDE, loin devant la France avec un volume de 2532 MDH. Toutefois, globalement et au-delà des chiffres de 2022, les Etats-Unis restent le cinquième investisseur étranger au Maroc. derrière les Emirats Arabes Unis, l'Espagne et la France, avec une part jugée dérisoire par rapport à ce qui peut se faire (5%). Quoiqu'il en soit, le Maroc est devenu un allié indispensable aux Etats-Unis d'autant plus après la signature des accords d'Abraham. La coopération bilatérale s'est renforcée depuis lors à plusieurs niveaux, surtout à l'échelon militaire. Le Maroc continue d'être le principal hôte du plus grand exercice militaire enAfrique, African Lion, tout en bénéficiant d'un accès de plus en plus aisé à l'armement américain sophistiqué. Les contrats d'achat des Javelin et des lance-missiles "Himars" en témoignent. Diplomatiquement, Washington a fait un pas majeur en reconnaissant la marocanité du Sahara. L'appui des Etats-Unis au Conseil de Sécurité est indispensable.
Trois questions à Gina Abercrombie-Winstanley "Le Maroc s'impose naturellement comme une porte d'entrée en Afrique" * On parle souvent du Maroc comme porte d'entrée en Afrique. Est-ce désormais une intime conviction pour l'Administration américaine ?
Le Maroc est un acteur indispensable en Afrique et s'est imposé par ses partenariats et sa diplomatie comme une porte d'entrée au continent. Les Etats-Unis en sont conscients depuis longtemps. Maintenant, il faut traduire ce paramètre dans notre coopération bilatérale pour déboucher sur de nouvelles opportunités. Nous sommes dans un moment particulier où les Etats-Unis ont la volonté de renforcer leurs liens avec l'Afrique. De par sa position stratégique, le Maroc a toute sa place dans cette stratégie.
Qu'est-ce qui inciterait les Etats-Unis à penser au Maroc dans leur stratégie d'investissement en Afrique ?
Le Maroc est au sommet de l'Afrique. Les Etats-Unis sont appelés à y investir plus, non seulement pour faire face à la montée en puissance de la Chine en Afrique, mais parce qu'il s'agit de l'un des principaux alliés dans la région avec lequel nous partageons un certain nombre de valeurs et d'intérêts. Concernant l'investissement et le commerce, nous allons volontiers continuer de promouvoir notre coopération avec les pays africains. C'est un objectif fondamental.
Comment voyez-vous l'avenir du partenariat maroco-américain ?
Aujourd'hui, les relations entre le Maroc et les Etats-Unis n'ont jamais été si consistantes et profondes. La coopération bilatérale est fondée sur un soutien réciproque sur un ensemble de sujets vitaux pour les deux pays. C'est extrêmement important. Je rappelle que l'Administration américaine a vigoureusement soutenu les accords d'Abraham, dont le Maroc est un pilier important. Ce qui lui accorde un statut particulier dans la région.